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vendredi 1 novembre 2013

Pourquoi l'Agence Rosbalt peut-elle perdre sa licence?

Voir: http://rapsinews.ru/judicial_news/20131031/269481557.html
http://izvestia.ru/news/559893

La Cour de Moscou vient de prendre une décision selon laquelle, l'Agence d'information Rosbalt doit perdre sa licence lui permettant de publier en tant que média, comme l'avait demandé la Procuratura.
 
Début octobre, la Procuratura s'est adressée à la justice pour faire retirer sa licence à l'Agence de presse Rosbalt en raison de deux vidéos publiées, contenant un lexique qualifié en russe de "mat", autrement dit un langage ordurier venant des milieux criminels qui a tendance à se développer dans la société en signe de non conformisme et affiché comme chic. La législation russe interdit l'utilisation et la diffusion de ce langage par les masses médias.
 
Après deux avertissments, la Procuratura s'est donc adressée à la justice. En fait la question, sur le plan juridique, est de savoir si réellement les vidéos ont été enlevées ou retravaillées après les avertissements de la Procuratura. Car, si effectivement Rosbalt a enlevé les vidéos après le premier avertissement, comme ils l'affirment, dans ce cas il n'y a pas de fondement légal à la décision. En revanche, si, comme le soutient la Procuratura, les vidéos n'avaient pas été enlevées après les deux avertissments, la décision est conforme à la législation.
 
Et ici, les positions s'opposent. D'une part, l'on ne voit pas pourquoi il aurait fallu envoyer un deuxième avertissment si dès le premier l'Agence de presse s'était mise en conformité avec la législation nationale. Par ailleurs, Rosbalt joue sur le fait que ce ne sont pas leurs textes qui utilisent ce langage, mais ils reproduisent des vidéos qu'ils n'ont pas eux-mêmes tournés, notamment une vidéo de Pussy Riot.
 
Alors que le Conseil des droits de l'homme, des membres de la Chambre sociale et diverses organisations critiquent la décision de justice et parlent d'atteinte à la liberté d'expression, d'atteinte à la liberté de la presse, le porte-parole de la présidence précise que le Président n'est pas en droit de se prononcer sur une décision de justice, surtout lorsque celle-ci n'est pas définitive.
 
Pour autant, la principale question juridique n'a pas été tranchée dans la presse: ces vidéos ont été enlevées ou non après l'avertissement? Parce que doit-on reconnaître la liberté d'expression et la liberté de la presse comme étant le droit d'utiliser un langage ordurier?
 
De tout manière, Rosbalt ne va pas fermer demain. Tout d'abord, parce qu'ils vont se retourner vers la Cour suprême. Ensuite, parce qu'ils bénéficient de deux licences, une concernant l'activité en tant qu'agence de presse, l'autre en tant que périodique. Enfin, dans le pire des cas, ils peuvent publier en qualité de site internet. Mais l'aspect juridique doit être absolument clarifié pour que la décision de justice soit légitime.

jeudi 31 octobre 2013

Le miracle Skolkovo: la découverte de la poule aux oeufs d'or est confirmée

Voir: http://izvestia.ru/news/559834

Quel est l'apport de Skolkovo, la Sillicon Valley russe, dans le développement de la science, de l'innovation, le grand public ne le sait pas. En revanche, ce qui est connu, c'est l'ampleur des malversations. Pendant ce temps, la réputée inefficace Académie des sciences de Russie, pas assez moderne, vient peut être de mettre au point un vaccin contre le cancer.
La procurature générale est très inquiète pour l'emploi à venir des millions de roubles qui doivent être versés par le budget fédéral à Skolkovo. En effet, jusque là, la manière dont les fonds furent attribués laisse rêveur. Sans contrôle sur leur utilisation et parfois sans appel d'offre.
Les principaux bénéficiaires des financements redistribués par Skolkovo sont des entreprises de consulting, situées à l'étranger, voire dans des zones off shore, certaines ayant même pour activité principale l'aide à l'ouverture de comptes bancaires en Suisse. Sans oublier que les dirigeants de certaines de ces entreprises font parti de la direction de Skolkovo. Bref, l'on n'est jamais aussi bien servi que par soi même... L'on oubliera pas non plus les contrats frauduleux surévalués de plusieurs millions de roubles, notamment en matière publicitaire.
Parallèlement, le fond a développé une autre activité très lucrative: la négociation de titres boursiers et l'achat de part de capital dans différentes entreprises qui n'ont strictement rien à voir avec l'investissement.
Dans l'ensemble on parle de milliards de roubles. De financement public. Mais ne vous inquiétez pas, tout va bien pour les dirigeants de Skolkovo, un petit avertissement leur a été adressé, ils s'en remettront rapidement. Etonnant? Non. Les intérêts de ce fond magique sont merveilleusement bien défendus et représentés au sein même du Gouvernement. Il y a donc des chances pour que cette farce innovante, qui a au moins le mérite d'avoir découvert l'existence de la poule aux oeufs d'or, ne verra le rideau tomber ... qu'avec la chute du Gouvernement.

mardi 29 octobre 2013

Les dangers pour l'Académie des sciences se précisent et se confirment

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2330721
http://www.kommersant.ru/doc/2327614

D. Medvedev vient de signer les statuts de l'Agence fédérale qui va gérer les finances de l'Académie des sciences et dont dépendent les instituts de recherche. Tant la nomination de son directeur, que la disparition de certaines dispositions importantes ne présagent rien de bon pour l'avenir de cette institution historique.
 
L'Académie des sciences, fondée par Pierre le Grand, qui a traversé les révolutions, les guerres, les changements d'idéologie, semble difficilement survivre à la vision libérale concurrentielle tous azimuts qui envahie aussi la science en Russie.
 
Il faut être efficace. Donc, le Gouvernement créé une Agence qui va libérer du poids de la gestion les Académiciens, qui va déterminer quelles orientations doivent être financées, donc qui va déterminer ces mêmes orientations. Et, pour la diriger, un (très) jeune homme, financier, dynamique, qui a une bonne mémoire dit-on, un jeune homme qui semble très doué pour faire rapidement carrière est nommé. Il s'agit de Mikhail Kotiukov, vice-ministre des finances, 37 ans, qui n'a aucun expérience de la science. Il est porté par son mentor, l'ancien gouverneur de la région de Krasnoïarsk, qui l'a amené avec lui a Moscou lorsqu'il est entré au Gouvernement. Ce jeune homme ira loin, si le système de valeurs ne change pas, ne se rétablie pas. Donc celui qui ne connaît l'enseignement supérieur et la recherche que pour avoir été assis sur les bancs de la fac pourra diriger l'Agence qui va faire la pluie et le beau temps d'une institution qui marque l'histoire de toute la science russe.
 
Mais, la jeunesse et le manque d'expérience n'est pas forcément un signe d'incompétence. C'est vrai. Toutefois la peur de la confrontation avec les représentants du système en est un, de signe d'incompétence. Et ici l'on remarque la mystérieuse disparition dans les statuts de l'Agence des dispositions concernant le Conseil scientifique qui devait co-diriger cette fameuse Agence. Surprenant? Hélas, non pas vraiment. Il devait être composé à égalité de scientifiques nommés par le Président, par l'Académie des sciences, par l'assemblée générale de l'Académie et de chercheurs de l'Académie. Ce Conseil scientifique était alors considéré comme l'organe directeur principal de l'Agence. Dans la version définitive du texte signée par le Premier Ministre, il est simplement fait allusion a la possibilité de créer des organes consultatifs (experts, conseils ...). Et la composition sera prise en charge par le directeur de l'Agence. Un Conseil scientifique pourrait voir le jour, mais son statut sera discuté à part. Ce qui laisse que peu d'espoir pour la composition d'un organe indépendant et compétent.
 
Bref, l'Académie des sciences vient de perdre son indépendance de manière définitive. Elle est tombée entre les mains d'un jeune vice-ministre des finances de 37 ans qui ne la connait que par les chiffres. Et l'on peut s'interroger sur l'intérêt réel que peut présenter pour ce Gouvernement le développement de l'Académie des sciences. Beaucoup se sont déjà (et personnellement) investis dans le projet Skolkovo, devant sauver l'honneur de la Russie en matière d'innovation. Ils auraient pu beaucoup plus simplement relancer cette branche dans l'Académie, le projet eut été plus institutionnel, moins personnel et peut être moins fructueux, vus les scandales à répétition. Mais non, un autre choix a été fait. Et la réforme de l'Académie des sciences doit s'analyser au regard de ce facteur.  Les représentants de cette idéologie n'ont pas intérêt à aider l'Académie des sciences à se réformer pour renforcer son efficacité. Triste jour ...

lundi 28 octobre 2013

Lutter contre l'alcoolisme pour lutter contre la criminalité

Voir: http://www.rg.ru/2013/10/23/sudii.html

Sur proposition du Ministre de la justice, le législateur a modifié l'article 63 du Code pénal et prévoit désormais que commettre une infraction sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue peut constituer, à la libre appréciation du juge, une circonstance aggravante.
 
Le nombre d'infractions graves commises sous l'emprise de l'alcool concerne environ un tiers des infractions commises en Russie. Ainsi, en 2011, 263,2 milles infractions ont été commises sous l'emprise de l'alcool et 18,8 milles sous l'emprise de la drogue. Ces chiffres ayant encore augmentés en 2012. Pour le premier trimestre 2013, 10 000 personnes environ sont en prison pour une ateinte grave à la santé d'autrui commise sous l'emprise de l'alcool. 3000 personnes ont ainsi été condamnées pour meurtre. Deux tiers des viols sont commis sous l'emprise de l'alcool.
 
Toutefois, considérer la prise d'alcool ou de drogue comme circonstance aggravante ne va pas toujours de soi. Ni la pratique, ni la doctrine ne donnent d'interprétation universelle en la matière. Cette norme existait sous l'époque soviétique, puis a été annulée. En effet, contre son existence est avancé l'argument selon lequel en état d'ébriété un individu perd la consience de ses actes. Or, il n'est possible de juger qu'une personne en pleine possession de ses moyens. En Russie aussi cet argument a été repris. Sans oublier qu'une personne doit être jugée pour l'infraction qu'elle a commise et non pour l'alcool qu'elle a pris.
 
Malgrè cela, le législateur a voulu revenir à la conception plus ancienne, et plus sévère. Certains juristes estiment en effet qu'une personne qui devient violente sous l'effet de l'alcool, le sait et en prend quand même, doit être jugée plus sévèrement, c'est une question d'ordre public. Afin de trouver un compromis entre ces deux conceptions, le législateur a laissé une marge de manoeuvre au juge. Celui-ci ne sera pas obligé d'aggraver la peine de manière automatique en cas d'alcoolémie, mais, conformément au principe de la personnalisation des peines, il devra analyser la situation au cas par cas pour voir si la prise d'alcool ou de drogue a réellement constitué une situation aggravante dans l'affaire concernée.

Regards croisés Russie-UE, par Caroline Voos: les émeutes dans la banlieue de Moscou suite au meurtre d’un jeune Russe le week-end du 12-13 octobre 2013



Dans le journal Le Monde (France), Marie Jégo estime que le racisme en Russie est « caractérisé par une grande expression de violence »  à l’égard des Caucasiens, des migrants d’Asie centrale ou des étrangers au « faciès non slave ».

A la question les Russes sont-ils plus racistes qu’ailleurs ?

Tout en répondant par la négative, la journaliste enchaîne : le discours xénophobe est débridé et commun aux principaux courants politiques, qui l’exploitent dans un contexte socio-économique donné.

Elle souligne encore la position ambigüe de Vladimir Poutine et de l’Eglise orthodoxe et évoque d’autres contentieux entre la Russie et l’Europe (homosexuels, Pussy Riot) et conclut qu’au temps de l’URSS l’intégration était possible.


Dans le Courrier de Russie, la Rédactrice en chef, Inna Doulkina, fustige les journalistes occidentaux qui jouent à nouveau aux lecteurs l’éternelle pièce de la Grande Méchante Russie, tellement plus confortable pour marquer les esprits.

Mais il faudra bien passer à une autre interprétation que celle de la xénophobie primaire poursuit-elle. Les habitants sont descendus dans la rue, tant leur exaspération est grande de vivre près d’un marché (de Birioulevo), où  la mafia azerbaïdjanaise sévit, l’esclavage fleurit, où les immigrés clandestins sont légions et le russe devenu langue morte, alors que dans le même temps ils ont demandé la fermeture de ce marché depuis bien longtemps.

C’est donc un message clair adressé aux autorités municipales d’une part, aux immigrés de l’autre : « Nous avons l’obligation de respecter la culture de l’Autre, et le droit d’exiger le même respect vis-à-vis de la Nôtre ».

 
Quelles réflexions tirer de ces deux articles ?

Tout d’abord, il semble qu’à l’heure actuelle, que ce soit en Europe ou en Russie, nous sommes tous interpellés face aux défis à relever concernant les problèmes de l’immigration.

Avant de stigmatiser la Russie, il convient donc de balayer devant sa propre porte.

Des violences interethniques ?

Celles-ci sont fréquentes dans de nombreuses capitales européennes comme Londres ou Paris. Par quel hasard, une cité comme Moscou, capitale d’un ancien Empire, y  échapperait-elle ?

D’autre part, surfer sur le thème de l’immigration, la peur de l’islam et la xénophobie en quête d’un électorat plus large, n’est pas l’apanage des seuls courants politiques russes et je ne vise pas uniquement  nos partis ultranationalistes ou d’extrême droite.

Ensuite, il n’y a pas de  solution miracle.

Ni l’introduction de visas pour les ressortissants de la CEE, ni la scission du nord Caucase ne résoudrait le problème. En Russie, comme en Europe, il y aura toujours des immigrés. Cela n’empêche pas qu’il y ait des mesures à prendre au niveau local.

Poursuivre les criminels avec le même zèle qu’ils soient slaves ou non slaves, demander aux uns de respecter les lois, les us et coutumes du pays et aux autres de faire preuve de tolérance, être à l’écoute et au contact des habitants pour que tous considèrent Moscou comme leur ville.

Voilà quelques règles de bon sens qui peuvent être suivies par tous (UE-Russie), bien que je ne prétende pas que cela soit  facile …