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vendredi 30 novembre 2012

Spravedlivaya Rossiya sous un feu croisé: vers la fin du parti?

Voir: http://www.specletter.com/politika/2012-11-29/sezdili-po-pervomu-litsu.html

Hier soir, toutes les chaînes nationales montraient des membres régionaux du parti Spravedlivaya Rossya en train de découper leur carte du parti et annoncer publiquement soit leur départ, soit le départ de la direction actuelle, incarnée par Mironov et Levitchev. Excellente analyse à ce sujet publiée sur le site Ossobaya Bukva (Особая буква).
 
Rappelons ce qui n'est un secret pour personne. Le parti Spravedlivaya Rossya est une création artificielle du Kremlin qui voulait mettre en place une force de centre gauche afin de centraliser le paysage politique autour d'un bipartisme de fait et en même temps affaiblir le parti communiste - lui véritable parti politique, donc trop indépendant du pouvoir à leur goût.
 
Pour ce faire, trois partis politiques sont regroupés, le parti Jizn (la vie), le parti Rodina (la patrie) et le parti Pensionnerov (les retraintés), trois partis faibles et hétéroclytes. Sur cette base, évidemment, les espoirs furent déçus. Le parti communiste a continué à se renforcer et Spravedlivaya Rossiya n'arrive pas à trouver sa place. Instrument du pouvoir, mais devant occuper un territoire bien à lui pour exister politiquement, le parti hésite longtemps entre la soumission et l'opposition. Et ce, jusqu'à la rupture provoquée par Mironov, mais trop tard. Spravedlivaya Rossiya gagne alors en terme d'image, mais perd le soutien du Kremlin, et la faiblesse de ses dirigeants se fait ressentir, surtout avec l'ouverture du paysage politique à la concurrence.
 
Ne servant plus à rien, le parti est lâché par le pouvoir, qui n'a qu'une envie, voir disparaître de la scène politique cet OVNI politique, si possible avant les prochaines législatives. Les espoirs sont alors reportés, pour jouer ce rôle, sur le parti Patriotov Rossii (les patriotes de Russie). Démarche qui, par allieurs, présente l'intérêt pour le pouvoir de suivre - et d'encourager - le mouvement de réveil national.
 
Or, Mironov n'a jamais bénéficié d'un réel soutien de la base du parti. Lâché par le pouvoir, concurrencé par de "vrais" partis d'opposition, les membres régionaux du parti se révoltent et commencent à regarder ailleurs. Ils organisent une assemblée parallèle - qui n'est pas reconnue par les instances du parti - demandent le départ des dirigeants actuels, une assemblée générale pour remettre le parti dans un "bon" courant politique, faute de quoi ils appelleront les membres à un départ en masse du parti. Cette résolution prise à la suite de l'assemblée parallèle a été envoyée aux deux dirigeants et à tous les députés du parti.
 
Les analystes politiques, comme Pavel Saline, estiment que le parti n'en a plus pour longtemps. Soit il va se désagréger, soit il va se scinder. Dans les deux cas, sa force politique en sortira affaiblie.

jeudi 29 novembre 2012

La leçon tirée du parcours des anciens Gouverneurs: favoriser la logique de clan

Voir: http://www.vedomosti.ru/opinion/news/6597981/uhodyaschaya_natura

Que deviennent les Gouverneurs une fois leur(s) mandat(s) arrivé(s) à terme? Cette question ne revêt pas qu'une importance sociologique, elle est un révélateur important de la possibilité du système politique à se renouveler, de sa souplesse et son adaptibilité et de son incertion dans la vie socio-économique du pays. Et les conclusions auxquelles arrive le Fond "La politique de St Petersbourg" démontrent l'échec du système politique en la matière.
 
Le Fond a mené une analyse sur la trajectoire de vie de 87 gouverneurs ayant perdu leur poste entre 2005 et 2012, après la remise en cause des élections directes. Selon le journal Vedomosti, quelques personnalités soulèvent des questions. Par exemple, 3 des gouverneurs de la liste (M. Evdokimov, V. Cherchunov et I. Essipovsky) sont morts dans des accidents de voiture ou d'avion, deux autres (V. Kokov et P. Sumine) ont quitté leur poste pour maladie grave. De plus, toujours selon Vedomosti, les auteurs de l'analyse se sont un peu dépéchés à rayer de la liste A. Nelidov et O. Tchirkunov, alors qu'ils ont certainement surévalué les possibilités de Y. Lujkov.
 
Malgré cela, certaines tendances se dégagent de l'analyse menée. La plus grande partie des gouverneurs, une fois qu'ils ne sont plus en fonction, ont perdu toute perspective politique. Sur les 87 retenus, 28 sont rarement les invités de la sphère publique (contre 5 d'entre eux, une affaire pénale a été ouverte), 27 ont obtenu une sinécure dans les organes étatiques, 9 sont partis dans les affaires, l'enseignement ou autre activité non politique. Seulement 12 anciens gouverneurs (dont S. Choïgu) continuent une carrière politique soit dans d'autres régions, soit au niveau fédéral. 11 ont gardé la possibilité de continuer à la faire de la politique au niveau local.
 
Il est intéressant de noter que le poids politique et le pouvoir d'influence des gouverneurs ne dépend ni de leur âge, ni de leurs succès en matière socio-économique dans la région. Et les perspectives des Gouverneurs de pouvoir continuer à faire de la politique sont absolument imprévisibles. Même le critère affiché de la victoire du parti Edinaya Rossiya aux élections ne joue pas toujours.
 
Les auteurs de l'analyse en tirent les conclusions logiques: le système est construit de manière à favoriser la constitution de clans, donc ne favorise pas une course aux résultats de gestion de la région, puisque cela joue faiblement.
 
Pourtant on reste sur sa faim. Tout cela est déjà connu, l'analyse ne fait que confirmer ce que chacun peut lui-même observer. Logique d'inféodation pour garantir sa vie après la politique, puisque la décision et les possibilités de continuer en politique ne dépendent pas de l'individu lui-même, mais de mécanismes obscures. Pourtant, ces mécanismes sont-ils aussi obscures que cela (et la restauration des élections a-t-elle réellement changé quelque chose?), ou manque-t-il un peu de volonté - ou de courage - pour les mettre à jour et les démonter? Quels sont les effets sur la gestion des régions? Catastrophiques, chacun le sait et le voit: corruption, détournements de fonds publics, mauvaise qualité des constructions par exemple. Quels sont les effets sur la politique publique? Désastreux. Il y a le sentiment qu'elle n'existe tout simplement pas. Une décision est prise quelque part, loin. Et quand elle doit être réalisée, les résultats ne correspondent plus du tout à la logique initiale. Peut-on gouverner un Etat de cette manière? Non, évidemment. Alors? ... alors à quand une analyse publique et objective des mécanismes féodaux de gestion locale?

mercredi 28 novembre 2012

Classement des pays en fonction de l'enseignement: Russie 20e, France 25e

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2077485

Alors que l'ensignement russe a en général mauvaise presse, que certaines familles cherchent à envoyer leurs enfants étudier soit à l'étranger, soit dans des écoles étrangères, le classement qui vient d'être réalisé par l'agence anglaise de recherche Economist Intelligence Unit renverse les idées reçues.
 
Afin de réaliser cette étude, l'agence indépendante a eu recours à une soixantaine de critères réunis en plusieurs blocs. Il s'agit bien sûr de la part de financement de l'Etat dans l'enseignement, du salaire des enseignants par rapport au salaire moyen national, du taux d'embauche des jeunes à leur sortie du système d'enseignement, des résultats dans des classements internationaux ... Mais, situant le système d'enseignement dans le système socio-économique global du pays, il est également tenu compte de facteurs comme la répartition du PIB par habitant, le taux de chômage, le taux de délinquance ...
 
Et les résultats ont largement surpris. Les têtes de liste sont la Finlande et la Corée du Sud, viennent ensuite Hong Kong, le Japon et Singapour. Selon les auteurs du classement, ces pays démontrent une réelle culture de l'enseignement et le statut social de l'enseignant y est particulièrement élevé.
 
Les Etats Unis, pour leur part, arrivent en 17e position, la Slovaquie en 19e, la Russie en 20e, la République Tchèque en 22e et la France en 25e sur 40.
 
Le ministre de l'enseignement et de la recherche s'est déclaré particulièrement satisfait par ce résultat - inattendu. Ce classement montre que s'il est nécessaire d'améliorer certains aspects du système d'enseignement russe, la remise en cause ne doit pas être systémique, le système fonctionne dans sa globalité.
 
 

mardi 27 novembre 2012

Renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine en Russie

Voir: http://asozd2.duma.gov.ru/main.nsf/(Spravka)?OpenAgent&RN=177578-6&02
http://pravo.ru/news/view/80174/

L'entrée illégale sur le territoire russe est un problème qui prend de plus en plus d'ampleur avec le temps. Par entrée illégale, on entend le passage de la frontière par des personnes étrangères non munies d'un titre régulier leur donnant droit à l'accès au territoire russe. Pour réagir face à ce problème et vu l'inefficacité des sanctions aujourd'hui existantes, le Gouvernement a déposé à la Douma un nouveau projet de loi prévoyant la mise en place d'une responsabilité pénale pour ces personnes.
 
Selon les données du Ministère de l'intérieur et de Service fédéral de migration, la justice a été amenée à prendre, en 2011, des décisions de reconduite administrative à la frontière à l'égard de 32 287 personnes étrangères. Les données, en ce qui concerne le refus d'accès au territoire russe, sont également en hausse. En 2008, les gardes frontières ont du refusé l'accès au territoire à 14 600 personnes, en 2009 à 18 400, en 2010 à 19 400 et en 2011 à 20 600 personnes ne pouvant présenter un titre légal pour entrer en Russie.
 
Par ailleurs, parallèlement à ces chiffres, une pratique de détournement de la législation tend à se développer. Des individus ayant fait l'objet d'une interdiction du territoire pour avoir violé la législation en vigueur, une fois retournés dans leur pays, font une nouvelle demande de papiers d'identité, comportant une modification de leur identité (nom de famille, par exemple). Une fois munis de ces nouveaux documents, ils peuvent à nouveau entrer sur le territoire russe. Les organes du FSB, sur une période allant de 2009 à 2011, ont ainsi trouvé 591 personnes entrant dans cette catégorie (162 en 2009, 138 en 2010 et 291 en 2011).
 
Afin de pouvoir renverser cette tendance, un projet de loi a été déposé à la Douma le 23 novembre. Il prévoit l'introduction de sanctions pénales à l'encontre des personnes violant la législation sur le régime d'entrée sur le territoire russe. Il peut s'agir soit d'une amende allant jusqu'à 300 000 roubles, soit d'une condamnation à un travail d'intérêt général allant jusqu'à 4 ans, soit une peine de privation de liberté allant aussi jusqu'à 4 ans. S'il s'agit d'une violation de la législation faite de manière organisée ou en groupe, c'est-à-dire avec des circonstances aggravantes, dans ce cas la privation de liberté peut aller jusqu'à 6 ans.

lundi 26 novembre 2012

Medvedev / Rogozine: l'alternative présidentielle ou changement de Premier ministre?

Voir: http://ria.ru/politics/20121126/912190321.html
http://www.1tv.ru/sprojects_edition/si5756/fi19583
http://www.gazeta.ru/politics/2012/11/26_a_4867973.shtml

Après les rumeurs répétées - et démenties - sur la santé de V. Poutine, avec la lutte qui s'intensifie contre la corruption systémique, avec la volonté de "nationaliser" les élites du pays, après l'échec politique de D. Medvedev, avec l'absence d'alternative proposée par l'opposition actuelle, l'avenir des présidentielles semble se cristalliser autour de deux hommes, de deux courants: Rogozine et la vision d'une reconstruction nationale contre Medvedev et l'ultralibéralisme.
 
Les rumeurs sur la santé de V. Poutine avaient défrayées les médias libéraux: le Président vieilli, il n'est pas éternel et la question de l'avenir de la Russie avait refait surface. Rumeurs démenties par le porte-parole de la présidence, V. Poutine s'est juste fait mal en faisant du sport, rien de grave. Mais la question n'est pas là. Qu'il soit malade ou en bonne santé, il n'est pas éternel et la question de son remplacement se posera de toute manière. Lui-même ne s'envisage pas éternellement au pouvoir.
 
Des plaisanteries fusaient alors sur le retour de Medvedev, ce qu'il vient d'affirmer envisager. Si l'on traduit ses déclarations à la presse française, le message est clair. Il a accepté le poste de Premier Ministre en espérant revenir à la présidence, comme l'a fait V. Poutine: une fois que l'on a goûté au pouvoir, il est difficile de s'en défaire ... Et il reprend ses grandes diatribes libérales, explique sa politique sur Twitter, la réexplique sur Facebook. Il rappelle aussi l'affaire Khodorkovky, se posant en grand défenseur de la libération des deux principaux protagonistes de l'affaire Yukos. Mais D. Medvedev/ Premier Ministre a dû oublié que D. Medvedev/Président, alors que sur demande, une dizaine de grands juristes russes lui avaient expliqué par écrit qu'il pouvait gracier Khodorkovky sans que celui-ci n'en formule la demande, que la législation est ainsi construite, qu'il s'agit d'un pouvoir propre du Président dans tous les pays et de tout temps - puisque cela vient des pouvoirs du Monarque à l'époque dans tous les pays - il a affirmé ne pas être d'accord avec eux et n'a pas eu le courage politique de mettre en oeuvre ses grandes déclarations. Donc la grande réforme qu'il a pu mettre en place jusqu'au bout, et sur laquelle il n'est n'est pas revenu puisqu'elle est réussie, est l'annulation du changement d'heure. Grande réforme! Bon, je plaisante ...
 
Cet homme envisage donc son retour politique. Cet interview apparaît sur gazeta.ru le lendemain du jour où Rogozine occupe l'espace médiatique, sur NTV et surtout sur Pervyi Kanal, avec¨Pozner. Rogozine y développe un discours, s'appuyant sur des faits, démontrant l'importance d'une lutte systémique contre la corruption, notamment dans l'industrie militaire où le financement est renforcé. La nécessité de relancer l'industrie nationale pour ne pas mettre la Russie en situation de dépendance par le recours à l'achat d'armement aux autres pays (politique alors défendue par Serdiukov). Il insiste aussi sur la nécessité d'un discours constructif de l'opposition, qui doit travailler pour son pays. Et là en effet est le rôle de l'opposition: critiquer les choix politiques et proposer une alternative. L'on peut se demander quelle est la position de l'opposition sur la réforme des retraites par exemple. Mais il n'y a pas encore de réponse. Ce qui bloque la possibilité de créer un électorat: les gens ne sachant pas quelle politique serait mise en oeuvre.
 
Aux questions répétées de Pozner sur ses intentions présidentielles, Rogozine tient une position ferme: il est au Gouvernement, s'occupe de ses affaires et n'a pas pour l'instant d'ambitions présidentielles. Pourtant, pourtant ... Le combat des clans politiques semble se durcir et la position de Medvedev est particulièrement flottante. Son départ du Gouvernement a souvent été évoqué, mais n'est resté que parole. La montée politique de Rogozine, personnalité largement plus forte de Medvedev à beaucoup de point de vue, semble se poser en alternative réaliste pour, dans un premier temps, un poste de Premier ministre.
 
Les conséquences n'en seraient que positives. Tout d'abord, en situation de fait majoritaire normal, le Président et le Gouvernement doivent avoir la même ligne politique. Ensuite, cela permettrait d'officialiser politiquement l'existence des deux clans. Medvedev aurait alors la possibilité de réellement être à la tête d'un parti libéral qui pourrait s'opposer dans l'arène politique au clan Poutine/Rogozine. Et les électeurs pourraient faire un choix réel. Mais Medvedev en a-t-il le courage politique? Poutine pourra-t-il enfin mettre un terme à l'existence des clans informels et ainsi réellement normaliser la vie politique?
 
La suite au prochain épisode ...