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vendredi 28 juin 2013

Corporate raid du Gouvernement sur le système de l'Académie des sciences de Russie

Voir: http://izvestia.ru/news/552742
http://www.tvc.ru/ShowNews.aspx?id=1b5ad18b-dea1-4136-b43d-a42d7ef62b65

L'histoire de l'Académie des sciences de Russie remonte à Pierre le Grand. Par oukase du 28 janvier (8 février) 1724, il créé l'Académie des sciences de St Petersbourg. C'est alors la première Académie scientifique russe fondée sur le modèle européen. En 1917, elle prend le nom d'Académie des sciences de Russie et après la révolution d'Octobre elle devient l'Académie des sciences de l'URSS. Elle a survécu à tous les régimes, à toutes les révolutions. Mais elle ne pourra pas survivre à l'ambition stérile du Gouvernement Medvedev, à leur pseudo-libéralisme infantile, à la vanité d'un ministre de la recherche et de l'enseignement, Livanov, lui-même touché par des scandales de détournements de fonds publics lorsqu'il fut recteur et dont l'enquête est en cours. Hier, Medvedev et Livanov triomphaient en annonçant la fin de l'Académie, cette institution d'un autre temps. Annonce faite juste après l'élection de son nouveau président (qui doit encore être confirmé par le Président Poutine), juste avant les vacances universitaires d'été, juste avant les vacances parlementaires, forçant les députés à adopter la loi dans l'urgence avant de partir.
 
C'est un raid du Gouvernement sur l'Aacadémie. Avant d'en chercher les raisons possibles et les implications politiques, voyons en quoi cela consiste.
 
Le système de l'Académie des sciences est composé de cinq établissements publics d'enseignement et de recherche, l'Académie des sciences, l'Académie de la médecine, l'Académie de l'agriculture (les Académie de l'ingénieurie de la construction et celle des arts ne seront pas touchées). Ces trois établissements publics vont être dissous et fondu, non pas sous le statut d'établissement public, mais sous une forme d'association publique. Actuellement, les membres se divisent en académiciens et en membres correspondants, qui eux sont beaucoup plus nombreux. Avec la réforme on ne compera que des académiciens, qui toucheront jusqu'à ce que mort s'en suivent 100 000 roubles par mois, mais en contre partie, il sera interdit de faire entrer de nouveaux membres pendant trois ans.
 
Ca, c'est la première manière de tuer le système. Par ces mécanismes, il est institué une espèce de Club veillissant pour immortels scientifiques. Dont la composition est figée, avant qu'elle ne perde tout intérêt. Pour comprendre l'ampleur du désastre, il faut savoir que, uniquement pour l'Académie des sciences, cela entraîne la mort lente de plus de 500 instituts de recherche, coupe la respiration à plus de 55 000 chercheurs (dont aujourd'hui 500 académiciens et 746 membres correspondants).
 
Le second coup est porté à l'autonomie de cette institution, autonomie qui n'avait même pas été remise en cause sous la période soviétique. Ce nouveau Club va devoir s'occuper uniquement de la science, donc il sera "déchargé" de tout ce qui concerne la gestion. Et le patrimoine en jeu est colossale, des bâtiments et des terrains extrêmement biens situés, trop bien peut être... Donc pour ne pas déranger ces pauvres professeurs Tournesol, une Agence rattachée soit directement au Gouvernement, soit au ministère de l'enseignement et de la recherche va être créée. Elle va gérer tout ce patrimoine, ainsi que la question du financement des recherches de cette Académie dépecée. Non seulement il s'agit d'une expropriation de facto, mais en plus ils n'auront plus la maîtrise de leur ordre du jour scientifique. Cela va passer entre les mains du Gouvernement. Double bénéfice pour celui-ci.
 
Mais d'où vient cet acharnement? Rappelons-nous que Livanov avait commencer à entrer en conflit avec l'Académie. Finalement, V. Poutine et des parlementaires avaient pris le parti de l'Académie et l'affaire en était restée là. L'élection du nouveau président de l'institution avait été organisée, avec beaucoup d'effervescence et de débats. Finalement, un homme plus jeune (vue la moyenne d'âge des académiciens) a été élu, avec la volonté de rajeunir l'institution, de la dynamiser, de la moderniser intelligemment. De l'intérieur, en profondeur et en douceur. Il n'en aura pas eu le temps. Pourquoi?
 
L'attaque contre l'enseignement devient un enjeu de pouvoir, qui dépasse les frontières. Il faut réformer, rénover, tout ce système continental qui semblerait défaillant au regard de critères qu'il ne maîtrise pas (raiting, listes des revues très localisées. etc). L'attaque par l'opposition politique n'a pas marché, il n'y a pas de soutien de la population. L'attaque par le judiciaire vient de tourner court avec la réforme annoncée. Il faut réagir. Reste la science. La science qui est la pierre angulaire du développement possible de toute société développée. La science qui fut de tout temps l'emblême de la Russie. Il faut la destabiliser avec la slogan de la modernisation, qui en soi-même ne signifie rien.
 
Politiquement, cela montre s'il en est encore besoin, une cristallisation du conflit entre les deux clans politiques réels en Russie, national contre mondialiste. National et non nationaliste, j'insiste. Mondialiste et non réformiste, puisque le clan national aussi réforme.
 
Et là on s'interroge sur le silence de V. Poutine. Il devrait destituer le Gouvernement pour mettre ses actes en conformité avec ses paroles. Mais en a-t-il la force? Et surtout en a-t-il la volonté? Oui, ce n'est pas le meilleur moment. Les élections de Moscou se préparent. La réforme de la justice est enfin en marche. Mais il ne peut continuer à jouer sur les deux tableaux. Il doit entrer en politique. Car, sinon, seulement deux explications sont possibles: 1) Malgrè ses discours, l'implication du bisness est trop forte dans les milieux de pouvoir pour qu'il puisse réagir. Mais dans ce cas ces grands discours sur le patriotisme économique doivent se compléter par des actes de patriotisme politique qui peuvent faire mal au porte-monnaie. Sinon, ce n'est que de l'hypocrisie. 2) Il est politiquement trop faible, soit objectivement, soit il n'en a finalement pas la carrure. Dans ces deux cas, de toute manière, un Président, surtout en temps de crises politiques décisives, n'a pas le droit d'être faible.
 
Son silence et son inaction, pour l'instant conduisent à se poser des questions qui ne présagent rien de bon pour l'avenir politique de la Russie.

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