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mercredi 29 août 2018

Russie: Telegram décide de ne plus couvrir les terroristes



Le blocage de Telegram en Russie suite à la décision de justice du 13 avril 2018 avait provoqué une vague médiatique en Occident: la méchante Russie porte encore atteinte à la liberté et bloque maintenant internet. Rien de moins. Oubliant que dans tous les pays, les opérateurs de messagerie codée coopèrent avec les services spéciaux pour des raisons de sécurité. Ce que la Russie demandait à Telegram, en raison de la législation en vigueur. Ni plus, ni moins qu'ailleurs, cette messagerie ayant de plus été utilisée dans certains attentats en Russie. Il semblerait que, finalement, un pas soit en train de se faire et que Telegram soit d'accord pour fournir les données des personnes soupçonnées de terrorisme. Donc, il les protégeait avant?


Contrairement à ce qui a été affirmé dans les médias occidentaux, le FSB n'a pas tout à coup fermé Telegram, l'affaire a été très très longue. Et la question qui se pose, si l'on sort du paradigme infantile de la sacralité de la pseudo-liberté absolue d'internet contre le méchant Etat liberticide, c'est de trouver un équilibre entre la liberté individuelle et la nécessité (et l'obligation) de l'Etat de protéger ses concitoyens contre les dangers qu'ils encourent, le terrorisme n'étant pas un mythe. Or, ces messageries, comme Telegram, sont largement utilisées par les terroristes.

L'historique judiciaire de l'affaire Telegram

Le 14 avril 2017, le FSB (service fédéral de sécurité) s'est adressé à Telegram pour lui demander de se mettre en conformité avec la législation russe (loi de 2006 sur l'information, les technologies de l'information et la sécurité de l'information) et pour des raisons de sécurité nationale de lui fournir les clés de décryptage des messages, qui seront utilisées dans les affaires de terrorisme. Telegram avait jusqu'au 19 juillet 2017 pour se mettre en conformité avec la législation, ce qui n'a pas été fait. Le 16 octobre 2017, le tribunal l'a condamné à une amende de 800 000 roubles (un peu plus de 10 000 euros).

Le 20 mars 2018, l'Agence fédérale de communication a informé Telegram de son obligation d'exécuter ses obligations légales, au risque de se retrouver bloqué en attendant qu'il fournisse les clés de décryptage au FSB, comme il lui a été demandé. En réponse à ce courrier, Telegram a répondu  le 3 avril 2018 qu'il lui était techniquement impossible de remplir ses obligations légales. Le 6 avril, l'Agence fédérale de communication a, en conséquence, demandé le blocage temporaire de Telegram.

L'Agence fédérale de communication a alors saisi la justice et une décision a été rendue le 13 avril 2018. Soulignons que la position de la défense de Telegram était totalement contreproductive: ils ont décidé de ne pas participer au procès. Officiellement pour "ne pas légitimer" la justice russe. Mais il est vrai que, surtout, il est difficile de démontrer qu'il est techniquement impossible de faire en Russie ce qu'il est possible pour ces compagnies de faire aux Etats-Unis. Le juge a donc reconnu que cette impossibilité technique n'a pas été démontrée et ne peut alors constituer un fondement légitime à la non-excution de ses obligations légales par Telegram. Ainsi, la décision de suspension de Telegram, tant qu'il n'aura pas fourni les clés de décryptage au FSB, a été adoptée.

Telegram a fait plusieurs recours en justice et contre la demande du FSB et contre la décision de première instance, qui furent rejetés. La loi doit être exécutée. Entre-temps, l'argumentation a changé. Il est vrai que l'impossibilité technique n'est pas très sérieuse. Alors, la dimension idéologique est sortie: on ne collaborera jamais avec les services spéciaux russes. Avec les Américains ce n'est pas grave, mais avec les Russes, quelle honte.

Début août, sans aucune surprise, deux recours ont été déposés devant la CEDH. Le résultat ne fait aucun doute, la Russie sera condamnée, c'est la Russie. Comment la Cour européenne va, en revanche, expliquer qu'en période de danger terroriste maximal Telegram ait le droit de ne pas donner les informations sur les terroristes et l'accès à leurs messages préparant des attentats ou échappant à la police, ça je suis curieuse de le lire ...

Sur le plan intérieur, la dernière étape judiciaire en date est tombée avec la décision de la Cour suprême du 9 août 2018, qui, en appel, a confirmé les obligations de Telegram envers le FSB.

Le conflit entre le faux culte "libertaire" et la sécurité publique

L'argumentation développée par Telegram est très simple et très à la mode: on ne veut pas, car on ne collabore pas les services spéciaux, eux sont les méchants, nous nous sommes les gentils. Point. Cela fait un peu penser aux crises d'adolescence. C'est certainement pour cela que ses représentants juridiques ne sont pas allés en première instance devant la justice russe, mais qu'ils ont couru pleurnicher ensuite devant la CEDH. Nous ne frisons pas la caricature, nous sommes dans l'air du temps.

Mais l'air du temps est quand même assez sanguinolent. Telegram a été utilisé pour la préparation de plusieurs attentats en Russie et a permis à des terroristes d'échapper à la police, pourtant sa direction refuse de donner les informations qui peuvent permettre d'arrêter les coupables. Quel est le rapport avec la "sacrosainte liberté" d'internet, des messageries et la protection de la vie privée ... des terroristes?

Car finalement, il s'agit bien de cela. Après tant de sang versé, le fondateur de telegram, Dourov, a dû mettre en place, hier, une nouvelle politique de confidentialité, selon laquelle sur décision de justice, ils peuvent transmettre le téléphone et les données des personnes soupçonnées de terrorisme au FSB. Pourquoi ne pas vouloir transmettre le code d'accès aux messages qui sont envoyés par des terroristes? Surprenant de vouloir à ce point les protéger. Pour compenser, Dourov se fend aussi d'une déclaration selon laquelle il affirme comprendre les besoins de l'Etat de lutter contre le terrorisme et l'importance de trouver un équilibre entre la protection de la vie privée et la sécurité.

Bref, Telegram a fait un pas en arrière. Il faut dire qu'indépendamment des messages, il gère aussi de la monnaie cryptée, et pour un volume de 2 milliards de $. Rappelons que c'est justement ce type de monnaie qui est utilisé par les groupes terroristes pour passer inaperçu des circuits bancaires classiques.

Si tout n'est pas encore réglé, la situation semble se débloquer.

1 commentaire:

  1. Une amende de 10 000 dollars, les russes sont ridicules. Pour la même résistance aux USA, ce petit c... aurait dû payer 100 fois plus. Telegram est la messagerie de l'EI, qu'il couvre ces ordures est inqualifiable. Je trouve les russes d'une incroyable faiblesse.

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