La place qu'une thèse tient dans la société russe est très différente de celle qu'elle occupe en France ou en Allemagne par exemple. C'est, en Russie, un élément de prestige, tant pour les fonctionnaires, les militaires ou les hommes d'affaires. Leur carrière va même en dépendre. Mais, pourtant, rares sont ceux qui prennent le temps de l'écrire.
Les conseils de soutenance des thèses, en Russie, à la différence de la France, sont des organes stables auprès des Universités, qui fonctionnent en regroupant certaines spécialités. Même si elle est informelle, une hiérarchie existe entre eux, parfaitement connue de tous, comme il est parfaitement connu de tous que certains ne sont pas regardant ni sur la qualité, sur le pliagiat des thèses présentées. L'auteur - officiel - et l'enveloppe qui l'accompagne pour dédommager la perte de temps qu'inflige la soutenance étant des arguments autrement plus convaincants.
Il est donc amusant de voir, tout à coup, le ministère de l'enseignement et de la recherche se réveiller à propos du Conseil de soutenance de l'Institut pédagogique d'Etat de Moscou, qui laisserait passer le pliagat, son directeur fièrement présentant sa démission, de grandes discussions autour de la disqualifications des certaines docteurs, etc.
Tout cela est très hypocrite. Car tout le système est orienté pour faciliter cette pratique dégradant la science. Un procureur, un haut fonctionnaire, a-t-il physiquement le temps non seulement d'écrire une thèse, mais d'y réfléchir, de conduire une étude, de mener une recherche? Non, bien sûr, mais il a des secrétaires et des amis. Or, s'il veut monter en grade, l'obtention d'un grade scientifique accélère la carrière. Et la Russie est remplie de gens qui se moquent de la science comme de leur première couche culotte, mais accrochent leur diplôme sur le mur, interviewés par des journalistes veulent donner plus de poids à leur position en ponctuant leur discours par "car je suis un vrai scientifique".
C'est dégradant pour la science, qui n'est perçue que comme un hobby, et financée en retour à cette mesure. C'est dégradant pour les Universités qui ne sont vues que comme des machines permettant à ces gens et à leurs enfants de n'y pas perdre trop de temps pour pouvoir enfin s'occuper de choses sérieuses, en tout cas d'autres choses. C'est dégradant pour les scientifiques, les vrais, ils existent et on a du coup tendance à les oublier, qui patissent de cette image et doivent tant bien que mal nager à contre courant.
Les milieux universitaires en Russie doivent absolument se reconstituer en corps. En corps qui ne soit pas au service de fonctionnaires qui leur font l'honneur de passer soutenir un document qu'ils n'ont jamais lu, en contre partie, dans le meilleur des cas, d'une augmentation de financement budgétaire. Lorsque l'on se comporte en valet, on est traité en valet. Comment est-il possible de prendre la science au sérieux quand n'importe qui peut soutenir n'importe quoi?
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