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mardi 14 novembre 2017

RT-agent étranger: la Douma prépare une réponse symétrique



La Douma prépare une loi en réponse à la classification de RT dans la catégorie des agents étrangers aux Etats Unis. Pour autant, la situation est complexe: répondre sans tomber dans l'impasse de la fermeture tout en évitant les influences néfastes de l'ouverture à tous vents. C'est un pari irréaliste qui doit être tenu. Il nécessite une remise en situation.


La chaîne RT qui avait été sommée de s'enregistrer aux Etats Unis dans la catégorie des agents étrangers selon la loi FARA, qui ne s'applique pas à la presse, l'a fait. Pour cela une opération assez longue, même si primitive, a été lancée contre les médias russes Sputnik et RT. Après cet étrange rapport des services spéciaux dont le niveau d'amateurisme de structures pourtant très professionnelles cache mal le but idéologique, la radio Sputnik est entrée en ligne de mire (voir notre article ici), puis RT a été sommé de s'enregistrer en tant qu'agent étranger (voir ici) et Twitter est entré dans la danse rompant les contrats de publicité (voir ici).

Le couperet est tombé, RT America s'est enregistré comme agent étranger et le ministère de la justice américain a bien enregistré l'acte:
“Americans have a right to know who is acting in the United States to influence the U.S. government or public on behalf of foreign principals,” said acting Assistant Attorney General Dana Boente.
La boucle est bouclée, la "machine de propagande" du Kremlin  est maîtrisée, le bon peuple peut dormir sur ses deux oreilles et surtout ne se poser aucune question, les agences sont là pour s'en occuper à leur place, bien plus professionnellement. 

Dans la liste des quelques 400 agents étrangers américains, RT se trouve en compagnie de la chaîne d'information chinoise China Daily. L'attention portée par le Gouvernement américain sur les médias étrangers est manifestement très ciblée, car en dehors de la Chine et de la Russie maintenant, la chaîne française France 24, britannique BBC ou allemande Deutsche Welle ne sont pas le moins du monde inquiétées. 

Pourquoi? Sur un plan juridique la question des critères se pose. Ce sont des médias? Oui. Ils sont financés par des Etats étrangers? Oui. Ils traitent de questions politiques? Oui. Alors où est la différence? Juridiquement, il n'y en a pas. Tout média est un agent d'influence par nature, il influence la société et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les Etats les financent. Mais ceux-ci, à la différence de RT, sont financés par des Etats satellites des Etats Unis et ont le bon goût de diffuser de "bonnes" informations. Ce qui permet de les qualifier de journalistes et non de propagandistes. Finalement, c'est très simple.

Le conflit est beaucoup plus généralisé. Comme l'affirme Theresa May: La Russie est à la source d'une politique d'Etat de désinformation et de destabilisation de l'ordre international, les Etats occidentaux sont soudés contre elle et vont se défendre du danger qu'elle représente. Amen.
I have a very simple message for Russia. We know what you are doing. And you will not succeed. Because you underestimate the resilience of our democracies, the enduring attraction of free and open societies, and the commitment of western nations to the alliances that bind us. The UK will do what is necessary to protect ourselves, and work with our allies to do likewise. (...)
Since Russia’s annexation of Crimea from Ukraine, May said Russia had “fomented conflict in the Donbass [eastern Ukraine], repeatedly violated the national airspace of several European countries, and mounted a sustained campaign of cyber-espionage and disruption”.
“This has included meddling in elections, and hacking the Danish ministry of defence and the Bundestag [German parliament], among many others,” she told the audience of City of London business figures. 
“It is seeking to weaponise information. Deploying its state-run media organisations to plant fake stories and photo-shopped images in an attempt to sow discord in the west and undermine our institutions.”  
Ce qui a été très largement diffusé dans la presse anglo-saxonne, et qui tombe quand même merveilleusement bien pour légitimer l'attaque portée aux journalistes de RT:

Une fois que l'on a compris que ça n'a finalement rien à voir avec le droit, tout reprend sa place. Et cette place est liée au contexte international et à l'attaque de toute part lancée contre la Russie, le danger Numéro Un de ce monde globalisé. L'autre point sensible, ce sont les JO et la pression mise en oeuvre pour que la Russie n'y participe pas. Ce qui serait très grave pour les JO eux-mêmes, la Russie étant le pays phare des sports d'hiver. Peu importe, semble-t-il, la machine est lancée à toute vitesse, elle peut détruire même ce qui faisait avant ses heures de gloire. Les JO par exemple. Le danger est remarqué ... principalement par les médias russes. Les faire taire, c'est maîtriser le discours et donc l'opinion.



Cela illustre la difficulté à laquelle se trouve confrontée la Russie et plus concrètement la Douma, qui prépare une modification législative, présentée comme une réaction symétrique et rapide, selon le président de la Douma V. Volodine. Cette réforme de circonstance est nécessaire, puisque la loi sur les agents étrangers ne concerne pas les médias en Russie, mais uniquement les ONG. 

Pour autant "symétrique", en quel sens et jusqu'à quel point? Faut-il prendre le risque de détruire ses propres valeurs pour les défendre? Seuls les révolutionnaires sont capables d'une telle position, "pire c'est, mieux c'est". Un Etat ne peut pas se le permettre, c'est ce qui rend sa position plus délicate.

Idéologiquement, ou même plus simplement, politiquement, en faisant taire les voix discordantes? C'est directement exclu par le vice-président de la Douma P. Tolstoï, journaliste lui-même avant d'être devenu dernièrement député. Selon lui, il ne s'agit ni de revenir sur les accréditations des journalistes étrangers travaillant en Russie, comme ceux de CNN par exemple, ni de prévoir l'application de ces mesures à des personnes physiques, comme c'est le cas aux Etats Unis, ni de toucher aux réseaux sociaux. Seules les personnes morales seront concernées et leur activité ne sera pas interdite, elles tomberont simplement sous le coup de la loi sur les ONG-agents étrangers. Les juristes sont en train de travailler les critères, qui doivent existés, mais permettre une certaine marge de manoeuvre afin de ne pas s'appliquer immédiatement à tous les médias étrangers. Ceux qui tomberont sous le coup de cette qualification devront rendre compte de leur activité et de leur financement, ainsi que rendre public leur nouveau statut. L'on sent bien une certaine hésitation: la réaction doit être forte pour être significative, mais sans entrer en guerre contre les médias américains, très puissants, ni porter une atteinte disproportionnée à la liberté.

En principe, cela pourrait concerner la Radio Liberty, financée par les Etats Unis tout comme CNN, ou encore l'allemand Deutsche Welle, selon Reuters. Pour l'instant, pure supposition. Même adoptée, la loi devra encore être appliquée, ce qui sera une décision politique à part, très lourde.

La Russie va en attendant adapter sa législation et se doter d'un instrument de réaction politique qui pourrait être adopté le 15 novembre. Tout comme T. May en appelle aux intérêts nationaux contre la Russie, le député Jelezniak rappelle que la Russie aussi a des intérêts vitaux et qu'elle est apte à les défendre. Pourtant, se pose une question plus globale, l'autre face de la proportionnalité de l'atteinte à la liberté: l'atteinte portée à la Russie est très bien organisée et coordonnée, elle sort de différentes sources en même temps et touche différents domaines tout à la fois. Une position strictement défensive comme l'est la position russe ces dernières années, portée par des réactions situatives, permettra-t-elle de faire face à ce qui démontre l'existence une fracture beaucoup plus profonde, qui ne s'arrête pas à RT, au dopage et ne cessera pas avec les élections présidentielles russes?

1 commentaire:

  1. Les américains sont nettement moins regardants et autrement rapides pour frapper ceux qui les gênent. Les russes n'ont toujours pas compris qu'il faut montrer les muscles pour ne pas avoir à s'en servir. Ils sont là à tourner autour du pot pour savoir s'ils sanctionnent mais pas trop, s'ils appliquent les lois ou non, s'ils rendent les coups mais en faisant attention de ne pas faire mal, etc, etc.
    Dans la vie il faut savoir ce que l'on veut : rendre les coups ou tendre l'autre joue. On respecte les forts on piétinent les faibles c'est aux russes de choisir leur camp.

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