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vendredi 19 février 2016

Douma 2016: Khodorkovsky et les faiblesses du système

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Sur fond de campagnes électorales, les élections parlementaires russes se déroulant en septembre, les vieux démons reviennent, les vieilles recettes ressortent et pourtant un réel enjeu politique devrait faire bouger les marqueurs de la classe politique. Au-delà des délires de Khodorkovsky, quelques éléments d'appréciation.


Le régime des élections parlementaires

Le 18 septembre 2016 se dérouleront les élections parlementaires en Russie devant renouveler le corpus des députés à la Douma fédérale (la chambre basse du Parlement). La législation en vigueur permet à un plus grand nombre de partis politiques de participer et donne plus de chance à leur représentation. 

En effet, en plus des 225 députés élus au scrutin de listes (par parti politique), 225 seront élus au scrutin uninominal (individuellement), ce qui aura pour effet de diminuer l'effet d'amplification de la représentation du parti remportant les élections au scrutin de liste. Un parti pourra être représenté à la Douma s'il obtient plus de 5% des voix et non plus 7%.

De plus, les règles de réunion des signatures pour participer aux élections ont été simplifiées. Non seulement les partis ayant obtenu au moins 3% aux précédentes élections à la Douma ne sont pas obligés de réunir les signatures nécessaires, mais également les partis ayant au moins un député élu au scrutin de liste dans les assemblées législatives des entités fédérées. De ce fait, les 4 partis représentés à la Douma (Edinya Rossya, LDPR, Parti communiste et Spravedlivaya Rossya) en sont dispensés, plus Iabloko en raison de ses résultats électoraux précédents, mais également 9 partis supplémentaires d'opposition qui ont des députés régionaux (Patrioti Rossii, Rodina, RPR-PARNAS, Pravoe Delo, Grajdanskaya Platforma, Rossiïskaya partya pensionnerov Rossii, Kommunisty Rossii, Zeliony, Grajdanskaya Sila).

Les autres devront réunir 200 000 signatures d'électeurs dans les régions russes, sans dépasser 7000 signatures par région, afin de garantir la réelle dimension fédérale du parti, puisque les élections ont une dimension fédérale.

Les tentations de l'opposition non systémique

Comme à chaque élection, l'opposition non systémique prend les armes. Pour l'instant, celle résidant sur le territoire russe est encore calme, elle organise ses primaires. Le PARNAS, par exemple, a décidé de rendre payante la participation aux élections pour le parti. C'est un moyen comme un autre de sélectionner ses candidats.

La vague vient, une fois n'est pas coutume, de l'étranger. M. Khodorkovsky, depuis son siège de Londres, à la tête de son organisation Otkrytaya Rossya (Russie ouverte), a lancé une sorte d'appel d'offre pour financer les opposants en Russie. Mais pas des opposants comme les autres. Des opposants qui doivent changer le régime, ou, pour le moins, préparer le changement de régime. Pour appeler les choses par leur nom, nous sommes plus dans la logique d'un coup d'état que dans celle d'une opposition politique.

Cela est très bien expliqué dans un article de Vedomosti (quotidien d'affaires russo-américain). Le but n'est pas de gagner les élections, mais de préparer le changement de régime. Car les élections sont a piori truquées, ce qui sera prouvé par les candidats de Khodorkovsky qui perdront. Car le fait qu'ils échouent est censé, en soi-même, démontrer les défauts du système. Cela en affirmant très sérieusement que, dans le cadre d'un système démocratique théorique, évidemment, ils gagneraient. 

Donc, le but est la destabilisation politique et sociale, et non la participation au jeu politique. Cela est évident puisque ces "candidats" n'ont pas d'électorat réel. Dans le cadre des règles démocratiques prévoyant la victoire de la majorité et non de la minorité, ils ne peuvent accéder au pouvoir. L'accession au pouvoir doit alors se faire par un changement des règles. Oui, cela rappelle l'Ukraine et ses différentes révolutions, ses 3e tours inconstitutionnels, son coup d'état, pour finir aujourd'hui par la destruction du pays.

Khodorkovsky affirme, pour réaliser "son oeuvre", avoir reçu 230 demandes de financement, dont 26 de membres de partis représentés à la Douma. Il estime qu'environ 30% des demandes ont des perspectives et finalement s'est arrêté sur 20 candidatures. Le parti de droite libérale Iabloko a déclaré exclure de ses rangs tout membre demandant de l'aide à l'étranger. La démarche est saine, il y a forcément conflit d'intérêt à représenter les intérêts d'une population sur financement d'un autre état, qui a très logiquement  d'autres intérêts. Surtout en période de tensions internationales.

Les données statistiques

Dans ce contexte particulièrement tendu, le données statistiques sont significatives tout à la fois du soutien populaire face au cours politique choisi, mais également de la montée potentielle d'un mécontement social face aux politiques économiques et sociales. 

A la question de savoir si la population soutient en général la politique menée, 48% la soutiennent totalement, 31% en partie, 18% ne la soutiennent pas. L'index de soutien est à 61%, mais baisse continuellement depuis le pic de 76% à la mi-2014. Vois le schéma ci-dessous.

Вопрос: В какой мере Вас устраивает политика, которую проводят власти нашей страны?
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Et la situation se complique lorsqu'il s'agit de la politique économique ou sociale en particulier.

A la question de savoir si la population soutient la politique économique, l'index global tombe à 20%. 29% la soutiennent totalement, contre 38% qui y sont opposés et 29% la soutiennent en partie. Cette disparité des résultats reflète aussi les choix faits par les différents groupes de pression et contestés en partie. On retrouve en quelque sortes ici les tenants d'une politique demandant à repenser la politique économique indépendamment des groupes de pressions néolibéraux très puissants dirigés par Koudrine.  

Le Gouvernement aurait tout à gagner à faire des choix plus clairs idéologiquement, à ne pas avoir peur de les marquer et à les communiquer.

Вопрос: В какой мере Вас устраивает экономическая политика, которую проводят власти нашей страны?
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Cette interprétation est renforcée par les données concernant la politique sociale.

Вопрос: В какой мере Вас устраивает социальная политика, которую проводят власти нашей страны?
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L'index de satisfaction de la politique sociale est passé de 46% en 2014 à 23%. Et comme pour l'appréciation de la politique économique, le nombre de personnes mécontentes (36%) est plus élevé que celui des personnes satisfaites (30%). En période pré-électorale, ces données laissent la porte ouverte à des mouvements de rues et surtout à la possibilité de jouer sur ce mécontetement à des fins de manipulation populiste. C'est en quelque sorte le terreau sur lequel veut jouer Khodorkovsky en finançant des candidatures politiques.

Les insuffisances du système des partis politiques

Dans tout risque de coup d'état ou, même sans aller jusque là, de soulèvement populaire de masse, il y a certes, une manipulation et une organisation des mouvements, mais il faut un terreau intérieur favorable. On ne fait pas une révolution dans un pays calme et prospère. C'est pourquoi les périodes de crises économiques sont propices.

Or, en dehors de ces facteurs externes, le système politique russe est en lui-même affaibli, ce qui constitue à terme un danger pour la stabilité du régime.

Le risque le plus important est le vide de l'opposition politique. Sans parler de l'opposition de rue, de l'opposition non systémique qui veut changer le régime, cette opposition politique normale, intégrée et nécessaire à tout système politique est très faible et affaiblie automatiquement l'ensemble du système politique. 

Jirinovsky (LDPR) est devenu une caricature de lui-même, discréditant le message qu'il veut faire passer. Alors qu'il était un orateur de première classe, que l'on soit ou non d'accord sur le fond, il est devenu incapable, dans une discussion, de saisir la faiblesse dans l'argumentation de son adversaire et, bombant le torse, se réfugie dans une argutie violente et décalée censée masquer sa faiblesse. Discréditant par la même les propositions raisonnables qui percent encore parfois dans le discours. Spravedlivaya Rossiya n'a pas réussi à se positionner entre Edinaya Rossiya et le Parti communiste, puisque le PC a quitté la gauche pure et dure pour se recentrer et Edinaya Rossiya n'a toujours pas d'autres lignes politiques que de gouverner en fonction de la situation. C'est un parti de fonctionnaires, efficace dans la gestion, mais pas de politiciens. De ce fait, toute impulsion politique vient du sommet, de la présidence et non des partis. Ce qui laisse le système sans fusibles de sécurité en cas de mécontentement populaire.

Dans le cadre d'une crise économique profonde, habituellement, le vote se redirige vers l'opposition sociale. Ici aussi, le PC peut gagner des voix, mais il est doublement handicapé. Etant toujours dirigé par Ziouganov, il a des difficultés à dépasser une rhétorique peu adaptée, renforçant l'image d'un parti du passé, mêmes si certaines propositions sont particulièrement intéressantes. Par ailleurs, après la chute de l'Union soviétique et du Parti unique, le terme même de "parti communiste" handicape l'évolution politique du parti, même si la population regarde cette époque avec plus de recul et commence à faire la part des choses entre l'apport social et l'idéologie.

L'autre mouvement naturel est le recul du parti gouvernant, payant automatiquement pour la crise, du seul fait qu'elle existe, indépendamment de sa manière de la gérer. La gestion peut aggraver ou atténuer l'effet, mais celui-ci est inévitable. Or, il est difficile de trouver une alternative sérieuse à Edinaya Rossiya en dehors de ses rangs, justement parce que ce parti n'a pas d'idéologie propre et regroupe des personnes dont la vision du pays est très éloignée l'une de l'autre. On y voit une branche plus sociale et une branche libérale, flirtant avec le néolibéralisme. L'alternative risque alors d'être plus intérieure qu'extérieure. Ce qui est mauvais en terme d'image.

Ce découpage politique met en avant un problème majeur: les partis politiques ne représentent plus la division réelle des opinions politiques. La réintroduction du scrutin uninominal permettra de limiter les inconvénients de cette situation, mais l'appétit politique de Edinaya Rossiya risque de poser des problèmes de gouvernance. Et la démultiplication des plateformes de la société civile auprès des structures de pouvoir n'est en rien un facteur de renforcement du système d'Etat, au contraire. Faiblesse sur laquelle va s'appuyer le projet de Khodorkovsky.




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