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mercredi 16 septembre 2020

Billet de très mauvaise humeur : le Covid a-t-il tué la culture politique en Russie aussi ?


La rentrée parlementaire en Russie, a priori, était plutôt positive. Les parlementaires sont revenus physiquement dans l'hémicycle et, en soi, voyant les fortes tentatives de virtualiser, dans le sens très direct du terme, les structures étatiques en Russie sous couvert de coronavirus, c'est déjà une victoire. Tout est relatif. En revanche, le scandale qui a accompagné cette séance plénière soulève beaucoup de questions sur le niveau de culture politique au Parlement : le président de la Douma a renvoyé dans des termes inadmissibles les députés âgés derrière leurs écrans. Si Terechkova était utile pour faire passer la nullification des mandats présidentiels, et tout son poids fut nécessaire, maintenant son âge présente un danger. Elle est un "patrimoine national", je cite, donc manifestement sa place sera bientôt au musée. 


Ce qui s'est passé hier à la Douma est tout simplement, humainement, ignoble. Institutionnellement, cela oblige à s'interroger sur le niveau de culture politique des personnes qui y siègent. L'on peut évidemment toujours trouver pire ailleurs, c'est peut-être rassurant pour certains, mais ça ne change rien au problème.

Le président de la Douma, Volodine, qui nous avait habitué pourtant à plus de carrure, s'est conduit comme un petit chef local avec son troupeau docile. Aucun respect dans la manière de s'adresser aux élus du peuple. Aucune réaction, ni de la part des parlementaires, ni des journalistes, qui retranscrivent l'affaire, discrètement, sans aucune remarque. Tout va bien Madame la Marquise. La seule à avoir pris, au départ, les choses de haut, est Valentina Terechkova, ce qui lui a valu une gifle publique. Comme vous pouvez le voir en détail dans la vidéo.

Volodine a demandé aux députés âgés de quitter l'hémicycle et de n'y plus revenir. Les recommandations de l'Agence fédérale de la consommation, qui gère la crise politico-économico-sociale du coronavirus, étant supérieures à la législation du travail et manifestement à la Constitution. Ce qu'aucune réforme ne peut éviter, sans volonté politique.

Valentina Terechkova a pris la remarque à la légère et depuis sa place a vaguement répondu, "mais bien sûr". Ce qui a provoquer l'ire de Volodine, les choses sont on ne peut plus sérieuse, on ne badine pas avec les distanciations sociales. Manifestement, Terechkova, qui à 83 ans et pleine d'énergie, en a vue d'autres, n'avait pas saisi l'enjeu de la situation : on ne plaisante pas avec le Covid, puisque l'on ne plaisante pas avec le sacré.

"Valentina Vladimirovna, pas de "mais oui", si si. Nous sommes obligés de vous protéger, vous êtes notre "patrimoine national". Collègues, vous êtes d'accord ?

La question était rhétorique. Le soutien a docilement été apporté, sans broncher, sans interrogation, les interrogations ne sont plus à l'ordre du jour dans nos sociétés écrasées. 

Et Volodine insiste, explique à Tchilingarov et Terechkova de se plier aux exigences et de quitter la salle après avoir entendu les discours des chefs de fraction. Il leur intime de suivre l'exemple de l'Occident, où il n'ya a pas parmi les députés de première femme dans l'espace, ni d'explorateur polaire. 
"Bon, vous écoutez les discours des chefs de fraction et après - dans votre bureau et de là-bas, vous prendrez part à la discussion des questions. Si vous voyez quelque chose qui ne marche pas, vous descendez, vous corrigez et pour le reste, faites confiance à ceux qui prennent soin de vous."

Quand il fallait faire passer, et ce n'était pas gagné, la nullification des mandats présidentiels pour V. Poutine, il a bien fallu mettre en jeu tout le poids politique de Terechkova, là elle n'était pas trop vieille pour qu'on "prenne soin" d'elle. Maintenant que le travail est fait, on peut la ranger, elle et ses camarades d'une époque que l'élite actuelle, à la différence de la population, veut à tout prix enterrer, dans le placard des "trésors de l'histoire".

Cette sortie de Volodine contre Terechkova est d'une violence assez surprenante. Surtout qu'assis à côté de lui, deux vice-présidents de la Douma, Ivan Melnikov (PC), qui souriait bêtement, manifestement espérant qu'on l'oublie, et Alexeï Gardeev (Russie Unie) sont au-dessus du seuil fatidique des 65 ans, l'un avec 70 ans et l'autre ayant atteint les 65. Sans même parler des fameux chefs de fractions, avec Ziouganov à 76 ans et Jirinovsky à 74 ans, qui critiquait vertement la réunion physique de la Douma. Mais il est vrai que lui est devenu très utile à la vague destructrice, ce qui est une habitude chez lui. 

Je ne parlerai ni de la Présidence au pays, ni du bloc souverainiste du Gouvernement. A ce rythme-là, certains d'entre eux pourront aussi trouver leur place dans le musée des trésors nationaux, qu'il faut préserver et qui devront faire confiance à ceux qui prennent soin d'eux ...

Cette prise à part directe était non seulement violente, mais inutile. Il aurait pu leur être demandé, discrètement, avant la séance, de passer à distance après la séance plénière. Alors que là, ce fut une humiliation publique. C'est une honte. Une honte qui montre tout le respect finalement porté aux parlementaires, devenus des exécuteurs dociles, des représentants de leur parti et non pas des représentants du peuple.

C'est un triste spectacle qui s'est joué sous nos yeux hier. Manifestement, le coronavirus s'est profondément infiltré. Dans le corps de l'Etat. Le seul vaccin contre cela est la culture politique - et il ne se produit pas sur oukase.





1 commentaire:

  1. En France, au début du Coronavirus, les places en réanimation étant rares, manque de lits, de respirateurs, il a fallu faire un choix parmi les patients...Je ne parlerai pas des EHPAD, mais je suis d'accord avec vous, ceci n'excuse pas cela.

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