E. Vassilieva
Dans l'affaire Oboronservice, qui a coûté son fauteuil en 2012 à l'ancien ministre de la défense A. Serdiukov et plus de 3 milliards au budget, le procureur ne demande que du sursis pour les figurants de l'affaires et ne retient aucun grief contre l'ancien ministre. Si c'est la manière dont l'Etat veut montrer son engagement dans la lutte contre la corruption, il faudrait donner quelques explications ... Revenons sur une des plus grosses affaires de corruption au sommet de l'Etat de ces dernières années.
Lors de la réforme en 2008 du ministère de la défense, un grand holding, Oboronservice , a été créé, qui se trouve lui-même à la tête de 9 holdings et de 216 entreprises, pour gérer tout ce qui n'entre pas directement dans les questions de défense, autrement dit la gestion du parc immobilier, l'intendance etc. En 2012, la presse révèle le scandale de la gestion de ce holding qui, par différentes manœuvres frauduleuses, a déjà coûter au minimum 3 milliards à l'Etat.
A la tête du holding se trouve une certaine E. Vassilieva. Lorsque les enquêteurs sont venus perquisitionner à son domicile le 25 octobre 2012, appartement qui se trouve en dessous de celui du ministre de la défense, alors en poste, A. Serdiukov, c'est justement le ministre qui ouvre la porte, le matin, à 6h. Dans l'appartement sont saisis des bijoux pour plusieurs millions de dollar.
Après bientôt 3 années d'enquête et de grandes révélations télévisées, hier, au tribunal, le procureur demande de la conditionnelle pour tous les figurants, notamment 8 ans pour E. Vassileva. Le motif d'une telle générosité, qui se rencontre assez rarement pour les simples particuliers, viendrait du fait que sur les trois milliards, l'Etat a déjà reçu une compensation de 2 milliards 200 milles roubles et le reste pourra être obtenu par une action civile. Donc tout est réglé.
En soi, c'est déjà choquant. Tout d'abord parce que cela signifie que si vous avez les moyens de payer, vous pouvez vous en sortir sans peine de réclusion ferme. La logique commerciale a totalement imprégné la justice, ou ce qui devrait l'être. Aucune responsabilité particulière pour les membres de la fonction publique exerçant des fonctions haut placées et se comportant comme de petits escrocs n'est envisagée. Autrement dit, l'Etat ne bénéficie pas de protection particulière. Etre au service de l'Etat doit impliquer des obligations plus importantes, notamment morales et donc également juridiques. La responsabilité devant être le pendant de tout pouvoir. La logique d'Etat ne peut se réduire à la logique d'entreprise.
Ensuite, le pauvre ministre de la défense, qui a dû quitter ses fonctions de ministre le 6 novembre 2012, n'est pas pour autant au chômage. Le 14 novembre 2012, A. Serdiukov est annoncé comme conseiller du directeur général de l'entreprise d'Etat Rostekhnologuy. Vu le scandale que provoque une telle nomination, le porte-parole de Rostekhnologuy la dément le lendemain. Et le 22 novembre il a dû quitter le poste de président du Conseil de surveillance de l'entreprise, par oukase présidentiel un remplaçant a été nommé. Le 1er novembre 2013, A. Serdiukov a été nommé directeur général du Centre fédéral de recherche et de test des véhicules; centre qui fait partie de Rostekhnologuy. Des députés de la Douma se sont révoltés contre une telle nomination, la qualifiant de provocation. Mais rien n'y a fait.
Et ce pauvre A. Serdiukov, qui n'était que témoin dans l'affaire Oboronservice, à la tête alors du ministère de la défense, amant de E. Vassilieva, aurait été victime de cette intrigante. Il est donc blanchi. Rappelons juste pour finir la déposition de A. Serdiukov devant les juges en janvier de cette année. Alors qu'il vantait les qualités professionnelles de E. Vassilieva et rappelait tout ce qu'elle avait apporté au ministère de la défense, à la question de savoir si elle l'avait induit en erreur, la réponse fut nette: non.
Il n'est pas certain que la justice, sans même parler de la lutte contre la corruption, ressortent grandis de cette affaire.
Je puis confirmer, vivant en Russie, que ce scandale irrite et préoccupe profondément beaucoup de gens. Il irrite surtout ceux qui voudraient croire que le pouvoir en place travaille correctement. Il enlève toute crédibilité aux promesses de lutte contre la corruption. Il faut croire que Sirdioukov avait dans sa besace quelques savoureux secrets qu'il a su fort bien utiliser et négocier.
RépondreSupprimerVous savez, ce ne doit pas être évident d'éradiquer la corruption après une longue période où elle a pu s'installer, intouchable... Il faut agir avec précaution sinon un risque de chaos n'est pas à minimiser. C'est comme un château de carte, il faut enlever précautionneusement les cartes qui risquent d'effondrer le tout. Courage, "Rome ne s'est pas faite en un jour"
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