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mardi 30 juin 2015

Comment comprendre la politique internationale russe aujourd'hui: entre fermeté et normalisation

Путин определил залог суверенитета России
La position russe à l'international est parfois surprenante. On voit accorder une réduction sur le prix du gaz à l'Ukraine tout en rappelant avec fermeté que la souveraineté russe dépendra de son potentiel nucléaire. A côté de cela, l'on entend le Président ukrainien Poroshenko, alors que son Gouvernement demande des remises, affirmer que cette Russie voisine est le pays agresseur dans cette guerre civile qui n'en finit pas. Quand l'OTAN parle de la menace russe pour justifier l'envoie de chars américains dans les pays baltes, Obama et Poutine ont une discussion téléphonique "constructive". Drôle d'époque. C'est peut être ce que pensait aussi nos ancêtres. En tout cas, à chaque époque sa politique et ses hommes, la politique russe aujourd'hui est le fruit de ces contingences. 


Hier, le Gouvernement russe annonce à quelles conditions le gaz sera livré à ses "partenaires ukrainiens". Le pays étant dans une situation difficile, D. Medvedev annonce qu'une réduction sera bien appliquée, mais pas celle de 100$ pour 1000 m3 de gaz, mais seulement de 40$. Résultat, l'Ukraine paiera 247$ pour 1000 m3, exactement ce qu'elle payait avant avec une réduction de 100$, grâce à la chute du rouble. Donc finalement, l'Ukraine a obtenu exactement ce qu'elle souhaitait.

Et l'on pourrait se demander pourquoi? Pour soutenir le peuple ukrainien en difficulté? Mais l'information va-t-elle seulement jusqu'au peuple ukrainien qui de toute manière estime payer trop cher. Donc là aussi, ça peut se retourner contre la Russie.

Pour "normaliser" les relations entre l'Ukraine et la Russie? Nous en sommes très loin. Dans une interview à la BBC, Poroshenko explique qu'il existe entre l'Ukraine et la Russie une véritable guerre, que la Russie a agressé l'Ukraine, qu'elle envoie son armée se battre, etc.

Et un institut américain Vox annonce clairement qu'un conflit d'ampleur mondial pourrait démarrer entre l'OTAN et la Russie par l'intermédiaire de l'Estonie, petit pays à forte minorité ethniquement russe discriminée, avec un Gouvernement russophobe et faisant partie de l'OTAN, à l'inverse de l'Ukraine où le scénario a déjà été testé.  Et justement, les Etats Unis décident de renforcer leur présence dans les pays baltes et d'envoyer des chars. Drôle de coïncidence.

Dans ce contexte, la politique internationale russe semble parfois étrange. Entre la dénégation du conflit dans sa politique commerciale, octroyant des réductions à l'Ukraine qui se considère en guerre contre cette même Russie, appelant les entreprises étrangères à travailler en Russie, mais adoptant des sanctions économiques contre l'UE et donc ses entreprises, réagissant un peu tard, hésitant malgré de grandes déclarations, pensant que les pays européens vont faire marche arrière. Réagissant donc asymétriquement, lorsqu'il n'est plus possible de fermer les yeux, lorsqu'elle se rend compte que le business n'est pas sacré dans les pays libéraux, mais utilisé par les politiques et soumis. C'est un choc qui n'est pas encore totalement intégré d'ailleurs. Elle réagit donc en voulant marquer le coup ... mais sans trop gêner le business quand même. Comme si la Russie n'arrivait toujours pas à dépasser ce complexe issu de la chute de l'époque soviétique, comme si le business man était un personnage sacré qu'elle répugne à ne serait-ce qu'égratigner de peur de voir surgir, inopinément et violemment, le spectre vengeur de l'enfermement. Et n'oublions pas le mythique climat d'investissement. Ce fameux climat d'investissement, que ferait-on sans lui qui refuse obstinément le réchauffement de son banal cousin.

D'un autre côté, le Président V. Poutine déclare que la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Russie dépendent directement d'une armée moderne et puissante. Douche froide. On revient à la réalité. Loin de la post modernité et du néolibéralisme. De cet Etat dépassé, incongru. Dans une société bien plantée droite sur ses jambes et prête à garder son équilibre.  

Il y aurait ainsi deux messages concomitants, le Gouvernement qui défendrait la position du business et une sorte de normalité envers et contre tout, et la présidence qui rappellerait la défense des intérêts vitaux du pays. D'un côté la préservation du quotidien, car la Russie n'est pas en guerre et ne veut pas l'être, de l'autre la force qui reste toujours l'argument garantissant la tranquillité quotidienne.  

Ce scénario est-il viable longtemps? Il amène la Russie à jouer constamment entre deux pôles opposés et difficilement enclins au compromis: le business et l'armée sont des piliers assez incompatibles dans leur logique de développement. Pour l'instant, l'équilibre est garanti essentiellement par la force d'un homme qui tient, même si l'expression est mauvaise, les chiens à distance respectueuse et les contraint à rester sur leur chemin respectif. C'est en ce sens que la politique est aussi la résultante du facteur humain. Mais ici, la question de personnalisation du pouvoir va rapidement poser la question de sa transmission et de la capacité de survie du système.

En ce qui concerne l'autre facteur, à savoir le contexte géopolitique dans lequel la politique russe s'inscrit, il est complexe et mouvant. Si la Russie sait montrer sa valeur et son courage lors d'un conflit armé direct, les conflits qui touchent aujourd'hui la Russie de très près sont, certes militarisés, mais indirectement, et nécessitent surtout la manipulation de masse sur le long terme, ce que la Russie répugne à faire et que les Etats Unis manient avec brio, même s'ils sont incapables d'aider à la reconstruction des sociétés qu'ils détruisent. En d'autres termes, la ligne politique russe reste plus traditionnelle, celle des grands diplomates, que malheureusement S. Lavrov rencontre de plus en plus rarement. Les écoles ont changé, les techniques aussi, les barrières morales ont été déplacées.  

La question qui reste et qui n'est pas encore résolue est de savoir s'il faut s'adapter à cette évolution pour gagner, ou si justement elle n'entraîne pas un affaiblissement sur le long terme qu'un Etat plus conservateur saura éviter.

7 commentaires:

  1. Excellent billet, vous avez attiré l'attention à un état de choses assez ambigües voire paradoxales avec la politique du Kremlin à l'égard de l'Occident (et vice-versa). Non sans rappeler le charabia entre les déclarations du ministre allemand d'affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en disant que "l'Europe ne peut pas s'en passer de la Russie" et celles de sa cheffe pro-Washington qui dit exactement le contraire.
    Tout cela me paraît un jeu de dupes entre les États, au grand détriment du psychologique des populations.

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  2. "les conflits qui touchent aujourd'hui la Russie de très près sont, certes militarisés, mais indirectement, et nécessitent surtout la manipulation de masse sur le long terme, ce que la Russie répugne à faire et que les Etats Unis manient avec brio"

    La Russie doit surtout rester sur sa ligne mais se faire entendre dans toutes les langues. Aujourd'hui la propagande américaine est de plus en plus visible. Ceux qui ne comprennent aucune langue en dehors de la sphère anglo-saxonne sont les plus manipulés; Les français sont aussi manipulés massivement au travers de "l'anglo-idolâtrie" véhiculée par les médias et les politiques. Ce sont des phénomènes très faciles à endiguer dans la situation actuelle de crise où les intérêts des sphères antagonistes sont mises à nues et où les luttes industrielles et commerciales intra et extra européenne sont dans la réalité sans merci (France-Angleterre; France-Allemagne; US-vassaux, etc...).
    La connaissance de la langue russe est aujourd'hui salvatrice pour ceux qui ont cette chance en Europe. Mais il s'agit d'une minorité. Investir dans une Russia Today en français par exemple changerait, je pense, assez rapidement les chose dans notre pays. Les français sont très isolés et comprennent de moins en moins ce qui se passe dans le monde surtout quand ils ne parlent aucune autre langue.

    Donc rester sur la ligne de la vérité pour la Russie mais se faire comprendre dans toutes les langues est la meilleure approche actuelle.
    Merci à Lavrov et à tous les politiciens russes d'être ce qu'ils sont. Surtout qu'ils restent tous authentiques. Ceux qui le peuvent les suivent avec attention ici.
    Par ailleurs, le monde ne se réduit pas à l’Europe et aux US. La politique russe est très bien comprise dans le reste du monde qui représente 6 milliards d 'êtres humains contre environ contre 1 milliards de "néo-colonisateurs" (sphère anglo-saxonne + Europe). Donc il est primordial que la Russie conserve sa réputation sans tâches.

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    1. Mais Russia Today en français existe: http://francais.rt.com/

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    2. Je voulais dire TV sur un canal du câble pour un public qui ne va pas forcément sur internet. RT version TV en anglais et espagnol marchent très bien.

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  3. Excellent billet et commentaires très pertinents également.
    A la fin la vérité triomphera comme toujours mais à quel prix ?

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  4. A l’approche de la révolution de 1917, Nicolas II fonctionnait selon ses principes d’honnêteté, de rigueur morale, de respect de l’humain et de l’humanité, ses valeurs spirituelles chrétiennes. En face de lui, des composantes ennemies qui pratiquaient le cynisme à un degré jamais égalé, sans aucun souci de trahir leur pays, leurs valeurs. D’exterminer des couches de population, de piller, détruire. Les seconds l’ont emporté dans un bain de sang, asservissant les survivants et détruisant toutes les valeurs de la Russie et de la nation russe.
    J’ai l’impression que l’on assiste à quelque chose de similaire aujourd’hui : l’Empire anglo-saxon allié à la puissance sioniste sape les fondements de toute société, de toute nation qui lui contrevient. Et la détruit, avec ce cynisme criminel que rien n’arrête.
    Toute concession de la Russie à ce cynisme conduit à sa propre destruction.

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  5. Ancien militaire, pendant 35 ans, j'ai été instruit et préparé dans l'éventualité d'un conflit entre les forces de l' Alliance atlantique et celles du Pacte de Varsovie.La chute de l'URSS a précédé de peu ma retraite. Aujourd'hui, c'est un regard nouveau et différent que je porte sur la Fédération de Russie et plus particulièrement sur la politique de Vladimir Poutine. Pour l'européen que je suis, la menace a viré de 180°. Hormis la menace islamique bien réelle, s'ajoute celle de l'idéologie mondialiste, sous le contrôle de l'hégémonisme étatsunien. En celà, la renaissance d'une Russie forte reste pour la vieille Europe son ultime chance de pouvoir préserver son patrimoine génétique et culturel.

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