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lundi 4 décembre 2017

Une nouvelle constitution pour la Syrie? pourquoi rien ne presse



La question constitutionnelle en Syrie revêt une importance particulière, d'où cette "concurrence" entre d'une part le processus de Genève, dont les résultats se font attendre, et le nouveau processus du Congrès du dialogue national syrien proposé par la Russie. Une nouvelle constitution, ou la modification de la constitution existante, est un moyen d'entériner un nouvel "ordre" politique en Syrie et d'y légitimer les forces en jeu. Mais une constitution, pour être et nationale et efficace, doit être le résultat d'un processus politique et non son point de départ.


Depuis longtemps, dans le cadre du processus de Genève, l'on entend parler d'un nouveau projet de constitution pour la Syrie, avec Assad, sans Assad, fait par l'opposition ou avec son accord. Les discussions, pour le moins prématurées sur le sujet, ont commencé alors que les armes étaient encore brûlantes, que Daesh tenait une grande partie du pays. A ce moment-là, si une Constitution avait pu voir le jour, elle aurait été particulièrement dangereuse pour le pays. En l'absence d'un quelconque consensus politique intérieur, la constitution n'est qu'un instrument de pression politique de la communauté internationale en faveur d'une partie des forces en jeu. Ici, elle aurait même pu entraîner la reconnaissance de facto de Daesh. Peut-être, d'ailleurs, n'était-ce pas si innocent que cela ...

Mais ce processus a échoué et même aujourd'hui, dans le cadre des négociations de Genève, aucun accord n'a été obtenu, en date de la dernière réunion du 2 décembre.

Pour sa part, la Russie a annoncé qu'aucune date butoir n'était prévue ni pour la réunion de ce Congrès du dialogue syrien, ni quant à l'élaboration d'une nouvelle constitution. Comment élaborer une constitution sans reconnaissance des forces politiques du pays, sans même accord de la population?

Tout acte constituant, traditionnellement, pour être stable et légitime, doit être précédé de ce que la doctrine constitutionnelle appelle un acte préconstituant, qui justifie l'engagement du processus. Il peut s'agir, notamment, d'un référendum par lequel le peuple demande qu'une nouvelle constitution soit élaborée car le texte en vigueur ne tient plus compte de la nouvelle réalité politique installée.

Or, que se passe-t-il ces dernières années?

Les actes préconstituants, ceux qui vont fonder le nouveau processus constituant, n'émanent en général pas du pays lui-même, mais de la communauté internationale. Par exemple, sans même parler des constitutions des années 90, les accords de Minsk exigent une modification de la Constitution ukrainienne. Cela a-t-il pu régler la moindre question politique intérieure? Cela a-t-il conduit à une quelconque réflexion constructive sur la question? Non. Un acte préconstituant, c'est-à-dire un acte juridique traduisant la volonté d'un changement constitutionnel ne peut émaner que des forces politiques nationales, être l'expression de la volonté populaire pour être efficace. Sinon, il ne s'agit que d'un instrument politique, voire géopolitique, dont la précision laisse souvent à désirer.

Depuis la chute de l'Union soviétique, les processus constitutionnels sont surveillés par la communauté internationale, quand les textes ne sont pas fournis clés en main. Prêt pour la consommation. Et parfois difficilement dégirés par le peuple, les traditions politiques nationales, les forces politiques en jeu. De ce fait, les "nouvelles" constitutions ont plus été des instruments de modification des Etats et des sociétés qu'il a fallu "démocratiser", que le résultat d'un processus politique intérieur. En étant le point de départ et non l'aboutissement, la constitution n'est plus un acte reforçant l'Etat, mais l'affaiblissant en renforçant le contrôle extérieur: comment les dispositions seront appliquées, comment les lois adoptées seront conformes aux nouvelles règles, etc. 

Par ailleurs, très souvent, ces constitutions "importées" apparaissent dans des périodes de troubles politiques, lorsque les turbulences internes ne sont pas encore apaisées et les nouvelles forces politiques installées fermement. Le nouveau texte, cautionné par la communauté internationale, a alors valeur de soutien apporté à un nouveau pouvoir. Il permet d'influencer le processus politique intérieur en donnant artificiellement, indépendamment de sa représentation populaire réelle, la prééminence à un mouvement politique.

Peut-être la Syrie aura-t-elle la chance d'échapper à cela. Car la voie de construction nationale, la voie étatique, la voie de la stabilité est tout autre.

1 commentaire:

  1. A mon simple avis, pour faire ou refaire une constitution, il faut un calme total, la récupération de tout le territoire syrien, la reconstruction des villes ravagées et le retour de tous les réfugiés syriens.Il ont aussi droit à la parole.
    Merci pour cet article très intéressant, très clair.

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