Pavel Groudinine semble s'inscrire dans la lignée de ces hommes politiques qui, comme nous l'avons vu en France, ont développé une "allergie fiscale". Cette allergie très sélective est manifestement contagieuse et s'est emparée du Parti communiste russe. Avec Groudinine, le PC tentait une opération de transformation vers une version post-moderne du socialisme teintée de nationalisme primitif, le tout tourné vers le business, une vision censée être "plus réaliste" et moins "idéologisée". Bref, un Parti communiste décommunisé. Le porte-drapeau de la transformation a été particulièrement mal choisi. Après les biens immobiliers familiaux découverts à l'étranger, le scandale de ses comptes en Suisse ne cesse de grandir. La Commission électorale a décidé de rendre l'information publique, mettant à mort politique l'homme d'affaires, évitant de créer une victime "du régime".
Dès le départ, la candidature de Groudinine a semblé suspecte. Voir nos deux textes ici, l'un sur l'apparition surprise de sa candidature et l'autre sur le faux patriotisme.
Les déboires de Groudinine ont rapidement commencé, en raison des oublis divers et variés concernant son patrimoine lorsqu'il s'est déclaré candidat. Et à chaque fois, c'est le même cinéma: l'information sort, Groudinine crie à la machination, des preuves sont apportées, il nie mais botte en touche.
Ainsi, une maison avec piscine et dépendances en Espagne pour une valeur de 800 000 euros au nom d'un de ses fils a vu le jour le 2 février. Groudinine et le PC déclarent immédiatement que ni lui ni sa famille n'ont de propriété en Espagne. Des preuves sont publiées, mais l'on crie à la machination:
Les journalistes de Life ont même retrouvé l'agence immobilière qui leur a vendu un bien, invendable depuis des années.
Ensuite, l'on apprend qu'un autre fils de Groudinine, avec sa femme, ont des biens en Lettonie, immobiliers et fonciers, et que celui-ci possède un titre de résidence permanente dans ce pays. Ce que Groudinine aurait dû déclarer lors de son dépôt de candidature, mais il est vrai que ça ne cadre pas avec le nationalisme primaire qu'il veut prôner. Documents publiés dans la presse, Groudinine pour sa part dit ne pouvoir être responsable de ses fils. Il oublie simplement qu'il ne l'a pas déclaré et de ça il est responsable.
A tout cela s'ajoute l'éternelle question de ses comptes en banque à l'étranger. Une fois il dément en avoir, ensuite il affirme qu'ils sont fermés (donc il y en a bien eu?), il assure avoir fourni tous les documents à la Commission électorale, après il déclare qu'il a le temps pour les fournir donc rien ne presse. Il ment comme il respire, change de discours en fonction de chaque situation.
Il y avait 13 comptes, 6 restent ouverts, alors qu'au 8 janvier, Groudinine a déclaré officiellement que tout est fermé. Or, il se trouve que dans la banque suisse UBS, Groudinine détient un compte de dépôt en métaux précieux, avec 5,5 kg d'or pour plus de 227 000 dollars:
Groudinine continue à crier à la manipulation:
Je cite "Cela dépasse maintenant toutes les limites. Quel or, quels comptes? Demain je vais à la Commission électorale pour faire le point. Il est inadmissible de se comporter aussi ouvertement sans respect à l'égard d'un candidat".
Autrement dit, face à l'accumulation de preuves accablantes, Pavel Groudinine a choisi la défense de la jeune vierge effarouchée. Sans apporter les documents bancaires confirmant sa déclaration officielle de fermeture de tous ses comptes à l'étranger. Et pour cause, le fisc suisse vient de déclarer que 6 comptes sont encore ouverts.
Pour faciliter les choses, il a décidé de ne pas participer personnellement aux débats télévisés (qu'il a déjà quitté deux fois de suite pour éviter les questions embarrassantes), mais de se faire représenter. Une élection présidentielle est une élection extrêmement personnalisée et c'est une figure inconnue en politique. Le choix de la fuite n'est pas une stratégie gagnante ici, mais il est vrai qu'il n'a pas le choix. A part celui de retirer sa candidature, ce qu'il ne fera pas.
Si tout est clair en ce qui concerne Groudinine, la Commission électorale, elle, se trouve dans une situation plus que délicate. Il y a la possibilité de lancer la procédure d'annulation de l'enregistrement de la candidature de Groudinine, en raison des différentes violations, mais dans ce cas, elle va en faire "une victime du système". Un escroc de plus qui va pouvoir être valorisé en Occident comme l'opposant qui a fait peur au Kremlin et qui donc a été écarté. La voie choisie par la Commission électorale est beaucoup plus fine.
E. Pamfilova, la présidente de la Commission, a déclaré qu'ils ne retiraient pas la candidature de Groudinine car ils étaient en possession de sa déclaration selon laquelle ses comptes étaient fermés. Si les banques suisses et le service fiscal avaient fourni des informations erronées, à Groudinine d'agir en justice contre eux. En ce qui concerne la Commission, le document officiel valable est la déclaration de Groudinine. En revanche, étant en possession des éléments fournis par la Suisse démontrant l'existence de comptes (pour une somme totale d'environ 1 million de dollars), elle est obligée de rendre publique cette information qui figurera dans les documents officiels des opérations de vote.
E. Pamfilova vient de détruire politiquement Pavel Groudinine. Impossible d'en faire un dissident, il ne reste que l'escroc. Ce ne sera pas la nouvelle égérie de l'Occident.
Sous réserve de vérification, il me semble qu'il a demandé l'autorisation de l’Ukraine pour visiter la Crimée ....
RépondreSupprimerBonne chose; en gros, les occidentaux trouvent des larbins, idiots (pas pour leur poche) utiles mais corrompus donc vulnérables, soit il s'agit d'incorruptibles mais patriotes donc inabordables, inutilisables ou risquant fort de dénoncer l'ingérence. En France Cahuzac, candidat de la France irréprochable, a été prié de ne pas se représenter aux élections: la Justice immanente joue son rôle à défaut de la politique ou de la Justice d'Etat.
RépondreSupprimerSuite ... amusons-nous avec un peu de sémantique et de psychanalyse; non spécialiste, j'improvise: irréprochable ne signifie pas "non corrompu", ça signifie seulement "irréprochable"; on peut donc être corrompu jusqu'à la moëlle du moment que ce soit parfaitement invisible donc "être irréprochable"; un politicard (genre Hollande) qui utilise ce mot peut, même inconsciemment, penser de cette manière, tellement il est tordu jusq'à la moëlle sans même s'en rendre compte (effet d'études trop poussées, le Cœur, la grandeur d'âme devenus inexistants). Par ailleurs des dictateurs comme Hitler ou Staline, ou Mao etc. semblent n'avoir pas été corrompus dans le sens matérialiste, d'où leur relative longévité politique? confiance de leurs proches politiques qui trouvent là un oiseau rare? (avec en plus des études courtes).
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerVotre texte est fort instructif, mais me pose une question : qui précisément "veut la peau" de P. Groudinine ? Mme Pamfilova semble en première ligne, ce qui est logique vu sa position dans la Commission électorale, alors qu'elle-même semble être plutôt du côté des ultra-libéraux. Or je pensais que les libéraux (ultras ou non) étaient favorables au dépeçage de la Russie, au même titre que les nationalistes (je ne confonds bien sûr pas avec les patriotes) dont P. Groudinine s'était rapproché. Se tirent-ils dans les pattes les uns des autres alors que P. Groudinine pourrait être leur "allié objectif" ?
Je ne saurais dire moi-même s'il s'agit de ma méconnaissance du sujet, d'un relent d'idéologie déçue ou d'une déduction peut-être trop logique pour des politiciens, mais il me restait le petit espoir que quelqu'un, voire quelques-uns au PC aurait pu avoir voulu éviter l'introduction dans le parti du "management", de l'esprit nationaliste et de la corruption tant de la politique que des personnes. Qu'en pensez-vous ?
Non2.