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lundi 22 novembre 2021

Escalade du discours autour du conflit en Ukraine : un test pour voir quelles sont les positions réelles de la Russie


Alors que l'armée ukrainienne continue à attaquer chaque jour les populations du Donbass, le discours atlantiste est totalement orienté vers une "possible / certaine" intervention militaire de la Russie très prochainement. L'absence totale de volonté des élites dirigeantes russes d'intervenir militairement dans le Donbass est telle, que cette affirmation pourrait faire sourire, si elle ne cachait une envie de reprendre par la force un territoire, qui serait sans défense réelle. Mais la Russie n'interviendrait-elle vraiment pas ? Finalement, là est tout l'enjeu de cette escalade verbale.

Depuis quelque temps, les médias et politiques atlantistes ne cessent d'accuser la Russie de grouper des troupes (en Russie) et de l'artillerie à la frontière ukrainienne pour l'attaquer. L'Europe et l'Ukraine, selon Washington, doivent trembler de peur ... L'OTAN a ici joué son rôle et son éternel Secrétaire général appelait la Russie à plus de transparence sur ses mouvements de troupes, la mettant en garde contre toute "nouvelle action agressive". Les dirigeants "du Monde libre" ne peuvent s'empêcher d'une petite tirade :

"le premier ministre britannique Boris Johnson a mis en garde Moscou mercredi contre l'« erreur tragique » que constituerait tout « aventurisme militaire » aux frontières d’Ukraine et de Pologne et dont le coût « serait énorme »."

Ainsi, ces dernières 24 heures, l'on apprend que les services de renseignement ukrainien, alignés sur le renseignement américain, dévoilent que fin janvier - maximum début février, la Russie attaque l'Ukraine. Croix d'bois, croix d'fer ... Quelle surprise, cette vision unique ...

Pour l'instant, c'est surtout une intensification du discours qui est notable, comme l'illustre parfaitement cet extrait du texte publié sur de Radio Liberty, médias d'influence américain :

"Le Kremlin a répondu durement le 21 novembre au secrétaire d'État américain Antony Blinken, déclarant un jour plus tôt que Washington et l'Europe avaient de « réelles inquiétudes » au sujet des mouvements militaires russes près de la frontière ukrainienne et au sujet de « certaines des rhétoriques que nous avons vues et entendues de la Russie, ainsi que sur les réseaux sociaux.".

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré que l'Occident exacerbait "artificiellement" les tensions en suggérant que Moscou pourrait envahir l'Ukraine (...). Peskov, dans des commentaires diffusés à la télévision d'État, a qualifié la réponse occidentale d'"hystérie" qui a été "artificiellement attisée". Faisant apparemment allusion aux opérations légales de l'OTAN en mer Noire, Peskov a ajouté que "nous sommes accusés d'une sorte d'activité militaire inhabituelle sur notre territoire par ceux qui ont fait venir leurs forces armées d'outre-mer"."

Une autre sortie étonnance est celle de l'utilisation, qui vient juste d'être revendiquée par l'Ukraine, du système américain Javelin - contre l'armée russe dans le Donbass ... Je cite :

"Les systèmes AN/TPQ-53 ont été utilisés à bon escient, ont déclaré des responsables militaires ukrainiens au Military Times. Budanov a déclaré que les systèmes Javenlin ont également été utilisés contre les forces russes. Ceux-ci, ainsi que les drones de fabrication turque, utilisés contre les troupes d'artillerie séparatistes alignées sur la Russie, ont une valeur de dissuasion psychologique importante, a déclaré Budanov, incitant les Russes à réfléchir à deux fois avant d'attaquer."

La question de la position réelle de la Russie est fondamentale, car les armes sont dissuasives, lorsque votre adversaire est certain qu'en cas de conflit, vous allez les utiliser contre lui. Cette escalade verbale est pour l'instant une sorte de test politique, pour voir quelle sera la réaction de la Russie.

4 commentaires:

  1. La Russie a tout son temps. Pour le moment, il est plus raisonnable de laisser les belligérants ukrainiens crever de froid en attendant une meilleure période pour imposer une re-négociation des accords de Minsk (ils n'ont pas payé leurs factures de gaz à Gazprom). En cas d'attaque ukrainienne sur les républiques séparatistes, la Russie passera par l'ONU, et continuera à fournir de l'aide humanitaire. Quand la distribution des passeports russes à ces républiques aura atteint un quota de l'ordre de 80/90 %, il sera alors temps de faire procéder à un référendum d'auto-détermination comme en Crimée. La Russie ne tombera pas dans le piège tendu par les USA, à savoir répondre militairement aux provocations grossières de ce dernier. A propos, cela m'a fait sourire de voir que Washington avait commandé en urgence du fioul aux Russes. Bah alors les Yankees, votre pétrole et gaz de schiste, il s'est évaporé ou quoi ? Vous voulez faire la guerre sans gas-oil maintenant ? LOL !

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    1. Il faut raccorder le NS2 et gagner du temps. L’œuvre du froid aide à la compréhension...

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  2. Le sommet à Genève voulu par Biden visait à créer une relation "stable et prévisible" avec la Russie. Aujourd'hui, clairement, il est question de guerre. 
    En outre, le Secrétaire général de l'OTAN a ouvertement parlé d'un déploiement d'armes nucléaires en Europe de l'est. 
    Si les États-Unis sortent triomphants face à la Chine sur la question taïwanaise, Washington pourrait alors espérer imposer à Moscou une réinitialisation de la stabilité stratégique mondiale à ses conditions. La Russie va-t-elle finalement plier ?
    Les Russes ne sont pas dupes. Le Kremlin a, dans un premier temps, répondu par la voie diplomatique et s'est contenté d'une mise en garde contre la gravité de la situation en lisière de son territoire. Moscou dispose aussi dans ses tiroirs plusieurs options pour réagir aux provocations. L'option militaire en Ukraine ne semble pas être la priorité pour le moment. La Russie dispose de capacités de nuisance ailleurs dans le monde. De facto, elle en fait déjà usage ça et là... La récente destruction provoquée par la Russie contre son propre satellite devrait être interprétée en réponse à une posture agressive choisie récemment par les Etats-Unis. Serait-ce déjà une première réponse au test adressé au Kremlin? Si c'est le cas, cette riposte s'est avérée là où on ne l'attendait pas. Il est fort probable que ce message soit sérieusement pris en compte à Washington. La crise d'hystérie qui a suivi cet événement l'atteste clairement. 
    Stable et prévisible disait-il ? Dans ce monde de plus en plus multipolaire, ne devrions-nous pas plutôt nous interroger et découvrir qui teste qui ? Géopolitiquement instables, les Etats-Unis se trouvent de plus en plus en concurrence avec la Chine, l'Iran, la Corée du Nord et la Russie. Verra-t-on prochainement des "coups de semonce" au départ d'autres puissances émergentes? Après 70 ans de domination, l'Anglosphère (AUKUS + OTAN) parviendra-t-elle encore à satisfaire ses ambitions? En fin de compte, dans ce monde en pagaille, qui souhaite vraiment aller se battre pour l'Ukraine ou Taïwan? L'effet domino de Kaboul passera-t-il par Kiev aussi?

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    1. Oui, je comprends vos préoccupations. L’Ukraine est en train d’imploser sous nos yeux. La Chine a montré implicitement depuis juillet qu'elle travaille sur la technologie des armes hypersoniques, et Moscou est très largement en avance sur le sujet. Le satellite russe détruit de façon "propre" est une réponse aux velléités américaines de faire une guerre dans l'espace. De plus, les systèmes de brouillage russes qui ont été mis en oeuvre récemment lorsque les Ukrainiens ont commencé à attaquer le Donbass ont refroidi tous les belligérants sur le théâtre des opérations qui sont rentrés vite fait bien fait au bercail la queue en bandoulière. La Russie est sortie du siège Bruxellois de l'OTAN et a montré les communications écrites qu'elle a échangé avec la France, et l'Allemagne au sujet des accords de Minsk. Plus transparent tu meurs. L'Allemagne justement a demandé le démantèlement des structures abritant des missiles nucléaires américains (d'antiques Minuteman si ma mémoire est bonne). Bref, dès que les Occidentaux, font un mouvement sur l’échiquier géopolitique, il se prennent un pat ou un mat. L’UE comme l’OTAN sont ainsi en état de mort cérébrale. Franchement, à part hurler au loups, que peuvent donc espérer faire l'OTAN et ses alliés à part allumer quelques feux et réactiver la guerre froide ? Avec à la tête des USA un grabataire qui n'a plus toute sa tête, et en UE des clowns de bas étage qui n'ont aucune capacité de leadership, j'ai du mal à voir ce que tout cela peut donner face à des professionnels russes sérieux et déterminés. Pour le moment, la caravane russe passe et les chiens otaniens aboient. Laissons tout ce beau monde aboyer tant qu’il veut. Ces pauvres idiots sont en retard d’une guerre et ils ne le savent pas.

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