La population "terrorisée" de Crimée fête le retour en Russie. Cherchons les kalachnikovs ...
A l'occasion du deuxième anniversaire du référendum en Crimée, lors du quel la population s'est massivement prononcée contre le putsh d'extrême droite à Kiev et a voulu revenir en Russie, l'administration américaine lance une menace - qui dépasse en fait ses compétences. Les sanctions ne seront levées contre la Russie que lorsque la Crimée sera ukrainienne. Mais l'administration américaine sera-t-elle toujours en place alors pour mener la même politique, éternellement? Car la Crimée, elle, est russe.
Revenons sur le mythe de la stabilité des frontières.
Le porte-parole du Département d'état américain, J. Kirby, déclare:
"Nous ne reconnaissons pas les changements de frontières par la force au XXIe siècle. Les sanctions, liées à la Crimée, resteront en vigueur tant que l'occupation continuera. Nous demandons encore une fois à la Russie de cesser l'occupation et de rendre la Crimée à l'Ukraine."
Il a raison de limiter ses récriminations au 21e siècle, car avant les frontières ont beaucoup bougé. Si l'on s'arrête au 20e siècle, il semblerait même que ça ait été la préoccupation principale des états.
En Afrique, par exemple, le 1er 1953, est créé la fédération de Rhodésie et du Nyasaland à partir des protectorats britanniques de Nyasaland, Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud; le 2 mars 1956 sont réunis le Maroc français et de la majeure partie du Maroc espagnol pour former la nation indépendante du Maroc; ou encore le 28 février 1994, Walvis Bay est formellement transférée de l'Afrique du Sud à la Namibie.
D'accord, c'est l'Afrique. Alors, l'Asie. Le 18 février 1832, le Japon déclare le Mandchoukouo indépendant de la République de Chine. Bon, c'est le 19e. Mais le 9 mai 1965, par exemple, Singapour se retire de la Malaisie; ou encore le 16 mai 1975, le Sikkim devient une partie de l'Inde.
Vous voulez l'Océanie? Les Amériques? Il y en a partout. Par exemple, en 1959, Terre-Neuve-et-Labrador rejoint le Canada. En 1965, indépendance des îles Cook, qui deviennent un État associé à la Nouvelle-Zélande.
Quant à l'Europe, restaurons la Yougoslavie, non, mieux, l'Empire Austro-hongrois, revenons sur l'indépendance du Kosovo, restaurons l'URSS (ce qui règlera la question de la Crimée d'un même coup de dés) ou allons à l'Empire russe et la Belgique devrait rendre les trois cantons allemands reçus en compensation des dommages de guerre en 1919.
Cela semble être dans la conception du porte-parole américain: le territoire compte, pas les hommes qui l'habitent. On le donne, on le rend, indépendamment de la volonté des habitants. Comme des terres vierges. Le Far West généralisé. Donc la volonté populaire ne compte pas. Donc le référendum ne compte pas.
Puisque le frontières ne bougent pas, au 21e siècle. Apprécions la précision. Mais du coup, il faut aussi revenir sur l'indépendance du Timor oriental qui doit rentrer en Indonésie (20 mai 2002). Aïe, et le Kosovo. Avec son indépendance de 2008 ...
Ou alors finalement on va respecter la volonté des peuples? Surtout que la Cour de Justice Internationale a bien précisé que ce n'était pas contraire au droit international:
"Les déclarations d’indépendance ont été nombreuses au XVIIIe siè- cle, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, suscitant souvent une vive opposition de la part des Etats à l’égard desquels elles étaient faites. Certaines d’entre elles ont conduit à la création de nouveaux Etats, d’autres non. Dans son ensemble, toutefois, la pratique des Etats ne semble pas indiquer que la déclaration de l’indépendance ait jamais été considérée comme une transgression du droit international. Au contraire, il ressort clairement de la pratique étatique au cours de cette période que le droit international n’interdisait nullement les déclarations d’indépendance. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le droit international, en matière d’autodétermination, a évolué pour donner naissance à un droit à l’indépendance au bénéfice des peuples des territoires non autonomes et de ceux qui étaient soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères (...). Un très grand nombre de nouveaux Etats sont nés par suite de l’exercice de ce droit. Il est toutefois également arrivé que des déclarations d’indépendance soient faites en dehors de ce contexte. La pratique des Etats dans ces derniers cas ne révèle pas l’apparition, en droit international, d’une nouvelle règle interdisant que de telles déclarations soient faites."
Cette explication de texte a été faite pour légitimer l'indépendance du Kosovo. La fin justifie les moyens. Mais il y a précédent. Il ne reste qu'une chose: l'invocation de la violence, comme un prière récurrente.
Car comment refuser aux habitants de Crimée leur droit à ne pas vivre dans la peur et dans les caves de la nouvelle république européenne d'Ukraine, sinon en répétant, contre les faits et les témoignages, qu'ils ont voté un fusil sur la tempe? Sinon en interdisant - ou déconseillant - les voyages en Crimée, justement pour ne pas voir la réalité? Tenter de recréer une réalité compatible avec sa vision du Monde. Mais on reste quand même dans le virtuel. Et des êtres humains n'ont pas à être prisonniers de la projection de fantasmes géopolitiques.
Une chose est certaine: les sanctions américaines contre la Russie dureront moins longtemps que la Crimée russe. N'en déplaise à J. Kirby, les intérêts stratégiques d'un pays évoluent plus vite que les aspirations vitales d'un peuple.
Il serait de toute façon loufoque et illusoire de remettre entre les mains des Ukrainiens moribonds une population qui s'est prononcée à 95 % pour le retour dans la Russie.
RépondreSupprimerLes propos de Kerry ne servent qu'à entretenir une politique artificielle de la tension.
C'est exactement cela!!!
SupprimerFaute de frappe à l'avant dernière ligne: KERRY et non KIRBY ayez l'obligeance de rectifier si possible merci.
RépondreSupprimerIl s'agit bien de J. Kirby, le porte-parole du Département d'état américain, en lien avec ses déclarations citées plus haut dans l'article.
SupprimerMerci.