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mardi 10 avril 2018

Surkov: le destin de la Russie, la solitude n'est pas l'isolement



La radicalisation du comportement de l'Occident face à la Russie, l'attitude de rejet constant et répété, le complexe de supériorité, semblent avoir épuisé l'incroyable patience du pays. Prenant conscience d'un état de choses qui ne va pas s'améliorer, tirant les leçons du passé, la Russie est en train de construire sa propre voie pour l'avenir. Le tournant de 2014 a décomplexé la Russie, l'hystérie que nous vivons aujourd'hui lui a définitivement ôté toute illusion quant à ses "partenaires". Ni Occidentale, ni Orientale, un peu des deux, il est temps qu'elle devienne elle-même. Vladislav Surkov, conseiller du Président Poutine, notamment en charge de l'Ukraine, esprit brillant et surprenant, a publié sa vision de l'avenir du pays dans la revue La Russie dans la politique globale. En voici une présentation: la solitude qui va toucher la Russie pour une très longue période n'est pas de l'isolement. C'est le résultat d'un choix supérieur et conscient, celui de l'indépendance.


La vitesse prévaut sur la profondeur et les analyses restent souvent à la surface des choses, les prévisions sont de piètre qualité, ce qui ne semble pas inquiéter les lecteurs habitués. Pourtant, au-delà des sursauts événementiels, il existe des lames de fond d'une importance géopolitique et historique. Le poids contre la légèreté. La masse contre le superficiel.

Les évènements de 2014 sont de ceux-là. Tout a déjà écrit à ce sujet. Sauf leur importance stratégique. Cette carrure que prennent les évènements avec le temps.
"Cet événement marque l'aboutissement du voyage épique de la Russie en Occident, la fin des nombreuses tentatives douloureuses de devenir une partie de la civilisation occidentale, de s'apparenter "aux bonnes familles" des peuples européens."
2014 a ouvert la voie à une nouvelle époque de solitude géopolitique, "14+", dans laquelle la Russie va se trouver pour une longue période (un siècle, deux siècles, plus?). 
"L'occidentalisation, commencée avec légèreté d'esprit par le Faux Dimitri et résolument continuée par Pierre le Grand, en 400 ans a été tentée sous tous les angles. Qu'est-ce que la Russie n'a pas fait pour devenir la Hollande, la France, l'Amérique ou le Portugal. De quel côté seulement n'a-t-elle pas tenté de faire sa place en Occident. Notre élite a pris avec un grand enthousiasme, peut-être en partie inutile, toute idée, toute secousse, qui venait de là-bas."
Les familles royales se mélangeaient, l'armée russe a pris part dans toutes les grandes guerres européennes et l'a payé très cher en hommes et en sang, ce qui a rapporté des territoires au pays, mais pas des amis.

La Russie a systématiquement repris les valeurs et idéologies européennes, que ce soit les valeurs chrétiennes sous l'Ancien Régime, ou le marxisme lorsqu'il devint à la mode:
"Ils avaient tellement peur d'être en retard par rapport à l'Occident"
Peur que la grande révolution passe à côté d'eux. Lorsqu'ils ont mis en place l'URSS, ils se sont alors rendu compte que la grande révolution mondiale n'a pas eu lieu, le monde occidental n'est pas devenu un monde de paysans et de travailleurs, mais un monde capitaliste.

Fatigué de son unicité, à la fin du siècle précédent, le pays s'est à nouveau adressé à l'Occident:
"Il a alors semblé à certain que la taille avait un sens, il fallait diminuer d'importance:  nous n'entrerons pas en Europe, car nous sommes trop gros, d'une largeur qui fait peur. Donc, il faut réduire le territoire, la population, l'économie, l'armée, les ambitions jusqu'au niveau d'un pays européen moyen, et alors c'est certain, ils nous prendront pour l'un des leurs."
Mais même comme ça, réduite, la Russie n'entre pas dans le cadre européen. Finalement, il a été décidé de mettre un terme aux prières et au dénigrement, de faire valoir ses droits. 2014 était inévitable.

Pour autant, prendre un virage vers l'Orient, ne servira à rien, la Russie a déjà vécu cette période de son histoire. Elle s'est construite, à l'origine, dans son combat contre les Hordes.
"Ainsi, 400 ans la Russie est allée vers l'Orient. 400 ans vers l'Occident. Et ni d'un côté ni de l'autre n'a pu prendre ses racines. Ces deux voies ont été épuisées. Maintenant, va être réclamée l'idéologie de la troisième voie, le troisième type de civilisation, la troisième Rome... Et néanmoins il est peu probable que nous soyons une troisième civilisation. Plutôt double, duale. Qui comprend et l'Orient et l'Occident. Et européenne et asiatique en même temps et de là ni asiatique, ni européenne totalement."
Notre culture fait alors plutôt penser à celle d'un mariage mixte. Métis. Etranger parmi les siens. Comprenant tous, incompris par eux.

Quelle sera la solitude qui nous attend? Une longue traversée du désert ou la solitude heureuse du Chef qui ouvre la voie? Cela dépendra de nous.
"La solitude ne signifie pas l'isolement total. L'ouverture sans limites est également impossible. Et l'une et l'autre serait la répétition des erreurs passées."
La Russie va faire du commerce, échanger des idées, provoquer l'intérêt, la jalousie, la sympathie, la curiosité, la haine, la fierté. "Simplement sans leurre et sans abnégation."

Ce sera intéressant.
 
 

9 commentaires:

  1. La Russie c'est l'ours, dans une personne ce serait un ego qui ne se laisse pas dompter; il y a le Cœur captif aussi, celui de la Russie est libre (emblême de Saint Georges qui a vaincu le démon ou dragon); l'occident a toujours son dragon, ailé et qui crache le feu de la souffrance; je ne parle pas de l'hydre anglo-saxon à l'haleine puante et mortelle; attention danger! Jésus - Homme nouveau - a sacrifié l'agneau au Cœur; l'état du monde extérieur est notre projection (évidemment), sain ou débile.
    Bonne nouvelle, Héraclès (Adam) a vaincu l'hydre, mais avec l'aide de "Io-laos", le peuple des Adam... !

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  2. J'ai du mal à comprendre tous ces complexes. Comment peut-on se sentir inférieur quand on a produit la littérature la plus flamboyante qui soit? Que la Russie suive sa route et ne s'occupe plus de l'Europe qui ne lui a apporté que guerres et ingratitudes.

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    1. La littérature... et tout le reste!!! Une civilisation d'une richesse inouïe. Mais la supériorité suscite aussi la haine.

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  3. Effectivement, il a raison. Et merci à vous d'avoir rendu ce texte accessible aux francophones. La Russie n'a rien à attendre, espérer, convoiter de cette Europe. Simonian l'a très bien exprimé par ailleurs, voici son texte: """« Toute votre injustice et votre cruauté, votre hypocrisie inquisitoriale et vos mensonges nous ont contraints de cesser de vous respecter. Vous et vos prétendues « valeurs ». Nous ne voulons pas vivre comme vous. Pendant cinquante ans, secrètement et ouvertement, nous avons voulu vivre comme vous, mais plus maintenant. Nous n’avons plus de respect pour vous, et pour ceux d’entre nous que vous soutenez, et pour tous les gens qui vous soutiennent (…). Pour cela, vous ne devez vous en prendre qu’à vous-même. (…) Notre peuple est capable de pardonner beaucoup. Mais nous ne pardonnons pas l’arrogance et aucune nation normale ne le ferait. Le seul Empire qui vous reste serait sage d’apprendre l’histoire de ses alliés, tous sont d’anciens empires. Apprendre comment ils ont perdu leurs empires. Uniquement à cause de leur arrogance. Le fardeau de l’homme blanc, mon cul ! ». (cette dernière phrase était écrite en anglais dans le texte original)."""

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    1. Merci pour cette citation éclairante de Margarita Simonian - https://thesaker.is/why-we-dont-respect-the-west-anymore-must-read/ -. Elle me conforte dans ma pensée que l'Europe, la France, seraient les grands perdants le lasser un allié aussi désireux d'amitié, fiable, puissants, à la culture flamboyante, si proche de nous et qui nous ont sauvés plusieurs fois. j'emploie le conditionnel parce-que je pense comme cela a été si bien exprimé, qu'avant qu'une cassure irrémédiable se produise « La Russie s’imposera à l’Allemagne, comme elle s’imposera à la France. Il faut reconnaître que sans l’aide de Poutine, l’Allemagne serait musulmane dans 20 ans. Nous avons là, encore une fois, l’aide de la Russie. La Russie vient imposer les clefs de la Paix. Elle est Maître du jeu. Oui, par la Russie l’Europe est Sauvée». Je regrette aussi comme Laurence Guillon que la Russie prend trop souvent le pire de l'occident mal digéré alors qu'ils sont si lumineux en architecture et art. Mais le mode entier change et cela ne durera pas.

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  4. Cinq points préléminaires :
    1-Cet article n'a pas été écrit pour la presse. Sa Gestation est trop incompatible avec les exigences du fast food de la profession.
    2-En géopolitique, il y a deux paramètres. L'un, fixe, c'est la géographie et l'autre, le facteur humain qui interagit avec. Les deux sur l'échelle du temps avec un temps court et un temps long.
    3-La géo-histoire écrit les chapitres du remps long. La politique travaille sur le temps cours.
    4-En politique, celui qui a l'initiative de lancer le compte à rebours prend une option pour la bonne direction...dans le sens de l'histoire.
    5-Dans les comptes à rebours, il y a celui que vous faites avec vos compétiteurs et que vous avez intérêt à taire(il relève en définitive de la tactique) . Et il y a celui que vous faites avec vos choix propres, avec les vôtres. Pour annoncer le cap.La stratégie. Ce terme ne recouvre aucun phénomène sonore que couvre la narrativité journalistique. C'est un vrai gros mot.
    Zéro développement sur l'article de Surkov comme sur celui de l'auteur.
    Deux remarques conclusives:
    1- Sur le timing politique de l'article (cf supra):après les Présidentielles.
    2-Sur le l'homme:aux prochaines Présidentielles
    :)
    Salutations sincères

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  5. Je suis résolument slavophile, et la Russie me séduit dans ce qu'elle a de plus russe, son architecture et son art populaire originaux et féeriques. L'occident mal digéré et dont elle ne prend généralement que le pire, me consterne chez elle dans toutes ses manifestations: les icônes académiques, le chant religieux façon opéra pour les perruques poudrées de Saint Pétersbourg, Saint Pétersbourg elle-même qui a son charme ornirique, mais qui est une fabrication artificielle avec un nom étranger, quel souverain d'Europe aurait donné un nom étranger à sa capitale? Les copies moscovites de l'Empire States building ou du World Trade Center. Les abominables "cottages" qui remplacent les isbas et les maisons de marchands. Les châteaux Disneyland des riches Russes. Ici, occident égale mauvais goût. En effet, la Russie est une civilisation originale, dommage qu'elle ait tant de mal à s'assumer ainsi, car c'est ainsi qu'on l'aime.

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    1. J'aime beaucoup ce que vous venez de dire, merci !

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    2. Ce que vous dites est juste. La Russie croyait savoir. Elle ne savait pas qu'elle croyait. Seulement !
      Mais entre qui passé qui nous échappe et un avenir que nous ignorons, voici que le présent s'offre à faire avec tous les russes:vidons le Marécage !

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