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vendredi 20 janvier 2012

Vers des juridictions administratives en Russie?

Административная юстиция в России: полезные советы законодателю


La quantité de recours déposés par les citoyens en matière administrative devant les juridictions de droit commun est relativement faible: sur 14 millions d'affaires, environ 199 000 entrent dans cette catégorie, soit à peu près 1,4%. Pourtant la question de la justice administrative a été posée au plus haut niveau de l'Etat, notamment V. Poutine a soutenu l'idée de la création de juridictions administrative dans son programme présidentiel présenté le 12 janvier. Cela va relancer les chances d'examen du projet de loi préparé par la Cour suprême sur les juridictions administratives déposé encore en ... septembre 2000 à la Douma.

Selon les statistiques présentées par V. Lebedev, président de la Cour suprême, 72% des affaires examinées en 2010 ont conduit à l'annulation de l'acte administratif contesté. Ceci démontre, entre autre, la nécessité d'un contrôle efficace sur les actes des fonctionnaires, contrôle qui doit être notamment juridictionnel. Elément conforté par la Chambre sociale fédérale qui reçoit un nombre très élevé de plainte contre les agissements des représentants de l'Etat. Il est donc nécessaire de simplifier la procédure pour les citoyens, afin qu'ils puissent plus facilement défendre leurs droits.

L'idée de la création de cours spécialisées, comme cela existe dans de nombreux pays, commence à faire son chemin en Russie et est soutenue par de nombreuses personnalités des milieux juridiques. Cette formule a l'avantage, notamment, d'une meilleure formation des juges, donc d'une plus grande compétence. D'une manière générale, une spécialisation du contentieux permettrait également de mieux différencier la matière civile de la matière administrative, dont les frontière sont floues dans la pratique.

Selon un représentant de la Cour supérieure d'arbitrage - juridiction suprême en matière économique - la spécialisation des cours n'est pas une obligation, puisqu'il existe d'autres modèles plus souples. Il est donc nécessaire d'attentivement regarder quel modèle serait le mieux adapté à la Russie. On soulignera que la création de juridictions administratives autonomes risque de porter atteinte au monopole de compétence des juridictions arbitrales en ce qui concerne l'examen de toutes les affaires économiques de l'Etat, contentieux dont l'importance n'est plus à démontrer. La réticence des juridictions arbitrales est alors bien compréhensible ...

La question de l'autonomisation de la justice administrative est aujourd'hui centrale. Selon S. Pachine - qui était à l'origine de la première conception de l'organisation de la justice en Russie après la chute de l'URSS - si la justice administrative reste organiquement dans le cadre des juridictions de droit commun, elle ne pourra pas se développer et renforcer sa spécificité. Selon lui, il va falloir également régler la question de la compétence des juridictions administratives par rapport aux juridictions arbitrales (économiques) - puisque toute l'activité économique de l'Etat entre dans leur sphère de compétence. Et la question des monopoles d'Etat, des services publiques économiques, des enterprises publiques, etc. ressort des juridictions économiques.

Une autre question se pose, celle du ressort territorial des juridictions administrative dans le cadre de l'espace fédéral. Le problème fondamental des juridictions locales est la dépendance des juges aux pouvoirs locaux. En matière administrative, c'est un problème fondamental qu'il va falloir régler, tout en préservant l'accessabilité de la justice pour les citoyens.

Enfin, c'est tout l'aspect processuel qu'il va falloir développer, pour permettre aux citoyens de défendre effectivement leurs droits devant la justice. Il va donc falloir mettre en place une procédure qui favorise le citoyen et non l'Etat. Sans une modification en profondeur des règles processuelles, il est illusoire de penser régler la question de la justice administrative en créant simplement des juridictions autonomes.

Pour terminer, va se poser la question des juges eux-mêmes: garder les juges qui aujourd'hui s'occupent des questions administratives dans les juridictions de droit commun ou renouveler le contingent? Il n'y a pas pour l'instant de solution unanime.

jeudi 19 janvier 2012

Rencontre de Poutine avec les journalistes: deuxième round

Владимир Путин за словом в эфир не полез
Он нашел пару своих фраз для журналистов


Manifestement à la demande de certains représentants des milieux médiatiques, le 18 janvier V. Poutine a organisé une rencontre avec les rédacteurs en chef des médias russes et des journalistes. La discussion la plus intéressante fut celle entre le Premier ministre et le rédacteur en chef des Echos de Moscou, A. Venedictov et le rédacteur en chef de Nezavissimaya Gazeta, K. Remtchukov.

Remtchukov a demandé à V. Poutine s'il comptait parmis ses priorités la mise en place d'un système de justice équitable et d'un milieu réellement concurrentiel pour l'économie privée. Poutine lui a répondu que justement avant de venir il s'en occupait ... dans son bureau, bien évidemment. Et de manière innatendue, il a vertement critiqué les privatisations des années 90, au cours desquelles seules les personnes proches du pouvoir se sont appropriées les richesses du pays.

Il y a peu de chance que les privatisations en tant que telles soient remises en cause, ce qui commence à être demandé par une partie de la société civile, mais il est plus probable que de nouvelles privatisations soient prévues, pour la classe moyenne, qui le rappelle Poutine concerne aujourd'hui en Russie environ 30% de la population.

Le directeur général de NTV, pour sa part, estime que la question des élections présidentielles se trouve au centre de l'intérêt de la société. Il demande au Premier ministre comment il compte faire pour convaincre Venedictov de l'honnêteté des élections à venir.

Poutine ne pense pas qu'il sera nécessaire de le faire, lui-même est intéressé de connaître sa réelle cote de popularité dans la population. Il rappelle qu'il ne s'accroche pas au pouvoir (selon l'auteur de l'article ce serait alors le pouvoir qui s'accroche à lui), qu'il a proposé d'équiper tous les bureaux de vote de caméras de surveillance. Il est évident qu'il y aura des gens pour dire que les élections ne sont pas honnêtes, mais il faut tenir compte de l'opinion de la majorité.

En ce qui concerne l'article publié par Poutine il y a quelques jours dans la presse russe, Venedictov propose de l'analyser également avec des personnes qui ne partagent pas son point de vue. Sur quoi Poutine lui répond, mais vous êtes là! Poutine a rappelé qu'il a souvent invité des personnes de l'opposition, qui ne viennent pas.

V. Poutine souligne qu'il apprécie, par exemple, l'écrivain Akounine, qui est d'origine géorgienne. Mais en ce qui concerne les critiques d'Akounine sur le conflit en Ossétie du sud, il est certainement difficile pour lui de comprendre la position de la Russie, qui n'a pas initié le conflit, également en ce qui concerne le déploiement du dispositif anti-missiles, etc. Rappelant qu'il écoute peu la radio faute de temps, il raconte avoir une fois par hasard écouté une station, sans savoir qu'il s'agissait des Echos de Moscou, et avoir été effaré d'entendre des experts, ne prenant pas du tout en compte les intérêts de la Russie, notamment en matière de défense internationale. Ce qui n'est pas très correct ... Puis, avec un sourire, s'adressant à Venedictov, "vous n'êtes pas vexé, j'espère?". Venedictov répond justement l'être et là Poutine de s'étonner: mais comment? sur votre radio on me critique du matin au soir, et je ne suis pas vexé! Venedictov répond que bien sûr il ne l'est pas, il plaisantait. Poutine clos l'entretien en disant que lui ne plaisante pas...

L'échange s'est fait dans le plus pur style poutien. Il est intéressant de souligner comme le pouvoir utilise aussi délicatement les origines ethniques pour expliquer les prises de position, ce qui a provoqué des réactions dans la blogosphère, même si en l'occurence ce peut être un facteur. Intéressant de remarquer aussi comme Poutine souligne la faiblesse de l'opposition, qui ne sait pas comment se comporter avec le pouvoir. Une chose est certaine, il ne compte pas changer de style de gouvernance lors de sa prochaine présidence. Mais la société, elle, a changé. Il va être délicat de trouver un nouvel équilibre.

mercredi 18 janvier 2012

Tchaïka rend son rapport sur le déroulement de la campagne électorale de décembre

Генпрокуратура подвела итоги выборов в Госдуму
Около 100 лиц привлечено к административной ответственности


Le Procureur général, Y. Tchaïka, a présenté à D. Medvedev son rapport intermédiaire sur l'activité de la Procuratura lors des élections de décembre. Il s'agit d'environ 3000 infractions à la législation électorale, 6 enquêtes pour responsabilité pénale et environ 100 personnes soumises à la responsabilité administrative.

Les infractions commises concernent essentiellement la composition des commissions électorales (dans les républiques d'Altaï, de Tyva, d'Ossétie du Nord, dans les Oblast de Novossibirsk, de Omsk, de Krasnoïarsk, etc.) et la détermination des endroits pour la publicité des partis (dans les républiques du Bachkortostan, de l'Altaï, de Bouriatie, de Mordovie, dans les Oblast de Novossibirsk, Léningrad, etc.).

Lors de la campagne électorale, près de 2000 recours ont été porté devant les organes des forces de l'ordre pour la violation de la législation électorale. Actuellement, près de 300 recours pour falsification des bulletins, des autorisations de voter dans une autre circonscription et autres violations des droits électoraux sont en cours de vérification.

Les procureurs se sont adressés aux organes d'enquête en ce qui concerne la responsabilité pénale dans six affaires. Dans deux des cas, une affaire pénale est déjà ouverte: pour tentative d'achat d'électeurs (dans l'Oblast de Léningrad) et pour préparation, conservation et transport illégal d'autorisation de vote dans une autre circonscription (dans l'Oblast de Moscou).

On rappellera que lors de la campagne électorale, le ministère de l'intérieur et le Comité qu'enquête ont déjà établi 2091 infractions administratives et ont été ouvertes 53 affaires pénales.

Certains experts estiment que les rapports de la Procuratura et des autres organes d'enquête sont purement formels, ils ne font pas la lumière sur la manière réelle dont se sont passées les élections.

Il est peu vraissemblable que ce rapport puisse contribuer à calmer la situation. Mais il est toujours bénéfique que le système puisse enquêter sur lui-même et corriger de lui-même les erreurs. Ceci permettrait de renforcer sa légitimité et donc son effectivité.


mardi 17 janvier 2012

Poutine se distencie d'Edinaya Rossiya

Партия ошибок
Станислав Говорухин раскритиковал «Единую Россию», обвинив ее в ошибках


Le directeur du comité de campagne de V. Poutine, S. Govorukhine, a pour la première fois déclaré officiellement que Vladimir Poutine ne s'appuiera pas sur Edinaya Rossiya pour sa campagne des présidentielles, mais sur le Front populaire.

En effet, selon ses propres termes, Edinaya Rossiya aurait commis trop d'erreurs lors des législatives. Ce qu'il n'a pas voulu commenter plus en détails.

Par ailleurs, Edinaya Rossiya ne représente qu'une partie de la population, alors que le Front populaire, c'est tout le pays. Il ne renie pas Edinaya Rossiya pour autant. Et cette ambivalence a été précisée par le porte-parole du Premier ministre, D. Peskov. Si Edinaya Rossiya fait organiquement partie du Front populaire, celui-ci donne à Poutine une plus large plateforme d'action, puisqu'il regroupe également des gens qui ne sont pas engagés dans l'idéologie du parti, mais partagent des buts communs.

Malgrè les critiques à l'encontre de Edinaya Rossiya, il n'est pas question de rupture formelle, la candidature de V. Poutine ayant été lancée par le parti, qu'il ne renie pas. et pour relativiser encore plus, D. Peskov rappelle que seul celui qui ne fait rien ne commet pas d'erreurs.

Pour certains analystes, comme S. Belkovsky, le projet "Edinaya Rossiya" n'arrive pas à sa fin, il ne s'agit que d'une opération de comm.

Qu'il s'agisse d'une opération de PR ou d'une prise de consience de l'échec à long terme d'un parti en situation de monopole, la posture que veut prendre Poutine est celle d'un Président pour le pays et non d'un représentant du "groupe" Edinaya Rossiya. Mais comment le dirigeant d'une "entreprise" peut-il ne pas être entâché par la réputation de celle-ci? C'est tout simplement impossible.

lundi 16 janvier 2012

Elections des gouverneurs: le projet de loi présidentiel

Губернаторам выписали бюллетень
Готов президентский законопроект о прямых выборах глав регионов


Le projet de loi présidentiel sur l'élection des gouverneurs est prêt et sera très prochainement déposé par D. Medvedev à la Douma. Dès cette année, il sera alors possible de revenir à l'élection directe des gouverneurs. Cela d'autant plus que le projet en lui-même ne prévoit pas ce fameux "filtre présidentiel", mais cela ne signifie pas qu'il ne pourra apparaître lors des trois lectures à la Douma.

La question technique, mais ô combien symbolique, du filtre présidentiel dont V. Poutine avait parlé, n'est pas réglée par le projet de loi. Le texte prévoit simplement deux manières d'introduire la candidature d'un gouverneur aux élections: soit par les partis politiques, soit indépendemment. Dans le premier cas, le candidat ne sera pas amené à réunir des signatures, ce qu'il sera obligé de faire dans le second et dont le régime juridique sera fixé dans chaque Sujet de la Fédération.

Mais les députés Edinaya Rossiya rappellent que ces règles du jeu ne sont pas encore définitives et qu'il faudra trouver le moyen de maintenir l'influence du Président sur le processus afin de garder l'unité dans le cadre de la Fédération. Selon le parti communiste, des mécanismes directes d'influence ne sont pas nécessaires. Si un candidat ne plaît pas au Président, il est suffisant qu'il le signifie lors de la campagne électorale, les électeurs feront eux-même leur choix.

En ce qui concerne le régime de sanction des gouverneurs, les grandes lignes sont déjà posées par le projet de loi. Le Président de la Fédération peut démettre de ses fonctions un gouverneur si des faits de corruption sont révélés ou si des conflits d'intérêts non résolus persistent. De même, le gouverneur peut perdre la confiance du Président et ainsi être démis de ses fonctions, si un décision de justice établit qu'il ne remplit pas ses obligations, qu'il enfreint la législation fédérale ou du Sujet. Mais les électeurs pourront également initier la procédure d'éviction de leur gouverneur sur referendum local, dont le régime devra être établi par la législation de chaque Sujet. Mais il ne sera pas possible de mettre en mécanisme en jeu lors de la première année de prise de fonction du gouverneur.

La loi entrera en fonction dès sa signture par le Président et sa publication. Les Sujets, afin de ne pas perdre de temps, seront obligés de mettre leur législation en conformité dans les deux mois. Tout gouverneur dont le mandat devra être renouvelé après cette date, se verra appliqué la nouvelle procédure.

Pour l'instant le projet de loi ne prévoit pas de filtre présidentiel. Soit l'administration présidentielle a compris que cela ne servait à rien, soit elle laisse le soin aux députés ou aux gouverneurs, qui présenteront leurs conclusions sur le projet de loi, d'endosser le mauvais rôle. Le Président Medvedev gardant ainsi l'image d'un réformateur libéral incompris par un système politico-étatique archaïque.

Si les partis peuvent introduire leurs candidats, ce qui est très bien car cela ramène le jeu sur la scène politique et non administrative, la question des candidatures indépendantes est plus spécifiques. Tout d'abord, la nécessité de réunir des signatures peut être un mécanisme de blocage efficace pour bloquer des candidats réellement indépendants, comme cela est actuellement le cas pour les élections présidentielles. Mais noyer les élections sous des candidatures qui ne représentent rien n'est pas non plus un gage de démocratie.

En revanche, la question du pouvoir présidentiel en matière de sanction des gouverneurs reste une question sensible. La Russie est une Fédération et le gouverneur ne peut en aucun cas être considéré comme un subordonné du pouvoir central. Son pouvoir ne dépend pas du Président, mais des électeurs. Toutefois, dans des cas particuliers et graves, le Président doit effectivement, en tant que garant de la Constitution, pouvoir intervenir, mais dans le cadre d'une procédure plus globale qui intègre également le pouvoir judiciaire. C'est cet équilibre qui sera le plus difficile à trouver.