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lundi 30 mars 2015

Ukraine: vers une nouvelle phase d'institutionnalisation?

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La mise en retrait concertée de I. Kolomoïsky et l'échec patent de la manifestation dans sa région de Dnepropetrovsk ouvre la porte à une nouvelle phase dans le conflit en Ukraine. La guerre des oligarques, comme nous l'avons déjà dit, n'aura pas lieu. Il se peut que la phase militaire chaude touche à sa fin, le combat va se déplacer sur le plan politico-juridique: exporter en Ukraine des structures étatiques plus ou moins viables pour donner l'illusion d'une réforme constitutionnelle. Ce qui permettrait aux Etats Unis de reprendre la main et laisserait la Russie dans une situation complexe.


L'image de Kolomoïsky et Poroshenko se congratulant à la télévision ukrainienne a mis un terme au scénario d'une guerre lancée par l'oligarque de Dnepropetrovsk, qui ne pardonne rien, qui contrôle tout en sous main. Pour cela, il a suffit d'un coup de téléphone du vice-président américain Baïden à Yatséniuk lui intimant de soutenir le Président Poroshenko. Immédiatement et le ministère de l'intérieur et le SBU se sont prononcés, Kolomoïsky a été isolé. La partie est finie. 

Pour faire le point, il reste donc théoriquement deux scénarios possibles. La guerre, mais avec l'abdication de Kolomoïsky, il est évident qu'une reprise des hostilités n'est pas programmée à court terme - sinon ses bataillons seraient nécessaires. La paix, mais une paix aux conditions US qui ne peut être un cadeau pour la Russie. Cette paix peut passer par la mise en place d'un processus d'étatisation qui pourrait donner à croire à la mise en place d'une réforme constitutionnelle. 

En effet, l'ordre a été donné de désarmer les structures paramilitaires non intégrées dans les forces de l'ordre, militaires ou non, ukrainiennes. La Rada a adopté la loi, sur proposition présidentielle, qui redonne aux organes publics un certain contrôle sur les entreprises à capital mixte public-privé, c'est-à--dire celles qui sont en grande partie sous contrôle des oligarques, contrôle conduisant à reverser des subsides au budget. Bref, il faut remettre de l'ordre. Sur ce point, rien à dire.

Sauf qu'il ne s'agit pas d'une réforme constitutionnelle et c'est là l'élément clé. Les Etats Unis font pression sur leurs agents locaux pour que la situation reste contrôlable. Or, s'il est question d'une réelle réforme constitutionnelle, les Etats Unis vont se buter sur certaines difficultés.

Pour qu'il y ait réforme constitutionnelle, il faut déterminer un accord, un contrat social qui englobe toute une population sur un territoire déterminé par des frontières stables. Cette réforme constitutionnelle tant invoquée va obliger donc avant toute chose à reconnaître des frontières stables. Et il ne s'agit pas seulement de savoir si la frontière va passer avant ou après le Donbass, il va s'agir de reconnaître la Crimée. Car comment autrement faire un projet constitutionnel qui doit garder une incertitude sur une partie du territoire et de la population? 

L'autre élément qui peut bloquer une réelle réforme constitutionnelle est celui de l'expression du consentement. D'une part, le consentement au niveau de la participation. Il doit y avoir débat entre plusieurs projets constitutionnels, sans que les auteurs de projets alternatifs ne soient menacés ou exclus du processus car pas suffisamment "patriotes". Comme cela s'est vu avec l'opposition lors des élections. Ensuite, il faut pouvoir organiser un référendum, car après une telle crise nationale, c'est toute la nation qui doit se prononcer. Et l'on en revient encore une fois à la question des frontières qui doivent déterminer quelle population. Mais ici, se pose en plus la question des réfugiés. Je ne parle pas des expatriés, ils peuvent voter dans les consulats. Mais quid des centaines de milliers de réfugiés? Se sentiront-ils suffisamment en sécurité pour voter? 

Enfin, dernière question technique, comment organiser le vote? Sur le lieu de résidence et alors comment faire avec toutes les populations déplacées? Car c'est toute la légitimité non seulement des opérations électorales qui dépendent de toutes ces questions, mais c'est la légitimité de la réforme constitutionnelle elle-même qui est en jeu. Ce qui va conditionner la viabilité du futur  Etat ukrainien. 

Bref, beaucoup de questions très sensibles doivent encore être résolues avant qu'il ne soit possible de réellement parler de réforme constitutionnelle. Et c'est justement pour cela que les Etats Unis semblent avoir radicalement changé leur fusil d'épaule. L'option militaire n'est pas efficace, ils semblent décider de reprendre la main sur le plan politico-juridique, ce pour quoi ils sont doués.

Car mettre en place une fausse réforme va bloquer le processus et capitaliser leur avance. L'Ukraine, en tant que telle, devient l'équivalent des pays baltes, un pays dévoué corps et âmes à l'Occident. Les aides financières vont permettre de maintenir la perfusion vitale et le Donbass et la Crimée resteront des talons d'Achille dans la politique russe. Plus le Donbass que la Crimée, car sans être reconnu, il est, lui, perfusé par la Russie, qui n'en reçoit aucun avantage, ni politique, ni économique, mais rempli son devoir moral. Et les quelques mesures juridiques avancées pourront être estampillées "réforme constitutionnelle" avant que la Russie n'ait le temps de faire ouf, lui ôtant une carte majeur. Sauf, si la Russie reprend elle aussi l'avantage en développant une position plus active sur le plan de la réforme constitutionnelle, notamment en déterminant les conditions préalables et formelles à la tenue de cette réforme.  

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