Le président de la Cour suprême, V. Lebedev, vient à nouveau de se prononcer pour la mise en place d'une justice administrative en Russie.
Comme le rappelle V. Lebedev, la Constitution établie l'existence de différents contentieux: constitutionnel, civil, pénal et administratif. Pourtant, une justice administrative en tant que telle n'existe pas. Alors que cette forme de justice a un potentiel de défense des droits des citoyens indéniables, puisque c'est à l'organe public de démontrer la justesse des actes pris.
En ce sens, le Président Poutine a donné l'ordre de présenter rapidement à la Douma un projet de Code de procédure administrative et de prévoir la mise en place de chambres administratives dans les cours régionales. Et ici commencent justement les difficultés.
Tout d'abord, la précipitation n'est pas forcément une bonne chose. Il est vrai que les discussions autour de la justice administrative durent depuis longtemps, mais peu de choses ont été réellement faites. L'intégration d'une réelle justice administrative demanderait plutôt une refonte du système judiciaire, ce à quoi ne sont certainement pas prêts, au minimum, les présidents des juridictions suprêmes.
Ensuite, il est difficile de mettre en place une justice administrative sans avoir développé un réel droit administratif. Et le droit administratif russe est particulièrement archaïque. Sans parler de la nature purement privée de toute entreprise d'Etat, de tout contrat conclu par l'Etat. Une réelle réflexion sur la frontière entre le droit privé et le droit public doit être menée, afin de corriger les excès du "tout privé" des années 90, faisant suite aux excès du "tout public" soviétique.
Enfin, au préalable à toute justice administrative, une réflexion d'ensemble doit être menée sur:
- la nomenclature des actes normatifs et individuels administratifs: qui est compétent pour quels actes dans le cadre de quelles procédures etc Ce qui implique une systématisation des procédures de consultation, qui ne peuvent plus être laissées au bon vouloir des petits chefs locaux, par exemple.
- le domaine et les types de responsabilités: sans faute, pour faute, délictuelle, contractuelle, etc. Et comment le faire sans déterminer ce qui entre dans le droit public? Comment le faire sans systématiser une responsabilité de l'Etat en tant que tel?
- la différentiation d'une réelle responsabilité administrative,dans le sens européen du terme, de cette responsabilité pour infractions administratives, qui n'est qu'une forme accélérée de responsabilité pénale des individus devant l'Etat.
- la formation et la constitution d'un corps spécialisé de juges, qui seront compétents en la matière
Sans tout cela, la justice administrative qui se prépare risque de n'être qu'une coquille vide. Il ne suffit pas de prévoir des bâtiments neufs pour une chambre administrative dans les régions, pour que la justice administrative existe.
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