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mercredi 1 août 2018

Russie: la volonté de déstructuration du système d'enseignement se précise



L'enseignement est un élément central du bon fonctionnement de l'Etat. Sans une formation cohérente et efficace, qui permette aux individus d'acquérir les connaissances dont ils ont besoin pour trouver leur place dans le monde et comprendre ce monde, la société est faible et manipulable, donc l'Etat ne peut résister contre les vents et marées qui frappent à ses frontières. La Russie, ici non plus, ne fait pas exception à la règle, le tout numérique doit envahir les écoles et le coworking détruire le système très développé des bibliothèques de quartier. Sobianine, le maire de Moscou et l'Agence fédérale de l'enseignement redoublent d'efforts pour y parvenir.


Depuis la chute de l'Union soviétique, l'école est sous les feux des réformateurs. Dans les années 90, les cahiers pour les élèves avaient les portraits des présidents américains sur leur couverture. Soviétique, cette école doit être modernisée, c'est-à-dire correspondre aux standards de l'OCDE, dont la Russie n'est même pas membre. Entre idiots utiles, complexes persistants face à l'Occident et, pour certains, une réelle volonté de déstructurer ce pays qui résiste manifestement beaucoup trop, ils se repartent au combat, en changeant l'angle d'attaque, moins frontal. Le culte du numérique aidant, les résultats commencent à tristement se faire sentir. En tout cas, il nous est difficile de ne pas remarquer la chute du niveau moyen des étudiants entrant à l'Université, leur manque de culture générale, leurs difficultés à structurer une pensée hésitante, à rédiger un texte cohérent qui ne soit pas descriptif. Si des problèmes existent, ils semblent pourtant plus être le résultat des précédentes réformes, que l'objet d'une réflexion tendant à les résoudre. Le club de "vacances scientifiques" surfinancé qu'est Sirius ne tendant qu'à faire de l'enseignement un spectacle de mauvais goût, où l'on joue à la science, où l'on joue à l'enseignement. Un village Potemkine de l'enseignement. 

Et, manifestement pour continuer à aggraver les problèmes, de nouvelles déclarations, plus inquiétantes et dangereuses les unes que les autres, se succèdent. 

Le vice-directeur de l'Agence fédérale de l'enseignement Anzor Muzaev, institution en elle-même d'inspiration anglo-saxonne, déclare que le système classique de notation scolaire sur 5 est dépassé et doit être "modernisé".  Pourquoi? Parce qu'il date "d'avant-hier". Il est difficile de trouver une argumentation plus stupide. En effet, les traditions sont anciennes, c'est d'ailleurs en cela qu'elles sont des traditions. Quant au système de notation, il peut être de 5, 10, 100 ou par lettres, cela n'a strictement aucune importance. L'essentiel est qu'il soit maîtrisé par les enseignants et compris par les élèves afin de remplir ses fonctions d'évaluation, de récompense et de sanction. Le changement tant attendu par Anzor Muzaev est soit le signe d'une inculture totale, soit d'une bêtise crasse, soit d'une volonté de détruire (ces options n'étant pas exclusives les unes des autres). La question de la remise en cause du système de notation a été largement discutée dans les années 90, il est vrai qu'elle présente l'intérêt de déstabiliser les enseignants, autant que les élèves. Mais là est-ce le but recherché par A. Muzaev? Va-t-il ainsi augmenter le niveau de l'enseignement? Toute réforme doit avoir un but, autre que celui de régler les complexes ou les ambitions de son auteur.

Quant au maire de Moscou, Sergueï Sobianine, qui se présente à sa succession à la rentrée, son programme est, sans surprise, la continuation radicalisée de sa politique néolibérale. Si l'on met de côté la rénovation des cliniques, l'amélioration des transports, bref les quelques éléments sociaux devant permettre l'obtention de la tranquillité sociale, il entre directement en combat contre l'enseignement, contre le processus d'acquisition des connaissances. Reprenant les consignes de l'OCDE de 2015 pour le développement du numérique à l'école, il veut faire passer les écoles à Moscou au tout-numérique. Nous avons déjà droit aux tableaux électroniques qui empêchent les élèves de se concentrer, aux "projets" qui conduisent à utiliser Wikipédia à la place des ouvrages, aux cours d'informatique pour savoir surfer sur le net alors qu'on ne leur apprend pas à chercher dans des livres ou des bibliothèques. Le tout-numérique doit permettre de mettre toutes les écoles au même niveau, c'est le nivellement par le bas que propose Sobianine. Mais comme le système des bibliothèques de quartier est encore trop efficace et risquerait de ralentir le processus de débilisation, manifestement attendu, de la population, Sobianine veut tout simplement le détruire pour le remplacer par des "Centres sociétaux de coworking". C'est vrai, ça sonne quand même beaucoup mieux que ces banales bibliothèques du temps des dinosaures.

Si l'on ajoute à cela les déclarations de ministres pour lesquels les salles de classe doivent être rondes, "pas comme à l'époque Soviétique" (la France était donc aussi un pays soviétique ... et n'en est pas sortie), un individu de 30 ans n'est pas encore adulte, etc., l'on ne peut que remarquer le virage néolibéral pris par la Russie dans sa politique intérieure. Un pays qui prétend à l'autonomie sur la scène internationale a besoin d'une base sociale forte, non pas d'une population aculturée, qui se pliera au gré des vents contraires internationaux. 

7 commentaires:

  1. Il n'y a pas que les virus qui passent les frontières.
    La russie devrait se méfier de ces valeurs occidentales qui ont déjà tant fait de destruction.
    C'est pas encore le système US en France mais cela en prend le chemin.

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  2. Au bout de son dernier mandant Poutine va-t'il remettre les clés du Kremlin aux néo-libéraux ? Demain les mariages gays, les avions de ligne sans pilote et l'hymne national chanté en anglais par un rappeur androgine ? Que font les eurasistes et les communistes qui sont paraît-il suffisamment nombreux pour mettre dans un avion à destination des USA toute cette clique néo-libérale traître aux valeurs profondes de la Russie éternelle ?

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  3. Les évaluations de niveau en lecture et en sciences de l'OCDE ainsi que les résultats aux olympiades des matières scientifiques placent pourtant les écoliers, lycéens et étudiants russes dans les nations les plus performantes en éducation, ou instruction publique si vous préférez. Loin devant la France au fond des classements. Trop de pessimisme tue le pessimisme

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  4. Je suis moins pessimiste que vous.
    Tous les élèves ne sont pas appelés à devenir des chercheurs.
    Par contre le tout numérique a de bonnes chances de permettre aux élèves moyens d'acquérir un minimum de connaissances.
    Et peut-être même d'éveiller la curiosité de certains qui n'auraient jamais fait d'études, même secondaires, sans ce stimulant.
    La vocation scientifique n'a aucune raison d'être tuée par le numérique.
    Pas davantage que les études littéraires.

    Mais chacun d'entre nous peut se tromper, moi la première.
    Amicalement Marie

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    1. Il y a lieu d'être pessimiste quand on lit la feuille de route de l'OCDE, elle n'est pas récente (1996) mais elle éclaire de manière lumineuse l'évolution de nos sociétés depuis 20 ans. C'est un peu long mais cela vaut la peine d'être lu.
      https://www.oecd.org/fr/dev/1919068.pdf
      La Russie n'y échappe pas.

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  5. Il est important d'apprendre les fondements de notre culture, de notre civilisation, les sciences...Comme il est important d'apprendre à raisonner et non pas de reproduire bêtement un savoir. Les nouvelles technologies ne doivent pas substituer la lecture d'ouvrages divers..

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  6. Le numérique n'apporte rien, c'est une illusion. Il perturbe profondément la personnalité, la concentration et le raisonnement. Même sur une personne adulte et cultivée, les effets du numérique sont dangereux et regrettables, j'en sais quelque chose. C'est un outil dont on ne peut se passer actuellement, dans le contexte où nous sommes, mais ce qu'on devrait donner aux enfants et aux jeunes, c'est un développement normal et classique avant de l'aborder, je dirais de puissants anticorps culturels, classiques et traditionnels. Les gens qui mettent cela en place savent très bien ce qu'ils font: ils créent une génération de zombies hors sol dont on fera ce qu'on veut. Et ils ont en Russie des traîtres et des imbéciles à leur service, comme partout ailleurs.

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