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mardi 2 septembre 2014

La guerre cachée d'Ukraine

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J. Tardi, C'était la guerre des tranchées

En principe, une guerre c'est simple. Tous les enfants y jouent. Ils mettent face à face des soldats, des tanks, font voler des avions et se tirent dessus. En fait, la guerre, c'était simple. Maintenant, plus personne ne la déclare et presque tous les pays la connaissent, y sont impliqués d'une manière ou d'une autre.
 
Les gens meurent, des soldats partent, les blessés sont aussi des civils, et l'on parle d'opération de maintien de la paix, d'opération anti-terroristes. On n'ose plus dire la guerre. C'est un gros mot. Ca brûle les lèvres, c'est amer en bouche. Un goût de terre, un goût de sang. Et pour cause. Tout l'intérêt de notre civilisation européenne est d'avoir mis la guerre hors la loi, hors nos frontières, hors l'acceptable. Celui qui déclare la guerre est le fautif, car il est le barbare. Donc plus personne ne déclare de guerre et chacun la fait en silence.
 

En Ukraine aussi, la situation évolue de manière surréaliste. L'UE et les Etats Unis accusent la Russie de provoquer l'escalade du conflit, quand ils soutiennent financièrement et matériellement l'armée ukrainienne et ses étranges divisions, comme Pravyi Sector ou la Garde Nationale. Le tout en refusant de reconnaître que l'Ukraine est en guerre, contre elle-même, car elle doit signer l'accord avec l'UE et les structures qui le font doivent être légitimes. En temps de guerre, ce n'est pas possible. Donc tout le monde ferme les yeux sur les crimes de guerre commis par l'armée ukrainienne, contre la population civile et les combattants: recours aux armes chimiques, à l'artillerie lourde en zone d'habitation, déplacements massifs de populations etc.
 
Avec le départ négocié de I. Strelkov, la Russie, pour sa part, a renforcé son aide à l'armée de Donbass. Des soldats russes "en vacances" soutiennent volontairement le combat en y prenant part. Mais quelle est l'ampleur de l'aide? Personne ne le sait. S'agit-il d'une aide essentiellement stratégique ou bien également matérielle? Aucune idée et personne ne le dira. Mais ce qui est sûr, c'est que les gentils petits hommes verts de Crimée sont revenus et les résultats sur le champs de bataille se voit tout de suite: l'armée ukrainienne n'est pas encore en déroute, mais elle est sérieusement en difficulté.
 
Et personne ne veut reconnaître ce changement de ton, de part et d'autre, même si des tentative sont faites, notamment par le clan des "faucons", sans pouvoir toutefois apporter de preuves ou d'estimations sérieuses. Un exemple est significatif de ce malaise: le cas des paras russes pris par l'armée ukrainienne en territoire ukrainien. Après leur arrestation, ils furent interrogés devant caméra. Et là, un échange est particulièrement intéressant. A la question: vous saviez que vous meniez une opération illégale? Ils répondent: on l'a compris lorsque l'on s'est fait attaquer. Et ils se sont rendus sans trop faire de difficultés. Donc d'une manière ou d'une autre, il est possible d'imaginer qu'une forme d'accord existait quant à leur "passage" sur le territoire ukrainien. Ensuite, Kiev s'empresse d'annoncer qu'elle ne considère pas ces hommes comme des prisonniers de guerre. Autrement dit, l'Ukraine n'est pas en guerre contre la Russie. Même si dans le même temps, Poroshenko annonce "l'invasion" russe de l'Ukraine, certaine avec plus que 10 hommes. Or, ces non-prisonniers de guerre seront échangés contre une soixantaine de soldats fait prisonniers par les combattants. Pratique étrange qui ressemble à un échange de prisonniers en temps de guerre.
 
Mais cette guerre non-déclarée et effective a ses limites.
 
Sur le plan militaire, elle ne permet pas de recourir réellement à tout le panel des armes possibles en temps de guerre, ce qui met les combattants en position a priori défavorable par rapport à une armée régulière et renforce les risques donc pour les populations civiles, au moins en faisant durer le conflit. 
 
Sur le plan juridique, l'armée de Novorossia, n'étant pas une partie au conflit dans une guerre, ne bénéficie pas des garanties accordées par le droit de la guerre.
 
Sur le plan politique, Novorossia se trouve mise "sous perfusion", ce qui affaiblie sa construction institutionnelle. Et cette "perfusion" est soumise au bon vouloir de Moscou, qui peut tout aussi discrètement retirer son aide qu'il ne l'a apportée. Ou la négocier, à l'intérieur ou à l'extérieur.
 
Pour autant, qui, aujourd'hui peut déclarer la guerre? Personne. Nous sommes dans le règne généralisé de l'hypocrisie. L'on accepte sans ciller que des gens se battent, sans très bien même se demander pourquoi, mais l'on refuse tout net de considérer cela comme une guerre.

2 commentaires:

  1. Vous n'avez que malheureusement raison. Les guerres se font par procuration, par populations interposées, par mouvements citoyens éventuellement paramilitaires, par intérêts bancaires soigneusement orchestrés; jamais plus par déclaration d'ambassade, d'état à état, avec parchemin doré sur tranche.
    Je ne dis pas que ce protocole pût avoir valeur morale quand la guerre est toujours une horrible chose, mais son absence révèle bien la déliquescence des mentalités actuelles.
    Bien des gens meurent dans une guerre qui ne dit pas son nom, bien d'autres s'engraissent en leur fournissant les moyens de s'entretuer.
    L'hypocrisie est aujourd'hui à son comble, la Russie a son lot, mais l'Occident tient le pompon.
    Les raisons du conflit actuel sont assez scabreuses: ce qui était légitime pour le Kosovo ne l'est plus pour la Crimée ou Novorossia.
    On autorise en Europe un référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, car on sait qu'il a peu de chances d'aboutir.
    Par contre, on s'insurge contre un tel référendum en Catalogne car il risque fort d'entrainer la partition de l'Espagne.
    Au bal des faux-culs, les cavaliers sont légion.

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  2. Peut être un début de frémissement de prémisse de réflexion pour un éventuel mouvement allant vers une solution....
    http://russeurope.hypotheses.org/2734
    «Une importante table ronde s’est tenue hier soir, lundi 1er septembre à Paris, sous les auspices du Dialogue Franco-Russe, pour tenter d’évaluer les solutions politiques à la crise en Ukraine, et sortir de la spirale de l’escalade. Cette table ronde a réuni des responsables politiques de premier plan russes et des représentants des différentes forces politiques françaises, mais aussi des milieux d’affaires (Total, GDF-Suez), des milieux culturels et scientifiques.»

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