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lundi 11 février 2013

Droit des parents, droit des enfants et conflit de valeurs

Voir: http://izvestia.ru/news/544653
http://www.vesti.ru/doc.html?id=1028440
http://tvrain.ru/articles/putin_i_kurginjan_zaschitjat_detej_ot_juvenalnoj_justitsii_i_planov_pravitelstva-336483/

En Russie vient de se créer un mouvement des parents contre la réforme de l'enseignement, l'évolution de la justice juvénile et l'adoption internationale. Il y a plusieurs manières de présenter cette information.
 
Il est, tout d'abord, possible de dire que Kourguinian, avec l'appuie de V. Poutine, qui est intervenu en soutien au mouvement, continue son combat et veut développer une opposition "patriotique", contre l'opposition non systémique ultra-libérale. C'est vrai en un sens, mais c'est conceptuellement faux. C'est vrai dans la mesure où il s'agit d'une vision conservatrice de la famille, du droit des parents sur les enfants, de la vision de l'enfant comme part entière de la famille et de son droit à une bonne éducation. Mais c'est faux dans la mesure où vouloir présenter ce mouvement comme patriotique est trop réducteur, l'enjeu n'est pas que nationale, il s'inscrit dans un choc des valeurs.
 
Il est alors utile de voir les choses, et de les présenter, plus largement, dans leur contexte. Il semble que la Russie et les Etats Unis, l'Europe évidemment fidèlement à leur suite, ne soient jamais dans le même mouvement au même moment. Quand d'un côté l'on défendait la famille comme un élément fondamental de la société, les bolchéviques communautarisait les enfants. Quand la Russie revient à des valeurs plus "traditionnelles"et veut reconstruire son tissus social, de l'autre côté l'on a déclaré ces valeurs dépassées et la modernité obligerait à atomiser les individus, donc les enfants aussi. Qu'il s'agisse de l'adoption internationale ou qu'il s'agisse de la justice des mineurs devenue justice juvénile.
 
L'enfant est un être à part, un être à part entière, en soi, existant en dehors de ses liens familiaux. Il devient dès lors un atome de la société. Et de la société internationale aussi sous l'effet de la mondialisation. Son ancrage familiale ne serait plus qu'un fait biologique dû au hasard qui l'aurait fait naître ici où là, les parents n'ayant plus alors de droit particulier. Ainsi, si l'enfant est par hasard né dans un pays, se retrouve dans un orphelinat, il a perdu ses parents, mais n'a plus droit non plus à la culture de son pays, ses parents l'ayant rejeté, le pays perd tout droit de parole. Il devient l'objet de la communauté internationale, qui par le jeu du marché, de l'offre et de la demande, pourra le replacer sous des cieux plus cléments.
 
De même, la justice des mineurs a beaucoup évoluée. Si au départ il s'agissait logiquement de prévoir des mécanismes pénaux adaptés aux délinquants mineurs afin de leur permettre de se réincérer par la suite, il s'agit maintenant d'une attaque contre les droits des parents d'éduquer leur enfant. L'enfant peut être retiré à sa famille, placé dans des centres publics et privés qui vivent aussi de ces mécanismes, et ensuite rendu ou non à sa famille. L'Etat et la société entrent dans la vie privée, forcent la porte d'entrée et s'invitent à table. Mais où est la limite? Où sont les garanties? Où est la prise en compte du bien de l'enfant, de son point de vue à lui? Quelles sont les implications sur son développement psychologique? Sur la construction de son identité? Ces dérives sont rendues possibles grâce au flou législatif qui laisse volontairement une marge d'appréciation trop large aux organes chargés de la mise en oeuvre de la politique des mineurs. L'enfant est devenu un atome de la société, il est pris en charge par elle, quand elle ne décide pas de le laisser à la charge de ses parents.
 
Ainsi, la Russie et les Etats Unis avec l'Europe sont sur deux branches opposées d'un balancier. Ils se croisent et s'éloigent. Chacun alternant les conceptions de l'homme et de la société, de l'homme dans la société. Et à chaque fois, quand le mouvement du balancier prend trop d'ampleur, le discours se radicalise, de part et d'autre. L'on avance une vérité absolue dont l'Homme est absent. L'argumentation est remplacée par des mots d'ordre. Comme pour les bolchéviques, les occidentaux aujourd'hui fonctionnent et réagissent à l'appel de slogans qui servent de valeurs, même si leur contenu évolue à tel point qu'ils sont totalement dénaturés.
 
C'est pourquoi les attaques sont aussi virulentes de part et d'autres autour de ces réformes, car elles mettent en lumière ce conflit de valeurs.

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