Je vous souhaite la bienvenue sur ce blog où nous allons tenter de décrypter l'actualité politique russe, donner la dimension de toute sa richesse et sa complexité. Sans clichés et sans partis pris. Sans vouloir plaire à tout le monde.
Alors que les sanctions européennes s'acharnent contre les journalistes et les médias russes, interdisant certains d'entrer en Europe, voulant suspendre la diffusion des médias russes, que ce soit aux Etats Unis ou en Europe, les milieux professionnels de la télévision décernent les prix aux journalistes russes pour la qualité de leur travail.
Rappelons que lors des moments de gloire médiatique du conflit en Syrie, quand tous les regards étaient tournés vers cette région, la chaîne russe diffusant en anglais aux Etats Unis, Russia Today, s'est vue suspendue: son point de vue alternatif, contre une intervention militaire dans la région, devenait dérangeant, voire dangereux. Donc, rien de nouveau avec la crise ukrainienne, il faut baillonner les médias lorsqu'ils dérangent. Pourtant, cette même chaîne vient de raffler plusieurs prix au Festival New York 2014 organisé par les professionnels du journalisme à Las Vegas, dépassant même CNN. La première place dans la catégorie le meilleur documentaire d'information, la troisième place dans la catégorie News promotion et également en Science et Technologie. Donc, la même chaîne sanctionnée par les politiques, voit son travail reconnu par les professionnels.
Et l'histoire vient de se répéter à Cannes. Le directeur de la chaîne russe Pervyi Kanal, première chaîne du pays, vient de recevoir un prix d'honneur pour son apport à la chaîne et à la profession.
Je vous laisse vous-même en tirer les conclusions.
Dmitry Kisselev lors de son émission analytique de fin de semaine, tant décriée en Occident, lorsqu'il expliquait, en fait, que seuls les Etats Unis et la Russie étaient capables de se détruire mutuellement par des bombes atomiques, d'où le danger d'une escalade des tensions. Version quelle que peu différente de celle présentée par les médias européens.
L'OSCE et le Comité international pour la défense des journalistes s'inquiètent. C'est louable de leur part. Plus d'une vingtaine de journalistes russes, qu'ils viennent de la télévision ou de la presse écrite, se sont vu dernièrement refuser l'accès au territoire ukrainien, alors qu'ils venaient pour exercer leur profession. Et cela concerne des journalistes de tout bord politique, allant de Kommersant (presse libérale bien vue en Occident) à Rossiïskaya Gazeta (qui sert également de journal pour la publication des actes normatifs, comme le Journal officiel en France).
Donc, journalistes russes s'abstenir.
Et ces organisations d'exprimer leur profonde inquiétude pour la liberté d'expression en Ukraine, puisque aucun pays démocratique ne peut porter atteinte de cette manière et impunément à la liberté du journalisme. Chaque journaliste a le droit d'exprimer son point de vue, même s'il est différent de celui de ses confrères.
Hourra! Hourra! Hourra! Applaudissez en coeur mes bien chers frêres, mes bien chères soeures! D'aucuns dirait, c'est l'heure du Boogy Woogy. Laissez couler une larme au coin de l'oeil, qu'elle descende doucement, lentement, pour que chacun ait bien le temps de la voir. Ces organismes ne sont donc pas politisés, comme le pensent les mauvaises langues et les tenants de cette ridicule théorie du complot, ou de cette théorie du complot parfaitement ridiculisée. Non, cent fois non, que nenni bonnes gens, nous vivons dans une société démocratique qui sait défendre ses valeurs lorsqu'elles sont en péril.
C'est justement pour cette raison que les sanctions prises par l'UE à l'encontre, notamment, du journaliste Dmitri Kisselev, l'interdisant de séjour dans les pays de l'UE, en raison de son activité professionnelle, sont justifiées. Et elles le sont pour deux raisons:
L'UE n'est pas un pays, donc on ne peut pas lui reprocher d'être non démocratique. C'est un organisme international, supra-national, pré-fédéral, on ne sait plus très bien ce que c'est, mais ce n'est pas un Etat. Elle n'est donc pas obligée d'être démocratique, elle est composée d'Etats démocratiques. Et leur légitimité démocratique semble automatiquement teinter l'UE de démocratisme. Un peu comme le linge dans la machine, les couleurs déteignent.
Dmitry Kisselev n'est pas un journaliste mais un propagandiste, car il défend un point de vue différent de celui de ses confrères européens. Donc l'interdiction d'exercer son métier ne touchent pas le journalisme, il s'agit bien au contraire d'une saine protection contre la propagande, qui elle, on le sait bien, est interdite dans nos pays aux médias tant diversifiés.
Logique non? Bref,dormez bien bonnes gens, n'oubliez pas de prendre vos somnifères le soir, vos antidépresseurs le matin, de bien regardez les journaux TV, peu importe lequel ça ne change rien. Et vous vivrez heureux.
Le Parlement européen (UE), comme l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sont des instances, théoriquement politiques, qui ont été mises en place pour défendre les valeurs européennes et non seulement les règles européennes. Les valeurs de ce que l'on appelait, il y a encore quelques années, "le monde libre" à l'opposé du monde soviétique et de sa censure idéologique. La Liberté au coeur de l'homme européen, la liberté au coeur de la civilisation européenne, la liberté au coeur des institutions européennes et en Europe. La liberté, au singulier comme un absolu. Défendue par toutes les constitutions, traités, jurisprudences. La liberté dans tous les esprits. Réchauffe le coeur, échauffe les sens. On prend un étendard au nom de la liberté. On discerne des prix. On reconnaît. On nomme. On qualifie. Nous sommes les hommes libres, on se reconnaît entre soi.
Et après tout cela, que reste-t-il? Rentrer chez soi et oublier? C'est ce à quoi me fait penser la position de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Une trahison.
Une conversation téléphonique qui fuite entre C. Ashton et le ministre des affaires étrangères de l'Estonie montrant que l'UE savait que les snippers étaient recrutés par les opposants actuellement au pouvoir. Il faudrait une enquête. Officielle, peut être. Enfin, on ne se dépêche pas trop. Et, oh miracle, avec le temps on oublie complètement et maintenant Kiev accuse Yanukovych, accusation reprise avec entousiasme par le Conseil de l'Europe.
Mais réécoutez cette conversation:
L'on s'inquiète de la situation des russophones en Ukraine après l'adoption par la Rada d'une loi annulant le russe comme langue minoritaire officielle. Le Conseil envoie une commission d'enquête et formule un rapport qui vaut son détour (référence en haut de l'article). Après avoir discuté par téléphone avec les représentants des minorités dans l'Ouest du pays (sic), tout va bien. Donc, ils ne sont pas allés sur place réellement chercher, comprendre, voir, sentir la situation dans toutes les régions d'Ukraine. De Kiev, ils ont passé un coup de fil. C'est ce que dit le rapport. En revanche, évidemment, on s'inquiète beaucoup pour la situation des tatares de Crimée, là s'est grave. En effet, maintenant ils sont associés au pouvoir dans cette région désormais russe, leur langue est officiellement reconnue. Une situation terrible. Toujours dans ce rapport, il est indiqué que tout va bien, car les gens ont toujours accès aux informations dans leur langue. Quelques oublis donc. Les chaînes en russes fermées. Les sites officiels en russe fermés. En effet, il vaut mieux oublier. Car comme l'indique le rapport, l'important est que la sitation soit calme, que la population le ressente ainsi avant les élections de mai. Donc, il est dangereux quand les médias parlent des problèmes inter-ethniques. Il vaut mieux ne pas en parler, puisque selon les informations réunies, par téléphone, tout va bien, ces informations sont exagérées ou fausse. Le directeur de la chaîne publique ukraine qui a eu le malheur de diffuser en directe simplement quelques images de la signature du traité d'adhésion de la Crimée à la Russie appréciera. Suite à cela, il a vu débarquer dans son bureau le député de Svoboda, parti maintenant soutenu par les instances internationales, député à la tête du Comité pour la liberté de la presse, qui l'a simplement frappé en l'insultant, jusqu'à ce qu'il signe une lettre de démission. Ce pauvre journaliste n'est plus réapparu dans ses locaux.
Doit on également parler du député communiste battu hier à la Rada en pleine séance par les députés de la majorité pour avoir critiqué l'extrémisme de ce Gouvernement. Son micro a été bloqué, il a été empoigné et frappé. La démocratie en action.
C'est donc pour la défense de ces valeurs européennes, incarnées par le nouveau pouvoir à Kiev, que l'Europe et les Etats Unis font monter la pression sur la Russie. Car la Crimée, quelle horreur, a voulu rentrer dans sa patrie, ses habitants ont voulu être reconnus comme des citoyens à part entière et non de seconde sorte, avec des droits complets. Ils ne pouvaient même pas élire le maire de leur ville Sébastopole.
Comme l'écrit magnifiquement J. Attali:
"Les historiens de l’avenir auront à mon sens beaucoup de mal à comprendre pourquoi nous nous sommes lancés dans une escalade aux conséquences potentiellement terrifiantes avec la Russie, pour s’opposer au vote majoritaire d’une province russophone, russe pendant des siècles, et rattachée en 1954 à une autre province de l’Union soviétique par le caprice du secrétaire général du parti communiste d’alors, Nicolaï Krutchev. Un rattachement jamais pleinement reconnu par la majorité des habitants de la Crimée, qui ont toujours voulu conserver leur autonomie à l’égard du gouvernement de Kiev, comme l’affirmait encore la première constitution ukrainienne de 1992. Aujourd’hui, la Crimée, et la Russie ont choisi de profiter du chaos issu de l’arrivée à Kiev d’un gouvernement fortement antirusse pour se retrouver. En quoi cela nous gêne-t-il ? Pourquoi refuserait-on aux habitants de la Crimée de vouloir choisir leur destin, contre l’avis du pays dont ils sont membres, alors qu’on s’apprête à autoriser les Ecossais à voter sur le sujet, et que les Catalans ont bien l’intention d’en faire autant ? Protestera-t-on contre « l’amputation du territoire de la Grande-Bretagne » si les Ecossais choisissent l’indépendance ? Et que fera-t-on si la Moldavie, la Biélorussie, ou la partie russophone du Kazakhstan réclament leur rattachement à la Russie? Nous nous en mêlerons ? De quels droits ? Au nom de la stabilité de l’idée de nation ? Mais l’a-t-on imposé à la Tchécoslovaquie ? A la Yougoslavie ? Au Kurdistan irakien ? A Gaza ? S’y opposerait-on si le Québec décidait de son indépendance ? Et que ferait-on si la Wallonie demandait son rattachement à la France ? Il est clair que lorsqu’une minorité ne se sent pas protégée contre les excès d’une majorité, elle a le droit de retrouver la maîtrise de son destin. Il appartient à la majorité d’y veiller. Alors, pourquoi faisons-nous cela ? Qu’avons-nous à en craindre ?".
Pourtant, l'Europe n'écoute pas Attali et prépare une nouvelle liste, touchant presque tous les hauts fonctionnaires russes et ukrainiens, ce qui va manifestement faciliter le dialogue. Mais, cette liste touche également les journalistes "non alignés". Car voici de quoi l'Europe a peur: des mots. De ces mots qui rappellent la réalité des faits contre les mots qu'elle lance pour créer une réalité alternative, plus confortable à court terme. La guerre de communication est une guerre de langage. Le langage est devenu une arme de pouvoir. Donc non seulement il faut attaquer des journalistes russes, mais également les chaînes qui ont l'audace de montrer des images qui ne correspondent pas au discours européen.
Nous sommes très loin des valeurs européennes ... A moins que la censure ne soit devenue le fondement de notre nouvelle société post-moderne, dont la faiblesse structurelle ne lui permet pas d'accepter une alternative. La Russie devient alors ce visage de l'Europe qu'il faut cacher.
La question du financement du terrorisme est centrale pour tous les pays à notre époque, où la mondialisation ne touche pas que l'économie ou la politique, mais également le terrorisme. Dans ce contexte, la déclaration de l'OTAN de mettre un terme à la collaboration avec la Russie en matière de lutte contre le terrorisme et contre le trafic de drogue résonne désagréablement aux oreilles. Surtout lorsque l'on sait que l'Occident se dirige vers un désengagement en Afganistan, pays qualifié de narco-Etat.
Pour sa part, les organismes financiers et d'enquêtes russes ont rendu leur rapport pour l'acitivité du financement du terrorisme en 2013. Les résultats montrent une augmentation sensible de l'activité en ce domaine, et pas seulement dans les régions du Caucase du nord.
L'aide financière, technique et matérielle, continue à parvenir aux organisations et groupuscules terroristes, malgrè la fermeture de nombreux canaux de financement et le renforcement des enquêtes sur le financement du terrorisme. Et ce, qu'il s'agisse d'une aide "intérieure", c'est-à-dire depuis la Russie, ou "extérieure", envoyée depuis l'étranger. En 2013, on compte une augmentation de 36% des enquêtes en la matière par rapport à 2012.
Dans le même sens, le nombre de personnes morales ou physiques identifiées comme étant liées au terrorisme est passé de 2768 en 2012 à 3283 en 2013.
Les députés soulignent certaines imperfections du système de lutte contre le financement du terrorisme, et donc contre le terrorisme lui-même, notamment le manque de coordination entre les différentes instances financières et d'enquête, l'absence d'une base de données unique, le fait que la connaissance des faits de financement n'interviennent le plus souvent que post factum, donc trop tard.
Le 9 janvier 2014, l'ancien maire de Novossibirsk, "capitale" de la Sibérie et 3e ville du pays, démissionne de la mairie en devenant vice-gouverneur de la région. Après de nombreuses péripéties médiatiques, une grande hésitation quant aux résultats définitifs, le candidat communiste de l'opposition, A. Lokot, gagne de justesse avec 43,75% des voix contre 39,57% pour le candidat Edinaya Rossiya, V. Znatkov.
Il est intéressant de souligner la prise de consience politique, dans le bon sens du terme, de l'opposition en la circonstance. Au départ, 35 prétendants avaient déposé leur candidature, 17 furent enregistrés. Si l'on ne tient pas compte des candidats fantaisistes, l'éclatement du nombre des candidats provoque également l'éclatement des résultats. Après un sondage d'opinion, montrant que le candidat communiste était le mieux placé pour gagner les élections face au candidat de la majorité, 5 opposants se sont retirés et lui ont exprimé leur soutien, dont le député Ponomariev, et un a tout simplement retiré sa candidature.
Les réusultats des élections dans cette ville importante montrent deux chosent. Tout d'abord, que malgrè la loi populiste lancée par Medvedev pour contenter une opposition naïve, ce n'est pas la multiplication infinie des partis politiques qui garantie la victoire de l'opposition. Cette loi ne permet que de renforcer, dans les faits, la position des partis classiques. Ce qui est somme toute normale, les citoyens sont avant tout intéressés à une gestion sérieuse de leur ville et pas à de grands slogans politiques. Ensuite, seule la coalition des opposants, ouvrant la voie à celui qui a le plus de chance, est un gage de victoire. Une victoire tout à fait possible, réaliste et réalisée. Ce qui montre que la faiblesse de l'opposition en Russie tient plus à des facteurs intérieurs qu'à la rigidité d'un système qui lui fermerait la porte au nez.