Le plan Juncker et les débats qui l'entourent semblent totalement décalés de la réalité. De janvier à septembre, 430 000 personnes sont entrées sur le territoire de l'Unoin européenne et les Etats de l'Ouest s'acharnent contre les Etats de l'Est pour, finalement, 40 000 migrants. Ce plan ne peut être objectivement utile à résoudre le conflit. Alors à quoi sert-il?
La réunion des ministres des affaires étrangères des pays de l'Union européenne quant à l'adoption de quotas de migrants s'est terminée sur un échec. Pas de quotas, une répartition sur le principe du volontariat, concernant non plus 160 000 mais 40 000 personnes. Et sur deux ans.
Sur cette question, il ne pouvait en être autrement, car la différence entre l'Est et l'Ouest, même s'il est convenu de ne pas en parler, existe encore. Pourtant, le plan était très "modeste", comme le souligne le New York Times. Mais l'unité de façade de l'UE a explosée comme un géant aux pieds d'argile.
Pourquoi les pays de l'Est ne peuvent accepter des quotas de réfugiés?
Lorsque l'URSS est tombée, la question nationale était au coeur du débat de ces pays. Dite étouffée par la domination de la Russie, il fallait réveiller leur nation, voire la créer, afin de les éloigner de la sphère d'influence à l'Est et les faire entrer dans celle de l'Ouest. Et ces pays étaient effectivement heureux d'aller rejoindre le Club des nations civilisées européennes, de ces grands pays qui avaient fait l'histoire du continent. Ils se prirent à rêver d'un nouveau concert des Nations dans lequel ils occuperaient une place privilégiée. Ils entrèrent donc dans l'UE, pensant y trouver l'Europe.
Finalement, ils n'ont que changé de domination. Mais leur choix a été fondé sur un mensonge. Car ils pensaient trouver des Etats souverains avec lesquels ils discuteraient d'égal à égal, ils trouvèrent des structures disciplinées qui les prenaient de haut, ces pays pauvres à démocratiser.
Les pays d'Europe de l'Ouest peuvent avec facilité accepter des milliers de migrants supplémentaires, car le processus de migration est ancien. De 2004 à 2012 en France en moyenne 200 000 migrants entrent sur le territoire. En 2010, l'Espagne a accueilli 458 900 migrants, par exemple. L'Allemagne 404 100. Donc c'est un processus bien connu. Qui a déjà produit ses effets, sur la culture nationale, le rapport de forces entre les religions, le visage de la société. Bref, la Nation a été largement touchée et le concept lui-même a été dénigré. Nation, veut dire rejet de l'autre, de ce qui est différent. Or, maintenant, il faut développer le culte de l'autre et l'oubli de soi. Il s'agirait d'une nouvelle forme de tolérance.
Mais les pays de l'Est n'y sont pas habitués. Et n'avaient pas été prévenus. Ils doivent faire en un temps record ce que nos vieilles nations ont fait sur plusieurs dizaines d'années. C'est un choc. En ce sens, le New York Times souligne que la position "des anciens pays communistes" était de ne prendre que des migrants chrétiens, car ils n'ont pas l'habitude du multiculturalisme. Ce à quoi le Luxembourg a rétorqué être prêt à prendre des migrants indépendamment de leur couleur de peau et de leur religion. Voici la voie à suivre. Et cette voie leur fait peur, car ils ont bien consience des effets destructeurs. De cette impasse.
Ils ont voulu l'Europe, ils doivent oublier leur nation pour être membre à part entière de l'UE.
Ici passe la ligne de démarcation entre l'Est et l'Ouest. Les pays baltes, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie sont contre les quotas. En Estonie, le président du Parlement doit faire pression sur les députés pour qu'ils "votent non pas comme ils voudraient, mais comme il faut". Pour la Lettonie, il faut une solidarité, mais ce ne peut être une obligation. Quant au Parlement de Lithuanie, il ne voulait prendre absolument aucun migrants; ils n'ont pas de traditions nationales en la matière.
Et l'Europe, la vraie, se doit de montrer l'exemple:
"Samedi, des rassemblements pro-migrants pourraient réunir des dizaines de milliers de personnes à Londres, Berlin, Madrid et dans plusieurs autres villes d’Europe, selon les organisateurs. Quelques manifestations contre l’accueil des réfugiés ont également été annoncées en Pologne, en République tchèque, ou encore en Slovaquie."
Le caractère idéologique du "Plan Juncker"
L'incapacité a priori de ce plan à résoudre d'une quelconque manière, même s'il était adopté, le véritable problème de l'afflux de migrants démontre toute sa dimension idéologique. Et les pays d'Europe de l'Est vont devoir en payer le prix. Ou plutôt payer le prix de leur "européanisation", comme si avant leur entrée dans l'UE ils n'étaient pas européens.
Les défauts techniques du "Plan Juncker"
Comme le rappelle avec beaucoup de justesse l'ambassadeur de Hongrie en France:
""tant que les frontières ne sont pas sécurisées, tant qu'on ne sait pas de combien de personnes on parle, il est complétement irréaliste de parler de quotas", a indiqué le diplomate. "On nous parlait de 40.000 personnes, à près de 160.000 demain. Il y en aura 500.000 après-demain, un million, trois millions ? Personne n'en sait rien"."
Personne ne sait combien il y aura de migrants d'ici simplement la fin de l'année. Peut être un million. C'est le chiffre qui semble le plus réaliste. Parmi eux, une infime minorité de personnes peuvent réellement prétendre au statut de réfugié, mais les autorités nationales ne seront de toute manière pas en mesure de faire le tri.
Il semble donc absurde de discuter sur des quotas, alors que l'on ne sait finalement pas de combien de migrants l'on parle.
D'un autre côté, le nombre de personnes concernées par ce plan est tellement dérisoire, 160 000 sur deux ans, que la discussion ne peut pas sérieusement avoir comme finalité réelle la répartition de ces quelques personnes. Oubliant le million d'autres à venir. Finalement, l'accord est tombé sur 40 000 déjà sur le territoire plus 20 000 en attente ... sur deux ans. Comme chacun le veut. Il est évident que cela ne règlera pas la question des migrants.
Par ailleurs, bien que les autorités européennes s'escriment à affirmer que les migrants, une fois enregistrés dans un pays, vont gentiment y rester et simplement faire du tourisme pour aller voir la Tour Eiffel, personne ne peut y croire. Car, à moins de rétablir de manière permanente les frontières intérieures à l'UE, il y a peu de chance pour qu'ils restent dans des pays qu'ils n'ont pas choisi.
Le poids idéologique du "Plan Juncker"
Devant la résistance infamante de ces pays de l'Est, une piqûre de rappel leur a été faite par le ministre belge des affaires étrangères:
" "refuser les quotas, c'est refuser la solidarité européenne". "Nous offrons un grand soutien aux pays les moins développés de l'Union européenne, ils peuvent quand même se montrer un peu solidaires maintenant"."
En traduction: il est temps de payer pour ce que vous avez reçu. Et si jamais ce n'est pas suffisant, le ministre de l'intérieur allemand a une très bonne idée pour faire pression sur ces pays, ce qu'elle reconnaît ouvertement:
""Nous devons parler de moyens de pression", a-t-il dit à la chaîne allemande ZDF. Les pays qui refusent la répartition par quotas "sont des pays qui reçoivent beaucoup de fonds structurels" européens, a-t-il justifié, trouvant "juste qu'ils reçoivent moins de moyens", et disant reprendre une proposition du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker."
Bref, le fonctionnement de l'UE, qui a toujours été vanté comme fondé sur la discussion et le compromis, sur l'égalité des parties dans le débat, vient de voler en éclat. Il est réellement et ouvertement fondé sur le chantage et la pression du plus fort sur le plus faible.
Ce plan Junker qui ne peut en toute objectivité permettre de résoudre ou même de participer à la résolution de la crise des migrants dans les pays de l'Union européenne, en revanche, va permettre d'égaliser l'Est et l'Ouest. Car le combat est idéologique. Et très bien caractérisé par les échanges verbaux entre le Premier ministre hongrois V. Orban et les militants de l'européanisme post-moderne, comme D. Tusk - et il fallait bien un polonais à ce poste.
D'une part Orban déclare:
"«Aujourd'hui nous parlons de centaines de milliers, l'an prochain nous discuterons de millions et, d'un seul coup, dit-il, nous nous retrouverons en minorité sur notre propre continent.» ...
Et le journal Le Figaro, sans même se rendre compte, continue dans sa lancée par un aveu de manipulation volontaire:
"ses (Orban) tirades sur une «Europe chrétienne» assaillie de toute part rencontrent un solide écho chez les voisins slovaques, tchèques, polonais et même ailleurs. Elles viennent surtout compliquer les efforts de conciliation. L'Allemagne et la France entendent profiter de l'«effet Aylan» pour ressouder l'Europe sur un programme d'accueil cohérent en faveur des rescapés de quatre ans de massacres en Syrie."
Il s'agit bien de cela. Oublier les "tirades chrétiennes" et unifier l'espace de l'Union européenne. La question qui reste est de savoir quelles tirades nous finirons par entendre, enfin, si nous sommes encore en état d'entendre quelque chose.
Car la grande absente de ce plan contre l'afflux de migrants est la remise en cause de la ligne de politique étrangère de l'UE, américano-centrée et guerrière. Mais de cela, il ne faut pas parler. Surtout lorsque, d'un coup d'un seul, le misnitre russe des affaires étrangères, S. Lavrov, un peu fatigué d'entendre toujours les mêmes inepties, affirme avec son flegme traditionnel: les Etats Unis vont semblant de combattre l'Etat islamique en Syrie, en refusant de bombarder les positions des extrémistes et en portant des coups à Assad.
Il semberait que la destabilisation de l'Europe par des flux migratoires dignes de la Seconde guerre mondiale ne soit pas totalement désintéressée.
PS; Qu'en pensez-vous? Cette "histoire" des flux migratoires, avec ses tragédies et sa médiatisation, prendra-t-elle fin lorsque l'accord transatlantique aura été signé? Non, non bien sûr, ça n'a rien à voir.
Personnellement j'aimerais connaître le parcours de ces gens pour arriver en UE. D'après les informations, ça donne l'impression de plus de 200 000 personnes ayant fait 3 000 km en un temps très court, et on s'en aperçoit soudainement lorsqu'ils rentrent en UE. C'est impossible. En plus de ça, ces personnes semblent bien renseignées sur leurs objectifs.
RépondreSupprimerJe rappelle que les polonais ont beaucoup migré, vers la France notamment, au début du XX ème siècle. Ils doivent donc savoir ce que signifie émigrer, ça fait partie de leur culture (du moins à un moment donné pas si éloigné). Pour les pays baltes, je ne sais pas.
Il était visible, notamment de la part de la Pologne, lors de l'affaire des armes de destruction massive d'Irak et l'intervention de Villepin à l'ONU, que ces pays de l'est n'avaient pas vraiment l'esprit de solidarité.
Le rappel du ministre allemand est vrai, ce sont les pays baltes et la Pologne qui reçoivent le plus d'argent, par tête d'habitant, de la redistribution de l'UE, l'Allemagne étant le premier contributeur, la France le deuxième (par tête d'habitant, la Suède et le Luxembourg et le Danemark sont devant la France et l'Allemagne pour la contribution).
Effectivement, les politique UE sont en dessous de tout, car ils ne veulent pas aborder les causes.
Ce n'est qu'une gestion médiatique des événements.
"… l'Allemagne étant le premier contributeur, la France le deuxième (par tête d'habitant, la Suède et le Luxembourg et le Danemark sont devant la France et l'Allemagne pour la contribution)."
SupprimerDésolé de vous dire mais je ne suis pas bien votre raisonnement. Si la Suède, le Luxembourg et le Danemark sont devant la France et l'Allemagne par contribution, comment se peut-il que l'Allemagne soit-elle le premier contributeur suivie par la France ?
Si chaque personne d'un groupe de deux personnes donne 2 000, le groupe a donné 4 000. Appelons ce groupe le premier groupe.
SupprimerSi chaque personne d'un groupe de dix personnes donne
1 000, le groupe a donné 10 000. Appelons ce groupe le deuxième groupe.
Par personne, le premier groupe fait le plus d'effort (par tête d'habitant), le deuxième groupe est celui qui donne le plus (le contributeur le plus important des deux).
Ces différences proviennent des grands écarts des effectifs des populations des pays.
Puisque vous n'avez pas compris, j'ajoute des précisions.
Les pays versent à l'UE et celle-ci redistribue.
La somme des versements de tous les pays moins le budget de fonctionnement de l'UE= la somme des redistributions (il y a d'autres trucs négligeables qui font que des sommes rentrent automatiquement dans les caisses de l'UE sans passer par les Etats).
La France verse et reçoit, comme tous les pays, mais elle reçoit moins que ce qu'elle verse, et en considérant cette différence, elle est le deuxième contributeur à l'UE (données de 2013).
C'est pour cela que lorsqu'on dit (disait) que la France bénéficie de l'aide de l'UE pour son agriculture, c'est vrai et faux. Effectivement de l'argent qu'elle a fourni lui revient, mais pas la totalité, loin de là.
De mémoire, je pense que c'est la Pologne le bénéficiaire le plus important(pays pour lequel la différence reçu/versé est la plus importante, différence positive pour la Pologne et négative pour l'Allemagne, la France, la Suède etc...), mais ce sont les pays baltes les bénéficiaires les plus importants par tête d'habitant (ce sont les pays baltes qui ont la valeur la pl us élevée lorsqu'on fait le calcul de la différence reçu/versé divisée par le nombre d'habitant).
Ce n'est pas un problème en soi, de ne pas réintégrer la somme versée (équilibrage et solidarité), mais il faut que ça soit présenté honnêtement, ce qui n'est jamais le cas dans les présentations journalistiques.
Je ne relis pas tout l'article mais il me semble bien que le ministre allemand dont je parle fait bien attention de ne pas désigner nommément les pays qu'il désire fustiger par rapport à l'aide de l'Europe, il les désigne en bloc.
Moi, je dis 1.264.557.009 (N° de tel des alcooliques anonymes) à la fin de l'année. Qui dit mieux?
RépondreSupprimerLes pays de l'Est avaient choisi l'Europe, pas l'Afrique. Je savais dès le début qu'ils ne faisaient que changer de grand frère, et qu'ils s'en mordraient les doigts. Lors du bombardement de la Yougoslavie, ils ont emboîté le pas à l'OTAN, ce que j'avais trouvé honteux. Maintenant que toute l'Europe est transformée en gigantesque Kosovo par nos satrapes aux ordres des USA, ils n'ont plus que leurs yeux pour pleurer, et nous aussi, ce que je fais chaque jour, bine que ce soit, finalement, bien fait pour notre gueule. Il ne fallait pas être aussi crédule, aussi neuneu, aussi malléable, aussi endoctrinable.
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