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mardi 9 juillet 2019

Quand l'Union eurasiatique reproduit les mêmes travers que l'Union européenne : haro sur la souveraineté



L'Union économique eurasiatique est assez peu connue en France. Si elle fut longtemps présentée comme une tentative de compensation de l'influence russe dans l'espace post-soviétique après la chute de l'URSS, il semblerait que la réalité soit bien différente. Transposition idéologique intégrale de l'Union européenne, de la toute-puissance du marché, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la Russie est en train de voir sa souveraineté interne, celle d'édicter ses normes législatives en tenant compte d'intérêts nationaux librement déterminés, remise en cause par cette Union. Un exemple intéressant en matière de boisson énergétique.


L'Union économique eurasiatique (UEEA), fondée sur la base de l'Union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, a été créée par le Traité d'Astana signé le 29 mai 2014 entre ces mêmes pays et est entrée en vigueur le 1er janvier 2015. L'Arménie a rejoint cette organisation le 2 janvier 2015 et la Kirghizie le 12 août 2015. A cette occasion, une Commission a été instituée en vue de l'harmonisation politique et économique des pays

L'UEEA fonctionne sur les mêmes fondements idéologiques et dans la même logique que l'Union européenne :
Actuellement, l’Union économique eurasiatique promeut une union douanière, une libre circulation des hommes, des marchandises, des capitaux, le libre séjour et le droit d’étudier et de travailler dans n’importe quelle région. 
L'Union eurasiatique est une organisation régionale, elle aussi théoriquement, comme l'UE, composée d'Etats souverains, mais qui cèdent certaines de leurs compétences en se fondant dans un ensemble qui les dépasse et dont ils ne peuvent que perdre le contrôle. Un exemple concernant l'interdiction des boissons énergétiques en Russie, contestée par les producteurs devant la Commission eurasiatique, obligeant la Russie à modifier sa législation nationale, contre l'impératif de santé publique, au nom de la sacro-sainte liberté du marché, ce dieu néolibéral invoqué dès que l'intérêt national va à l'encontre des bénéfices du bisness.

Au 1er janvier 2018, la Russie a interdit sur son territoire la vente de boissons énergétiques faiblement alcoolisées, pour raison de santé publique. L'association des producteurs de ces boissons s'est adressée à la Commission eurasiatique contre la Russie, l'accusant d'ériger des barrières illégales au marché intérieur eurasiatique. La Commission a examiné le recours et a préparé un projet de résolution obligeant la Russie à annuler son interdiction législative car, formellement, ce domaine est réglementé par les documents normatifs eurasiatiques (à savoir le règlement sur la sécurité de la production alimentaire et le règlement sur les boissons alcoolisées). Or, selon la Commission eurasiatique, les normes nationales - même législatives, ne peuvent contrevenir aux règlements eurasiatiques.

Cela ne vous rappelle rien ?

Pour sa part, la Russie estime que des exceptions sont possibles, notamment pour des raisons de santé publique, ce qui est le cas ici, et oblige alors l'Etat à instituer des règles nationales plus sévères que les règles communes. La Russie, ici, a la réaction normale d'un Etat souverain, qui pense avant tout au bien-être de sa population, ce qui n'intéresse pas la Commission - elle défend la circulation des biens. La Russie rappelle que, lors d'une réunion de la Commission, elle avait présenté ses arguments, qui n'avaient alors soulevé aucune réaction particulière de la part des autres pays membres, la décision avait été prise que cette question relevait de la législation nationale.  Pourtant, la Commission, de son côté, affirme que la Biélorussie, la Kirghizie et le Kazakhstan avaient protesté, rejoints plus tard par l'Arménie. Finalement, les consultations continuent.

Quoi qu'il en soit, cet exemple est particulièrement révélateur de la nature de ces organisations supranationales régionales. Certains affirment que la création de l'Union eurasiatique répond à la vision d'un monde multipolaire. C'est une erreur stratégique - en tout cas de la part de ceux qui sont de bonne foi. Ces organisations régionales sont des éléments intermédiaires du processus de mondialisation, car elles doivent permettre - ce qu'elles font à merveille - la désintégration de la souveraineté des Etats dans un corps de normes qu'ils ne maîtrisent pas et ainsi conduire à la désintégration des Etats eux-mêmes, car, juridiquement, un Etat ne peut être que souverain, sinon il n'est plus.

A réfléchir.

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