Suite aux nombreuses réactions dans la sphère politique russe (voir la critique de Iachine sur grani.ru ici) - et surtout en réponse à la critique de Edinaya Rossiya - M. Prokhorov a précisé ce qu'il entendait en parlant des liens entre la Russie et l'Union Européenne.
Il rappelle que la Russie mène depuis de nombreuses années des pourparlers avec l'UE quant à l'annulation du régime des visas entre ces deux territoires. Ce qui est soutenu et par la population russe et par le Gouvernement, sans le moindre soupçon d'antipatriotisme. En effet, la guerre froide est finie, les visas ne sont pas une barrière migratoire (ceux qui le veulent entreront toujours même illégalement dans le pays souhaité), mais une barrière militaire. Or, le système issu de la guerre froide est dépassé et il est important de s'inscrire dans le nouvel ordre des choses.
La Russie a besoin du capital de production de l'Europe occidentale, c'est-à-dire sa compétence industrielle, sa technologie, pas d'argent.
Pour leur part, les européens ont besoin d'avoir l'assurance que leurs besoins énergétiques en gaz et en pétrole seront couverts sans chantage de la part de la Russie. Et par dessus tout, ils ont besoin d'un réel scénario de sortie de crise. N'est-ce pas vraiment le bon moment pour commencer à construire une alliance stratégique économique, qui exclura à l'avenir la possibilité de tout conflit armé et qui permettrait à la Russie de mobiliser les ressources européennes pour se moderniser?
Il faut conclure une alliance profitable de part et d'autre. Et il faut le faire au bon moment. Voici la formule: l'euro et Schengen - oui, être membre de l'OTAN et de l'UE - non. Une véritable alliance économique avec l'Europe renforcera les deux parties et le bouclier nucléaire russe est apte à protéger tout le continent. Notre souveraineté réelle - et non imaginaire - en grandira, car aux têtes de missiles nucléaires, au gaz et au pétrole s'ajoutera une haute valeur ajoutée économique: nouvelles usines, routes, villes. Et un rouble qui dépend de la valeur du pétrole (dont le prix est fixé en dollars), n'est vraiment pas une garantie de souveraineté.
Comment comprendre ce texte de M. Prokhorov?
Techniquement, pour un européen, ce texte se comprend remarquablement bien. On croirait entendre n'importe quel homme politique français, par exemple d'après-guerre. D'autant plus que l'on y trouve des arguments très bien connus en France, notamment le thème chéri de la construction européenne, à savoir intégrer les intérêts économiques pour éviter les guerres. On y retrouve aussi une logique très simple - et qui a bien fonctionné en Europe d'après-guerre: relancer la construction (usines, routes etc.) pour relancer l'économie, ce qui est fondamental à la stabilité politique.
On y trouve des arguments plus réalistes sur l'appréciation de la situation en Russie comme la dépendance du rouble, la protection de la souverainté - à juste titre - ou encore la modernisation. Mais à l'inverse de la manière soit creuse soit irréaliste dont cela est habituellement traité par les politiques russes, ici non seulement l'approche est constructive, mais en plus plutôt réaliste. Bref, M. Prokhorov a été très bien conseillé et le style est très européen.
Il y a bien sûr des questions qui se posent. André Bogdanov avec son Parti démocratique tournait autour de 0,5% des voix aux présidentielles. Son projet politique se positionnait autour de l'intégration de la Russie dans l'UE. Le danger pour Prokhorov est d'être conduit dans une position aussi caricaturale au sujet des rapports Russie/UE, position avec laquelle il flirte dangereusement. Car techniquement, autre question, comment envisager l'utilisation de l'euro sans être membre de l'UE. Les instruments politico-juridiques actuellement en vigueur au sein de l'UE ne le permettent pas. Il serait donc nécessaire d'en créer un sur mesure. Ce qui peut politiquement se justifier.
Sur le plan économique, il est vrai que l'Europe dépend à plus de 50% des importations en matière énergétique, mais l'on voit mal le pouvoir actuel refuser la vente des seuls produits qui les fassent vivre et lui apportent des devises! En revanche, là où et l'Europe et la Russie pourraient être gagnantes dans une formule qui sauvegarderait l'intégrité territoriale russe, c'est au niveau de l'emploi. Environ 8% de chômage dans la zone euro, chiffre qui ne demande qu'à vertifineusement augmenter avec la crise. L'investissement dans une Russie où tout est à reconstruire serait profitable à tous.
Pour finir, politiquement, l'européanisation de la Russie est un moyen historiquement utilisé pour aider le pays à se moderniser. L'Europe a tout à y gagner, si elle peut parallèlement faire baisser la corruption.
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