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lundi 22 juillet 2013

Higher School of Economics entre en combat contre le régime

Voir: http://www.polit.ru/article/2013/07/22/letter/

Un groupe d'enseignants-chercheurs de la Haute Ecole d'Economie, à Moscou, prend la tête du combat contre le régime constitutionnel russe actuel. Leur démarche est officialisée à travers une lettre ouverte (que vous trouverez dans le lien), signée essentiellement par des membres de cet université, mais également par des avocats et quelques membres d'autres universités.

Il faut savoir que la Haute Ecole d'économie a été créée en 1992 par le ministère de l'économie, à l'époque du libéralisme triomphant, et assez destructeur, des années 90. Elle en a toutefois gardé l'idéologie. Plus tard, une faculté de droit a été instaurée, qui garde l'idée d'une interdisciplinarité très forte en droit, le recours permanent à l'économie et à la sociologie pour l'étude du droit, dans la plus fidèle tradition américaine de l'enseignement juridique. Or, rappelons que dans la tradition américaine de l'enseignement du droit, les deux mouvements Critical Legal Studies et Law and Economics, qui ont conduit à remettre en cause l'autonomie du droit et diluer l'enseignement juridique avec toute autre spécialité (allant même jusqu'au Law and feminism ou Law and litterature), ont connu au début un tel succès car les spécialistes d'autres disciplines ne pouvaient trouver un emploie après leur formation. En s'inscrivant ensuite dans une Ecole de droit, ils avaient plus de chance. Toutefois, cette expansion trop forte a provoqué une certaine réaction, une crise identitaire et dévalorisé la production scientifique (voir C. Jamin, La cuisine du droit, p. 113-118).

Cette tentation du "tout-droit" touche largement les milieux universitaires, non seulement français, mais également russes. Il est plus sexy, comme il est de bon ton maintenant de le dire, de soupoudrer une analyse juridique d'éléments moins rigoureux, plus attrayants, pouvant toucher un public plus large. Cela conduit surtout à terme à dévoyer les concepts, à les vider de leur signification juridique, pour les remplir d'une signification économique ou politique. Ce qui a un effet pervers sur le système étatique lui-même, puisque le droit lui donne sa structure.

Cette fameuse "lettre ouverte" en est un bel exemple. L'on y parle de tout et de rien, mais très joliement. L'idée est de produire un J'accuse juridique, en s'appuyant sur la légitimmité que donne l'exercice professionnel du droit, sans du tout se plier à sa rigueur d'analyse. L'ordre constitutionnel russe, selon les auteurs, est en danger et l'état de droit s'est transformé en simple déclaration d'intention. Soit. Et d'invoquer, par exemple, la justice au service du pouvoir. Sans analyse des logiques de système exliquant les arcanes de la justice. Il aurait également été intéressant, pour le coup, de faire une analyse statistique - qui n'existe pas - concernant les affaires pour déterminer le taux d'erreur judiciaire. Le problème est que cela est objectivement impossible. Car en dehors du flagrant délit, nous sommes toujours dans la subjectivité, c'est la raison pour laquelle un ordinateur ne pourra pas remplacer un juge, il manque d'humilité. 

L'on y parle également de falsifications d'affaires pénales par les services spéciaux et par la justice, comme d'une chose courante. Sans aucune preuve tangible. Maintenant, un jugement rendu qui ne convient pas à l'idée que se fait la bulle libérale des résultats de l'enquête est une affaire politique. Une affaire fabriquée. Sans démonstration, se fondant simplement sur le on sait bien que ... Pourtant on ne sait pas, on imagine, on suppose, on espère, on extrapole, mais on ne sait pas. Et l'on en parle quand même. En professionnel. Parce que la communication doit remplacer la justice. Parce que la justice se rend dans la presse et non dans les tribunaux. Est-ce cela leur conception de l'état de droit?

Alors qu'ils décrient la loi du plus fort, à laquelle est censé recourir le pouvoir, ils l'utilisent eux-mêmes, ici. Cela ressemble à un cri. A un cri d'impuissance. Impuissance politique, car il leur manque le soutien de la majorité de la population, qui a déjà vécu les années 90 et n'a pas particulièrement envie de voir revenir ces grands hommes. Impuissance intellectuelle ensuite, car ils sont incapables de proposer un modèle alternatif qui ne soit un emprunt. 

Ce qui se dégage de cette lettre est assez désagréable et pitoyable. Un rejet de la société russe, archaïque, qui ne correspond pas à leur modernisme. Une allégeance sans réflexion au modèle anglo-saxon, quitte à entraîner la destruction de leur pays (ce qu'ils ne veulent pas forcément d'ailleurs). Et toujours la réthorique soviétique dont ils ne peuvent sortir, même si son application à la société russe contemporaine est totalement dépassée. Peut-être faudra-t-il une génération, décomplexée, pour en sortir...

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