A la surprise générale, le Président russe V. Poutine a hier officiellement demandé au Conseil de la Fédération de mettre fin à l'autorisation de recourir aux forces armées sur le territoire ukrainien pour défendre les russes. Je dis bien à la surprise générale, car vous auriez du voir la tête du journaliste qui l'annonçait hier dans l'après-midi sur la chaîne Russia 24. Il avait du mal à lire son texte, ses yeux étaient exhorbités.
Pour éclairer la situaiton, il interroge alors le responsable du comité pour les affaires internationales du Conseil de la Fédération. Il n'y a donc plus de risques? Tout est calme? Les populations ne sont plus en danger. Et ce parlementaire d'expliquer comme il peu que le risque d'une atteinte massive est écarté, c'est pourquoi on peut mettre fin à cette décision. Et là gros plan sur la tête du journaliste, qui n'en croit pas ses oreilles et passe à un autre sujet. En effet, il faut mieux.
De son côté, V. Poutine, à Vienne explique, plus convaincant, il est quand même beaucoup plus doué, que cette mesure avait été prise pour la Crimée, heureusement il ne fut pas nécessaire d'y recourir, maintenant ça ne sert à rien et de toute manière ce ne serait pas efficace, donc on peut y mettre fin. CQFD. Et en note de bas de page, le Président russe d'ajouter: de toute manière on va suivre ce qui se passe.
Soit. De son côté, S. Ivanov, à la tête de l'administration présidentielle, explique que la Russie fait le pari de la paix. Un peu risqué comme pari, vu que les combats continuent. Soit.
Et les réactions dans les zones directement concernées ne se font pas attendre. Immédiatement, les dirigeants des républiques contestataires expriment leur mécontentement face à la réaction de V. Poutine. Ils sont déçus, mais vont se débrouiller sans la Russie. Strelkov continue le combat et publie régulièrement l'état des rapports de force. P. Gubarev détaille chaque jour les quartiers touchés par l'artillerie ukrainienne, annonce un tir contre un hélicoptère de combat ukrainien, blessés et morts de part et d'autres. Même s'il respecte la position de V. Poutine, il demande l'intervention de la Russie pour mettre fin sur place aux combats, sous n'importe quelle forme, avant que Kiev n'en ait pris l'initiative avec ses amis européens et qu'ils n'achèvent leur travail sur place. Et la presse étrangère s'empresse de dire que ce sont les résistants qui violent le cessez-le-feu. Donc en fait rien n'a changé sur le terrain.
Et nous avons l'impression que deux réalités parallèles se mettent en place, se font concurrence. D'un côté la réalité diplomatique, celle d'un cessez-le-feu et de la rencontre de bonnes volontés, d'un autre côté la réalité crue du quotidien dans laquelles les gens continuent à se battre, à être blessés et à mourir. Comme si la volonté politique, avec le soutien médiatique, devait permettre de faire triompher une réalité sur une autre. Bref, une guerre post-moderne, sans armée régulière, avec des opérations coups de poings sans insignes et la caméra sur l'épaule.
Et la Russie affirme clairement ne pas vouloir intervenir. Certains d'affirmer l'existence d'un plan cacher de V. Poutine, de rappeler sa grande dextérité diplomatique et géopolitique. C'est vrai et espèrons. Mais au-delà de l'espoir, plusieurs questions inquiètent. Sans oublier que sur place, ils n'ont pas l'air d'être trop au courant de ce soutien ...
Prenons les choses sous un autre angle. Je sais, on m'a déjà dit que ces choses ne sont pas liées. Et l'on me l'a tellement répété, que j'en ai des doutes. Donc imaginons une autre version, plus cynique, soit, mais qui a aussi le droit d'exister. Dans cette version, la Russie ne fait pas le pari de la paix, elle fait le choix de la tranquillité et du développement économique. Elle en a par ailleurs aussi le droit. La Russie n'est pas obligée non plus d'endosser le rôle du preux chevalier sans peur et sans reproche. Seulement, oui, c'est moins joli, moins romantique, mais cela correspond pas mal à certaines élites en place. Et au calendrier en cours ...
Tout d'abord, lundi, Obama et Poutine ont eu une discussion téléphonique au cours de laquelle Obama a clairement dit à Poutine que s'il ne mettait pas tout en oeuvre pour garantir le plan de paix, une nouvelle vague de sanctions économiques sont à attendre. Et Poroshenko d'affirmer dans tous les médias que le renoncement de Poutine aux forces armées est un grand pas très concret pour soutenir le plan de paix. Rappelons que le 20 juin, le vice-directeur de l'administration présidentielle ukrainienne avait justement formulé cette demande à V. Poutine. Mais, d'un autre côté, ce n'était pas la première fois. Pourtant, cette fois-ci il a été entendu. Quand le plan de paix est très précaire et que les combats de facto continuent de part et d'autre.
Par ailleurs, sous pression des Etats Unis, le projet South Stream est stoppé. En visite officielle à Vienne, V. Poutine allait parler de deux choses, du gaz et de l'Ukraine, avec le Président autrichien et avec le responsable de l'OSCE. Demander officiellement de mettre fin au droit d'intervenir militaire en Ukraine tombe très bien. Et à ce niveau de compétence, je me méfie des hasards. Dans le cadre de ces négociations et en tenant compte des intérêts à court terme de la Russie, notamment et surtout en matière énergétique et donc économique, c'est un bon point.
D'ailleurs l'Autriche a signé. Tant mieux. Car il faut de bonnes relations avec l'UE, ceci semble devenir une priorité de la politique russe aujourd'hui. Fermeté contre les excès de Kiev en matière d'interprétation contractuelle, et restauration des relations économiques ave les pays européens. Pour cela, d'étranges déclarations croisées et démenties viennent de Gazprom. D'un côté, les services techniques de Gazprom annoncent que l'Ukraine a repris du gaz sur le transit pour l'Europe, annonce très vite démentie par la direction de Gazprom. Quand les intérêts politiques prennent le dessus.
Donc la Russie, plus que le pari de la paix, comme le dit S. Ivanov, fait peut être le choix de la tranquillité. Elle en a le droit, d'autant plus que partout, sur toutes les chaînes publiques, les "experts" de dire que la Russie à l'inverse des Etats Unis n'est pas le gendarme du monde, qu'elle n'en a pas du tout l'ambition etc.
Et de petites voix de percer, peut être les élites russes sont-elles plus proches de Poroshenko que de Strelkov finalement .... Avec lui il est toujours possible de discuter et de s'entendre, alors que Strelkov est quelqu'un d'idéaliste, d'entier. Et la petite voix de continuer lancinante, car la position de la Russie dans ces négociations inquiètent quand même à l'intérieur aussi. La Russie doit cesser de dire que ce conflit est purement intérieur à l'Ukraine, elle doit défendre aussi les russes sur place et non seulement les habitants du Sud est, etc.
Bref, quel choix fait la Russie? Car le moment où ses intérêts propres divergent réellement de ceux du Sud-est ukrainien est peut être arrivé et les élites russes, bien implantées dans le business, ne sont pas particulièrement prêtes au sacrifice, sauf signal fort. Et ce signal n'a pas été lancé.
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