La chaîne russe RT America a jusqu'au 17 octobre pour s'enregistrer comme agent étranger, sous peine d'arrestations de ses journalistes. Le fait que la législation sur les agents étrangers ne concerne pas les médias ne dérange pas particulièrement les autorités américaines. Face à cette atteinte sans précédent à la liberté de la presse aux Etats Unis, la Russie promet de répondre de manière équivalente.
Les autorités américaines, ne considérant manifestement pas RT comme un média mais comme un agent d'influence russe, obligent la chaîne à s'enregistrer comme agent étranger d'ici le 17 octobre. A ce jour RT refuse. Par principe, car ils estiment que leur travaille relève uniquement du journalisme, ce que confirme l'absence de telles poursuites dans les autres pays où RT fonctionne.
Ceci obligerait RT a communiquer toutes les informations personnelles de ses journalistes, de prévenir à qui ils prennent les interview, dans quelles conditions et quel est le contenu et évidemment de mettre une grande pancarte Agent étranger sur les écrans. Ces pressions, avec les menaces d'arrestation des journalistes en cas de violation de la législation, ont conduit à des démissions massives dans les rangs de RT. A ce rythme-là, les Etats Unis vont parvenir à fermer RT, ce qui est manifestement le but recherché, comme le déclare M. Simonian, la rédactrice en chef de RT:
«Que font-ils à notre égard? Ils nous chassent pratiquement du pays, ils nous mettent dans des conditions dans lesquelles nous ne pouvons pas travailler. Voilà, ce que c'est, la liberté d'expression tant vanté. Pourquoi ils font cela? Parce que d'après eux nous montrons un autre point de vue, et cela aurait influencé leurs élections»
Cette exigence intervient alors que le Congrès discute de l'élargissement des compétences du ministère de la justice dans le cadre de la loi FARA sur les agents étrangers, permettant de déclarer unilatéralement qui est journaliste et qui influence la politique interne. Toutes ces discussions se produisant sur fond d'hystérie collective face au développement du soft power russe et à la perte de ce monopole. Sans oublier le crash idéologique qui s'est emparé des Etats Unis et de la rupture frontale entre des "élites" globalisées et la population qui a d'autres aspirations, les élites ayant pour elles les médias et l'appareil d'Etat.
Ces accusations "d'influence" sont de toute manière quelle que peu surprenantes, sachant que n'importe quel travail journalistique aura obligatoirement une influence sur la politique interne, à partir du moment où les journalistes parlent d'autre chose que de recettes de cuisine, puisqu'ils contribuent nécessairement à la formation de l'opinion publique. Toujours est-il que la capacité d'influence dépend directement de l'ampleur de l'auditoire et combien de personnes regardent RT aux Etats Unis par rapport à ceux qui regardent CNN, CBS etc. Quand Goliath a tellement peur de David, c'est qu'il est très affaibli.
Dans ce contexte de guerre médiatique, les Etats Unis ont une politique jusqu'au-boutiste, il est vrai que le Congrès qualifie "l'influence russe" sur les élections américaines de "crime du siècle. Non, pas la terreur islamiste, les médias russes sont manifestement beaucoup plus dangeureux. Ils ont ainsi fait pression sur Google et Youtube US pour que RT ne fasse plus partie des partenaires privilégiés, ce que RT a appris par la presse. Depuis 2010, RT a ce statut avec Google et fait partie des chaînes les plus regardées sur Youtube. Les partenaires européens de Google et Youtube l'ont eux-aussi appris par la presse.
De la même manière, l'histoire des publicités politiques sur Twitter. La rédactrice en chef de RT, M. Simonian, a expliqué ce qui s'était réellement passé. Effectivement RT a passé des contrats de publicité avec Twitter, pour un montant de 275 000 $. Or, Twitter les a contacté de sa propre initiative pour leur proposer de faire de la publicité, puisque la campagne politique a lieu aux Etats Unis. Les membres de Twitter ont préparé des publicités, qui ont plu à RT et le contrat a été signé. Ensuite, ils dévoilent le montant du contrat, ce qui reste un secret commercial, faisant de cette action purement commerciale de leur part, un acte de volonté préméditée de RT d'influencer la politique américaine.
La Russie, pour sa part, menace de réagir de manière similaire si les Etats Unis passent à l'action contre RT et le Conseil de Fédération propose d'introduire également dans la législation russe l'infraction d'ingérence étrangère dans la politique intérieure. Tant la Douma, que le Conseil de la Fédération que le ministère des affaires étrangères se prononcent pour une réponse forte, car la situation est extrême:
CNN, qui comme beaucoup d'autres médias étrangers, viole la législation russe sur les médias en présentant des documents volontairement et involontairement présentés de manière non conforme aux exigences, s'est vu rappelé à l'ordre par l'Agence des médias. Il ne s'agit pas de fermeture, mais de lui rappeler que même si le siège sociale est l'étranger, ils doivent respecter la législation du pays dans lequel ils se trouvent.
Beaucoup de médias étrangers fonctionnent en Russie, librement, avec un discours très virulent contre le pays. BBC, CNN, etc. Et leurs journalistes ne furent jamais inquiétés. Dans la logique américaine, toute critique de la politique interne, toute décision de traiter une information différemment de la presse mainstream ou simplement de traiter d'une information écartée par les médias dominants du pays doit être considérée comme une influence sur la politique interne, sortant de l'activité normale de journalisme pour devenir de la propagande. Voyons comment la Russie réagira si RT est reconnu agent étranger.
En attendant, pour ne prendre aucun risque, nous pouvons conseiller aux journalistes qui ne peuvent se résoudre à reproduire la propagande actuelle, de s'occuper de jardinage, de cuisine, de voyages etc. Quoi que non, ça aussi peut devenir dangereux. Comment parler jardinage sans toucher la question des semances de ferme et Monsato, comment parler cuisine sans s'inquiéter des OGM, sans parler de l'importance de bien choisir les destinations de voyage en fonction de leur compte de compatibilité globalisation... Bref, il devient très difficile de parler d'autres choses que de ce qui est autorisé. Il devient difficile de parler.
La liberté de la presse a toujours été un mythe, car il s'agit d'un organe de pouvoir beaucoup trop puissant pour qu'un Etat souverain ne le laisse sans contrôle. Mais jusqu'à présent, les sociétés dites démocratiques avaient trouvé un certain équilibre entre l'utilisation des médias pour conditionner l'opion publique et la marge de manoeuvre nécessaire à l'oxygénation du discours. La situation géopolitique se radicalise suite à la radicalisation du libéralisme globalisé, et la marge de manoeuvre se réduit dangereusement. D'une certaine manière, c'est une très bonne chose, car les masques tombent.
La Russie ne doit plus rien laisser passer, elle doit rendre coup pour coup si elle veut se faire respecter. Ces gens ne comprennent que la force.
RépondreSupprimerJe suis bien d’accord lorsque vous concluez que la liberté de la presse est un mythe. Les affres que subit RT ne sont qu’une étape dans la guerre d’usure que libre les États-Unis à la Russie. La Russie est le grand vilain, car au langage belliqueux yankee, Vladimir Poutine répond subtilement. Ce qui est derrière cette rage qui agite les américains comme un diable dans l’eau bénite c’est le BRICS. Le président russe a su frapper là où ça fait mal : le fric. Économiquement les États Unis ont un pied dans l’abime. Si le dollar est remplacé par le Yuan, par l’euro ou le rouble pour les transactions pétrolières s’en sera fini de la puissance américaine. J’ai hâte et j’en trépide d’impatience comme un danseur de claquettes.
RépondreSupprimerJe suis persuadé que tous les psychopathes qui dirigent cette république de banane passent des nuits blanches depuis que le singe saoudien a posé sa sale patte sur le sol russe.
Fayez Chergui, Votre commentaire est assez juste, mais il perd beaucoup de sa valeur lorsque vous insultez le roi d'Arabie saoudite. Dommage cela n'apporte rien.
RépondreSupprimerVous avez raison. J'en prend note pour la prochaine fois. Je suis syrien et ma rage envers ces gens est sans limite.
SupprimerMarie est très gentille, mais moi qui le suis moins, je ne suis pas trop dérangée par votre façon de parler de ce "roi" pour lequel je n'ai absolument aucun respect!
SupprimerAujourd'hui 7 octobre souhaitons un joyeux anniversaire à Vladimir Vladimirovitch ! Hourra !!!
RépondreSupprimerFayez - suivez vous les analyses de Bassam Tahhan sur la situation en Syrie? (Sur utube canal eurasiaexpress). Le cas échéant j'aimerai avoir votre avis succin sur ses amalyses car je les trouve particulièrement intéressantes et clairvoyantes. Merci
RépondreSupprimerC’est par hasard en revenant sur cette page que j’ai vu votre commentaire sur monsieur Bassam Tahhan. Je pense que monsieur Tahhan est une personne érudite, clairvoyante et lucide. Cependant en dépit de toute la justesse de ses discours, son discours est majoritairement événementiel et se noie parmi tous les discours allant dans le même sens. Je vous avoue que je voie là, et je ne dois pas être le seul, une sorte de répétition lassante qui tue ce genre de discours parce que précisément il ne s’inscrit pas dans la perspective socio-historique régionale, condition sin que non de débroussailler cet imbroglio qui décourage plus d’un à comprendre. Ceci, hélas, est propice aux boutefeux, car le mensonge étant multiforme et la vérité uniforme, ils leur est aisé de démolir fort de la suggestion des masses, tous ces discours justes, mais vulnérables, parce qu’amputés de cette perspective socio-historique.
SupprimerDmitry Orlov est un journaliste que je lis avec autant d'intérêt que je lis vos articles. Je vous envoie ce lien dont le contenu s'aligne au propos de votre article. Il y apporte un éclairage très censé.
RépondreSupprimerhttp://versouvaton.blogspot.ca/2017/10/leurs-fruits.html
acceptez, cher Madame, mes hommages les plus respectueux.