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jeudi 30 janvier 2014

Kiev: La liberté de la presse selon Catherine Ashton

Voir: http://www.gazeta.ru/politics/news/2014/01/29/n_5910993.shtml
http://vz.ru/news/2014/1/29/670239.html
http://www.echo.msk.ru/news/1248076-echo.html
http://tvrain.ru/articles/rossijskih_zhurnalistov_ne_pustili_na_brifing_eshton_v_kieve-361627/

Mercredi, à Kiev, Catherine Ashton appelle à la fin des violences et des intimidations. L'UE organise une conférence de presse, en marge des rencontres avec les officiels et les représentants de l'opposition. Pourtant, aucun journaliste russe ne fut accrédité et leurs collègues occidentaux et ukrainiens se sont vu formellement interdire de partager avec eux toute information concernant la conférence de presse.
Etrange. La guerre froide est finie, l'UE n'est pas en conflit avec la Russie, la situation en Ukraine n'a rien à voir ni avec la politique de l'UE, ni la volonté des Etats Unis ou de la Russie. Les grandes puissances ne se font plus la guerre par pays interposés. Nous vivons dans un monde pacifié, ouvert, où l'information doit être disponible, toutes les informations - politiques, économiques, sociales - car nous respectons le principe de transparence qui est un des fondements de la démocratie moderne. Car nous respectons la liberté de la presse, ce vecteur de l'information, donc nous facilitons aux journalistes leur travail en leur donnant la possibilité d'accéder à toute information.
Enfin, à toute information jugée utile. Aux journalistes jugés utiles. Sachant que la transparence est surtout importante pour certains pays, qui doivent sans cesse démontrer leur caractère démocratique, ce qui n'est pas le cas ni des Etats Unis, ni des pays européens, qui ont déjà leur certificat en poche et décident de l'octroyer ou non aux autres.
Et ils n'ont plus besoin de se justifier. Pour preuve, quand les journalistes russes, qui avaient présenté dans les temps leur demande d'accréditation et se sont vus opposer une fin de non recevoir, ont demandé pourquoi, la réponse fut simple. Car la conférence de presse n'est pas publique, mais sur invitation, et nous décidons nous-mêmes de qui inviter (sic).
C'est le bon vouloir Roi, le fait du Prince. Ces principes, si loin des traditions démocratiques européennes, traditions que pourtant nous voulons exporter et porter à leur paroxysme chez nos voisins. Pourquoi donc cette transparence fondatrice de la démocratie est-elle foulée au pied par nos dirigeants? Pourquoi la presse est choisie sur des critères politiques - puisqu'il y a choix non motivé?
Pour une très simple et très saine raison. Si la transparence est nécessaire au fonctionnement démocratique de tout système, quand le principe est poussé à l'absolu, il est destructeur. Toute information n'est pas bonne à diffuser. La transparence n'est pas le voyeurisme. Tout Etat a besoin d'une part d'ombre pour fonctionner, négocier, et ensuite seulement rendre l'information par lui choisie publique. C'est normal. Mais il y a l'art et la manière. Cela s'appelle la culture politique. Car ces restrictions fonctionnent tant qu'elles ne sont pas affichées, qu'elles restent de l'ordre du non-dit. Et c'est l'erreur fondamentale que vient de commettre l'UE, une erreur liée à l'émergence d'une arrogance qui frise l'incompétence.
Il eût été mieux venu d'inviter quelques journalistes russes triés sur le volet, ce qui aurait permis au moins de sauver les apparences. De toute manière la pression exercée par l'UE et les Etats Unis (menaces officielles de sanctions contre le Gouvernement en place, soutient tout aussi officiel et inconditionnel aux opposants, demande de constituer un Gouvernement pro-européen) sur le régime en place est un secret de polinichinelle.
Et cela aurait également permis aux gentils médias pro-européens russes de se sentir moins mal à l'aise. Car sur les site comme celui de Dojd ou des Echos de Moscou, on n'a jamais vu un commentaire aussi laconique. En effet, comment réagir? Ces médias sont politiquement impliqués et ne peuvent se permettre une critique qui implique une atteinte portée par les hérauts de la liberté à ces mêmes droits et libertés. C'est une sorte de giffle magistrale et le message est clair: on vous utilise lorsque cela est nécessaire et l'on vous écarte également lorsque cela est nécessaire. Les serviteurs n'ont de toute manière qu'à se taire. Et ils se taisent. Difficile de se faire respecter lorque l'on accepte aussi facilement de s'humilier.
Mais l'Union Européenne devrait faire attention à ne pas se transformer en Union Soviétique moderne. La voie qu'elle choisie est glissante et ... peu européenne.

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