Attention! Il y a un problème avec les chiffres français. Les données fournies par le ministère de la justice ne précisent pas clairement ce qui est de l'acquittement. Et tout ce qui est absence de condamnation n'est pas acquittement, loin s'en faut. Pour l'instant on met entre parenthèse ces chiffres pour la France, le rapport 1,17 doit être précisé. Car il donne un résultat faussé de 15%, mais ce n'est pas de l'acquittement!
Pour revenir sur une question douloureuse à l’égard du système judiciaire
russe, celui de son extrêmement faible taux d’acquittement, j’ai voulu, par
curiosité, regarder ce qui se passe dans d’autres pays, reconnus pour être les champions
modernes de la démocratie. Et là, surprise ...
Très souvent l’on entend s’écrier de toute part – et sans doute pensais-je
avec raison – mais regardez, 0,8% de taux d’acquittment en Russie, c’est une
honte ! Une personne qui entre dans un tribunal est donc a priori coupable ! Et
effectivement, ce chiffre le laisse penser.
Selon la statistique judiciaire[1], en première instance, dans les neuf premiers
mois de l’année 2010[2] on compte 816 300
nouvelles affaires pénales (contre 842 215 pour la même période en 2009)
pour 0,7 % de personnes innocentées [3]; 10 202 235
nouvelles affaires en matière civile pour 2010 (contre 9 659 005 en
2009). En appel, le nombre d’affaires pénales en 2010 s’élève à 34 041 (contre
34 962 en 2009) et dans 126 affaires le jugement de première instance a
été annulé car non fondé. En matière civile, on note également une légère
baisse entre 2009 et 2010, puisque les chiffres sont passés de 107 600 à
102 877. En cassation, 246 286 affaires pénales étaient en instance
devant la Cour Suprême fédérale en 2010 (contre 238 302 en 2009) et dans
176 affaires le jugement des cours inférieures a été cassé car infondé. En
matière civile[4],
on décompte 400 954 nouvelles affaires en 2010 (contre 355 886 en
2009). En général, selon les années, les pourcentages globaux d’acquittement
varient autour de 0,8%.
Alors, qu’en est-il dans notre bon vieux pays de France ?
En 2009, il y a eu en tout 1 239 632 affaires suivies ou ayant
données lieu à une procédure alternative ou de composition pénale. En
conséquence de quoi, il y a eu 1 053 251 condamnation. Soit un taux d'acquittement
à 1,17. Pas très glorifiant non plus, si l’on reprend les mêmes critères d’appréciation,
que ceux en vigueur pour le système judiciaire russe. Précisions: Les chiffres correspondent en fait à l'absence de condamnation. Une précision sera rapidement apportée dans une publication séparée. Merci pour votre compréhension et désolée pour ces désagréments! Car si l'on prend tout en compte, les compositions, les mesures alternatives etc on arrive effectivement à un chiffre faussé de 15%, qui ne correspond pourtant à rien.
Dans le détail, il y a eu des condamnations pour 2 706 crimes, 650 699
délits, 46 407 contraventions de 5e classe et 354 439 contraventions
de première à 4e classe.[5]
En 2008[6],
on compte en tout 637 665 condamnations. Il y a donc une augmentation
significative des condamnations en France entre 2008 et 2009. Elles ont été
prononcées par les tribunaux correctionnels à 78,3%, par les tribunaux de
proximité à 7,8%, par les juridictions de mineurs à un peu plus de 9% et par
les cours d’appel à 4,3%. Elles concernent 0,4% de crimes, 92,2% de délits et
7,4% de contraventions de 5e classe (essentiellement en matière routière).
Pour ce qui concerne la nature et la durée des peines prononcées. En
matière criminelle, la privation de liberté est la règle et elle est prononcée
dans 88% des cas. La durée moyenne de rétention est de 14,8 ans. En matière
délictuelle, la peine de prison est prononcée dans environ 50% des cas pour une
durée moyenne de 8 mois. Pour les contraventions de 5e classe, une peine d’amende
est prononcée dans 94% des cas, avec un montant moyen de 380 euros.
Quelques données encore plus surprenantes, recuillies pour l’année 2003.[7] Sur 11 000 personnes
mises en examen pour crime en 2003, un quart de ces personnes ont été placées
en détention provisoire et finalement 2,7% ont été acquittées. Il faut
souligner que cette année-là, 537 personnes étaient en détention provisoire depuis
plus de trois ans ! Les peines de substitution à la prison représentent
moins de 10% des peines prononcées en totalité et l’on s’approche du zéro en
matière criminelle. En 2002, sur les 18 667 condamnés susceptibles de
bénéficier d’une libération conditionnelle, seuls 26% d’entre eux en ont
bénéficié. Le taux d’accupation des prisons en 2003 est de 138,3% pour les
maisons d’arrêts et de 118% pour les centres pénitentiaires.
En ce qui concerne les Etats Unis[8], les résultats sont en
fait encore plus surprenant : 0,6%. Pour comprendre ce chiffre, il faut
comprendre le fonctionnement du système judiciaire. La grande mascotte du
système américain est le plaider coupable ou plea bargain, qui représente
97% du mode de résolution des conflits en justice. Or, dans cette procédure, la
personne interpellée reconnaît sa culpabilité pour négocier sa peine. Le juge
ne fait qu’entériner la négociation. Elle est donc toujours reconnue couplable,
puisque c’est une condition nécessaire à la mise en route de cette procédure,
et une peine est toujours prononcée. Dans les 3% restant, où l’affaire est
portée et réellement traitée par les tribunaux et les jury populaires, il y a
environ 20% d’acquittement, chiffre comparable en Russie avec l’intervention du
jury populaire, donc dans les mêmes conditions. Ainsi, pour reprendre la même structure
de décompte que l’on utilise pour la Russie, où cette procédure est utilisée
aujourd’hui selon les domaines dans environ 60-70% des cas et entre dans la
statistique globale des environ 0,8% d’acquittement, pour les Etats Unis on
obtient 0,6%.
Pour nous faire réfléchir sur l’évolution de l’humanisation de la justice,
j’ai, par hasard, retrouvé les données de la Cour d’assises du Lot du début du
19e siècle. En 1828, la Cour d’assises du Lot a traité 123 affaires. Il y eut
52 condamnations pour 71 acquittements. En 1829, cette Cour d’assises a traité
76 affaires. Elle a prononcé 36 condamnations pour 40 acquittements.[9]
Cela laisse rêveur ...
[1] Voir le site officiel de la Cour
Suprême de la Fédération de Russie, http://www.cdep.ru/index.php?id=5&item=394
[2] Je prend cette période en Russie,
puisque c’est la période pour laquelle j’ai trouvé les données en France.
[3] Les jurys populaires ont connus de
847 affaires, pour 169 acquittements.
[4] Ces données ne tiennent pas compte
en matière civile des affaires pendantes devant le système des cours
d’arbitrage qui jugent des affaires civiles-économiques.
[9] J.-A Delpon, Statistiques du
département du Lot, Tome II, Paris, 1831, p. 149
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