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vendredi 20 mai 2016

Pourquoi Koudrine ne veut pas de la croissance économique en Russie

Алексей Кудрин не гонится за высокими темпами роста экономики

Quelle surprise! Alors que l'ancien ministre de l'économie russe et actuel conseiller du Président, A. Beloussov, annonce une possible reprise de l'économie dès 2018 à hauteur de 4%, Koudrine, à la tête du groupe de travail du Conseil économique auprès du Président s'y oppose immédiatement. La Russie n'a pas besoin d'une croisance économique de 4%, ce pourrait même être dangereux, elle doit abandonner la voie du soutien de l'économie nationale pour s'enliser dans celle des réformes institutionnelles éternelles. Le secteur réel de l'économie russe commence à montrer les dents. Ou quand le choix idéologique joue contre l'économie.


Dans la plus pure tradition atlantiste, le gourou néolobéral fait tomber le masque et joue cartes sur table: la Russie n'a pas besoin de croissance économique, elle a besoin de réformes institutionnelles. C'est ce que que Vedomosti reporte, en citant les paroles d'une personne présente lors de la réunion du présidium du Conseil économique à propos de l'intervention de Koudrine.

Et l'on voit l'opposition entre les économistes libéraux qui veulent relancer l'économie russe, estiment qu'elle en a les ressources et les moyens. Ainsi, l'ancien ministre de l'économie Beloussov et l'ombudsman des entrepreneurs Titov avec le Club Stolypine (du nom du grand réformateur et Premier ministe de Nicolas II) estiment qu'une augmentation de 4% du PIB est totalement réaliste dès 2018, ce qui apporterait les 300 000 milliards de roubles nécessaire pour la modernisation. 

Pour sa part, A. Koudrine (et la présidente de la Banque centrale E. Nabioulina également) semble affolé par cette perspective qui rendrait obsolète sa position atlantiste et néolibérale. Il ne peut avoir de poids aujourd'hui que si la Russie est en crise et recommande donc logiqment - pour lui - de limiter la progression du PIB à 1%, ce qui, à son avis, est largement suffisant pour la Russie. Il ne sert à rien de s'occuper du rétablissement de l'économie russe, ce pourrait même être dangereux (sic !), mais il faut baisser le déficit à 1% (donc ne plus soutenir ni l'économie ni les programmes sociaux) et mettre toutes ses forces dans les réformes institutionnelles, à savoir la justice et les forces de l'ordre. 

Il faut dire que ça a déjà commencé avec le ministère de l'intérieur, comme nous en avons parlé. On notera que certains économistes dont la réputation n'est plus à faire, comme J. Sapir en France ou Glaziev en Russie, contestent justement la politique menée par la Banque centrale russe, qui selon eux freine le développement économique du pays. Maintenant, Koudrine avoue que ces économistes avaient raison: le but n'est pas le développement économique du pays.

Ce qui est intéressant est tous les membres de ce groupe de travail ... n'ont aucune compétence juridique. Ce sont des économistes. A l'exception relative de l'atlantiste V. Volkov, à la tête de l'Institut de St Pétersbourg pour les problèmes de l'application du droit, mais pour autant sociologue. Et voyant les problèmes des règlementations en Russie, il serait peut être bon de laisser la parole aux juristes. S'il s'agit d'un Conseil économique, ses membres pourraient commencer par s'occuper d'augmenter l'efficacité de la production russe, qui redémarre bien, au lieu de jouer sur un terrain pour lequel ils sont totalement incompétents. 

Pour donner un exemple de l'absurdité de leurs propositions, il suffit de voir la proposition de la généralisation du jury populaire, jusqu'au niveau de l'équivalent en France du tribunal d'instance. Proposition irréelle techniquement car elle concerne également des régions russes très dépeuplées, dans lesquelles les tibunaux d'instance sont parfois composés de 3 ou 4 magistrats. Absurde, car où pourront-ils trouver autant de jurés prêts à ne pas travailler pendant tout le temps des procès, à faire des centaines de km pour venir tous les jours siéger au tribunal etc. Extrêmement honéreuse, car elle implique le financement de toute une nouvelle structure, ce qui est évidemment urgent en période de crise économique et financière. Infondée juridiquement, car il n'est pas dans la tradition européenne de généraliser le recours au jury, sans oublier que dans le système américain, 97% des affaires sont réglées par la procédure du plaider coupable, ce qui restreint largement le recours au tribunal sur le fond et donc au jury populaire. Bref, méconnaissance, incompétence et arrogance. 

Mais ce doit être beaucoup plus intéressant que de s'occuper des réels problèmes économiques du pays.

Pour continuer dans ce mouvement particulièrement idéologique, sans réels fondements ni juridique, ni économique, ni social, et même particulièrement dangereux dans ces domaines, le secteur réel russe est encore tombé sous le coup d'un danger, venu de la mondialistion des problèmes, ou plutôt de leur utilisation circonstantielle et circonstanciée.

Certes, il existe un problème de pollution, le contester n'a aucun sens. La question étant plutôt comment le résoudre et à quel prix. Autement dit, toujours la recherche de l'équilibre. Or, la signature par la Russie des accords de Paris fait bondir le secteur réel, qui commence juste à relever la tête. Ici deux problèmes se posent: le décompte de la compensation naturelle de l'émission des gaz à effets de serre et le taux de la taxe carbonne.


Le décompte effectué a choqué. Car en comparaison avec les Etats Unis qui n'ont que 308,4 millions ha en surface de forêt et obtiennent un équivalent de compensation de rejet de CO2 à hauteur de 1001 millions de t., la Russie avec presque trois fois plus de forêts - 851 millions ha - obtient un équivavent deux fois plus petit, soit 584 millions de t. Comme le souligne le vice-président du groupe responsable des accords de Paris en Russie, il devient urgent pour la préservation de l'intérêt national de mettre en place ses propres critères, qui tiennent compte de la superficie réelle des forêts, des marais et du potentiel naturel qui permet d'absorber le CO2 en Russie.

Pour sa part, les industriels montent au créneau sur la taxe carbonne qui va les toucher en premieère ligne à hauteur de 100 milliards $. Ils estiments que cette taxe va entraîner une basse du PIB de 9%. En un sens, le groupe de Koudrine n'aura plus à s'inquiéter pour la croissance de l'économie russe, ils pourront allègrement finir ce qui a été commencé dans les années 90. Mais alors, ils manquaient encore de professionnalisme.

Reste une question, à laquelle je ne vois pas de réponse. Je veux dire de réponse raisonnable, rationnelle, logique.

Pourquoi faut-il remettre la Russie sur les rails des pays en transition, donc la faire régresser, alors qu'elle en est sortie?

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