75 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Russie et le Japon n'ont pas signé leur traité de paix, le Japon se refusant toujours à reconnaître les conséquences de ce conflit qui a changé la face du monde. Ce qui, pourtant, ne les empêche nullement d'avoir des relations commerciales florissantes et ce déjà sous l'URSS. Mais pour des raisons quelque peu surprenantes, la Russie a relancé il y a quelques années des négociations de paix dépassées, mais la population russe a très mal pris l'idée que des îles de l'ensemble des Kouriles pourraient être abandonnées au Japon. L'affaire fut close il y a quelques mois, médiatiquement, mais les négociations continuent. Il est vrai que le Japon est très bien conseillé et la situation a encore une fois dégénéré : Lavrov envisage la possibilité, selon ses propres termes, que deux des quatre îles (il est vrai, les moins stratégiques) soient non pas rétrocédées mais accordées au Japon, après qu'il ait reconnu les conséquences de la Seconde Guerre mondiale. Rétrocéder ou accorder ne change pas grand-chose pour la population et ça passe encore plus mal aujourd'hui dans un contexte politique incertain. A ce rythme-là, il pourrait émerger une véritable opposition populaire, qui elle n'aura aucun besoin d'être encadrée par les clowns Sobol-Navalny.
Dans un de ces forums à la mode néolibérale, où il faut communiquer avec la "jeunesse", pompeusement appelé "Territoire des idées", le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en répondant à une question sur la stratégie de la Russie concernant ses relations avec le Japon, le traité de paix et les îles Kouriles a fait une déclaration, plus que surprenante :
Ainsi, Lavrov rappelle que sur la scène internationale, la Russie est la continuatrice de la personne juridique qu'était l'URSS et, qu'en tant que tel, elle répond de ses engagements. Jusque-là, oui, c'est le cas. Mais ensuite, Lavrov, l'un des plus grands diplomates que l'histoire ait donné, fait preuve d'une amnésie historique aussi étonnante que sélective.
L'URSS avait, en effet, proposé au Japon en 1956 de ratifier un traité de paix et, en signe de bonne volonté, envisageait de se séparer de deux des quatre îles des Kouriles, Chikotan et Habomei. Etrangement, Lavrov "oublie" que l'URSS est revenue sur cette proposition après le rapprochement militaire du Japon et des Etats-Unis, qui a conduit à l'occupation militaire du Japon. Pour plus de détails, lire notre texte sur le sujet ici.
Pourquoi s'arrêter à 1956 et ne pas prendre en compte la note du Gouvernement soviétique du 27 janvier 1960, modifiant substantiellement l'offre de 1956, par ailleurs non acceptée par le Japon à l'époque ? Dans ce texte, l'URSS note que l'accord passé entre le Japon et les Etats-Unis prévoyant la présence militaire américaine sur le sol japonais change la donne et conduit à une occupation de facto du Japon par des forces militaires étrangères. Tout cela conduit l'URSS à poser la question, au demeurant raisonnable, du caractère souverain - ou non - de ce pays. Bien que l'URSS rappelle être toujours prête à tout faire pour pacifier la région, à développer ses relations notamment commerciales avec le Japon, elle ne peut passer outre l'accord de coopération militaire conclu entre le Japon et les Etats-Unis. Et, je cite :
"Dans la mesure où cet accord prive de fait le Japon de sa souveraineté et que les armées étrangères se trouvant au Japon suite à sa capitulation vont rester sur le territoire japonais, une nouvelle configuration se met en place, qui rend impossible la réalisation de l'engagement du Gouvernement soviétique de transmission au Japon des îles de Habomei et de Chikotan".
L'URSS, selon cette note, souligne qu'il lui est impossible d'augmenter le territoire pouvant être utilisé par des armées étrangères au Japon. La seule condition qui, pour l'URSS, rendrait possible la transmission des deux îles au Japon après la conclusion du traité de paix serait le retrait total de toutes les armées étrangères du territoire japonais.
Lavrov, aussi, par ailleurs, souligne le soutien international indéfectible apporté par le Japon aux Etats-Unis qui oblige à réfléchir. Donc, sans rappeler cette note de 1960, il rappelle volontairement uniquement l'offre de 1956, mais laisse ouverte toutes les voies.
Indépendamment de cela, plus de 60 ans ont passé depuis et reprendre des négociations, 60 ans plus tard, à la lettre près, comme si rien ne s'était passé est pour le moins une erreur stratégique. Ces négociations passent mal dans la population russe et déjà des manifestations avaient eu lieu en Russie pour affirmer que les Kouriles sont russes, Poutine avait dû rassurer le peuple en affirmant que la Russie ne négocie pas son territoire. Finalement en février de cette année, un sondage a été organisé dans la région auprès des habitants, pour savoir s'ils considéraient les Kouriles comme appartenant à la Russie. 98% de la population a répondu en ce sens. Un sondage et non pas un référendum, mais la situation est déjà cocasse. C'est quand même la 3e génération à naître sur le territoire russe.
La Russie va-t-elle, par exemple régulièrement maintenant organiser ces "consultations" à Kaliningrad ou en Crimée et à chaque fois les habitants seront amenés à réitérer le contrat social ? Et pourquoi s'arrêter à ces territoires, pourquoi ne pas le faire dans toutes les régions ... C'est un suicide de l'Etat, comme institution. Mais c'est totalement conforme à l'idée néolibérale.
Non seulement l'on ne négocie pas son territoire comme l'avait dit à une époque Poutine, mais l'on ne cède pas son territoire, même de sa propre volonté, comme l'envisage Lavrov. A moins de vouloir montrer comment il est possible de perdre 75 ans plus tard une guerre qui fut alors gagnée.
Car se cacher derrière la nécessité pour les Japonais de reconnaître les résultats de la Seconde Guerre mondiale, pour ensuite leur offrir de sa propre volonté ce qu'ils ont perdu est un non-sens. Et particulièrement dangereux. Car ils pourraient accepter. Ce qui pourrait être fatal pour la Russie d'aujourd'hui, bien plus encore que l'attitude mitigée face au Donbass, quoi qu'en disent les médias main stream.
Nous sommes ici en plein coeur de la faiblesse de la Russie actuelle : elle a un tel besoin de "normaliser" ses relations, qu'elle entre dans des négociations qui ne lui apportent rien de positif à long terme, sans avoir le courage politique d'y mettre fin lorsqu'elles s'avèrent nuisibles également à court terme. Déjà en 2016, Poutine avait déclaré, pour être exacte que 1) la Russie ne négocie pas ses territoires, mais 2) qu'elle a un grand besoin de régler cette question avec ses partenaires Japonais.
Il semblerait que, psychologiquement, la Russie en ait besoin plus que le Japon, alors que politiquement le Japon en a besoin plus que la Russie. C'est tout le paradoxe de la sitution, qui met la Russie au bord d'une faille de taille suffisante pour l'engloutir dans sa forme actuelle. Le capital confiance du Président Poutine n'est pas éternel, il a été regonfllé avec la Crimée et continue à être entamé par une politique impopulaire et assez peu efficace, par le décalage croissant entre une pseudo-élite déconnectée de la réalité et les attentes populaires plus saines et plus justes. 98% de la population s'était prononcée pour l'appartenance de toutes les îles Kouriles à la Russie, le Président Poutine a clos le débat en affirmant qu'il fallait respecter la voix populaire. Qu'est-ce qui a changé depuis ? La voix populaire, comme la voix présidentielle, ont-elles donc si peu de poids aujourd'hui que leur mise à l'écart puisse être si facilement envisagé ?
Quel est l'intérêt, sans même parler de géopolitique, mais simplement politique, de lancer la possibilité d'abandonner une partie de son territoire ? Qu'est-ce que la Russie pourrait en tirer comme avantage réel ? Une crise de confiance intérieure et l'arrivée, à terme (la question ne portant que sur le terme) de bases militaires américaines un peu plus près ?
Pour l'instant, l'absence d'opposition est d'une certaine manière une chance pour ce gouvernement, les clowns Sobol-Navalny & Co ne sont pas pris au sérieux. Mais c'est aussi la tragédie de ce pays, de ces pseudo-élites politico-économiques de n'être pas confrontées à une véritable pensée alternative et de pouvoir ainsi s'enfoncer toujours plus bas et d'entraîner toujours plus dangereusement le pays avec eux. Toujours espérer sur les réflexes de bon sens du Président Poutine, transformé petit à petit en Deus ex machina d'une pièce dont on devient en droit de se demander de quels dialogues il est encore en mesure de réellement décider, affaiblit sérieusement le pays.
Pour le Japon, seule reste la force militaire pour essayer de récupérer les îles kouriles, sinon pas de cadeau de la part la Russie. Les Malouines(Argentine) sont toujours britanniques ainsi que Gibraltar(Espagne), Mayotte(Comores) est toujours française,Ceuta et Melilla(Maroc) espagnoles, le Groenland danois.... bref, un BUTIN DE GUERRE NE SE NEGOCIE PAS !!!!!
RépondreSupprimerSi, Hong Kong, Macau, Porkala, Port Arthur,
SupprimerCONCEDER N'EST PAS CONQUERIR !!!
SupprimerEst-ce que ce n'est pas le mandat de trop pour V.Poutine?
RépondreSupprimerIl a très bien manoeuvré pour récupérer la Crimée mais, à côté de ça, on constate de la faiblesse et beaucoup d'incertitudes concernant la gestion de la guerre en Syrie et la crise du Donbass. Cette région est bombardée en permanence depuis 5 ans, pourquoi ne pas menacer les ukrainiens de reconnaître ces deux républiques si les tueries continuent? Ces pauvres gens meurent dans l'indifférence générale. De quoi a-t-il peur? De nouvelles sanctions probablement. C'est désespérant. Quant aux Kouriles, quelle faiblesse ce serait de les rendre, mais j'espère que le peuple ne laissera pas faire.
Un "butin de guerre" ? Il s'agit de l'occupation impérialiste soviétique/russe de territoires japonais, depuis 1945.
RépondreSupprimerPourquoi l'URSS n'est elle entrée en guerre contre le Japon qu'après Nagasaki (en violation du traité entre les deux entités) ? Par pur opportunisme et lâcheté, pour s'accaparer de territoires japonais à peu de frais. Rappelons que Staline voulait également VOLER Hokkaido. Il ne dût se contenter que des "Kouriles".
Russie dehors ! Retour des Territoires du Nord (nom officiel des "Kouriles") au Japon !
Rappelons également comment la Russie fut écrasée par le Japon en 1905: l'occupation des Territoires du Nord est une vengeance de l'ours russe, qui a montré qu'il n'était pas si invincible. 100 ans après avoir fait reculer Napoléon, se prendre une gifle par une nation asiatique à peine sortie de la féodalité était quelque peu vêxant.
Le Japon n'a qu'une chose à faire, c'est de déclarer la guerre à la Russie et reprendre par la force les Iles Kouriles puisque le peuple russe n'est pas disposé à leur en faire cadeau. Essayez, vous avez une chance, puisque vous les avez déjà écrasé une fois pourquoi pas deux?
Supprimer'''' Je suis ravi de l'entrée en guerre de l'URSS contre le Japon. Elle rend possible un grand mouvement de pince qui ne pourra échouer à détruire l'ennemi. ''''
SupprimerDéclaration -célèbre- du général Douglas Mac Arthur le jour de l'entrée en guerre de l'URSS soit APRES le bombardement de Nagasaki.
La vérité est que l'offensive foudroyante de l'armée rouge en Mandchourie a été la véritable cause de la reddition du Japon, puisqu'elle interdisait ce que les américains redoutait le plus : que l'armée japonaise du Kwantung évacue la Mandchourie pour se retrancher au Japon dans un geste suicidaire final.
Le reste est de la littérature de la guerre froide, laquelle avait précisément déjà commencée à Hiroshima.
Hirohito n'a pas n'a pas déposé les armes dans un soudain accès de pacifisme, lui qui se fichait de son peuple et de ses malheurs épouvantables comme d'une guigne.
Je répète que la guerre froide avait déjà commencé et que le Japon avait pris ses marques en conséquence.
D'ailleurs dans les semaines immédiates qui suivirent, les américains s'empressèrent d'occuper le pays avant que les russes ne trouvent quoi que ce soit à y redire.
Mais pour les esprits simples -je veux dire simplificateurs- la littérature fera toujours foi...
La Gaule
A mon avis ce serait la continuite de la politique de N.Kroutchev en la matiere.
RépondreSupprimerje partage cette approche tactique car au bout du tunnel les visages de ceux qui poussent les japonais a ne pas accepter ce deal seront exposes.Le Japon a refuse cet actuel offre russe et refusera toujours nímporte quelle offre ou concession de la Russie.Un jour viendra ou il acceptera bien moins
Mais les deux iles proposées sont toutes petites, elles n’ont en pratique aucune importance stratégique et elles sont quasiment désertes, alors si cette cession permettait de conquérir les coeurs de la nation japonaise, ce serait tout bénéfique. Mais pour les Japonais, il est clair que le coeur de la région des Kouriles, ce sont les deux grandes iles, d’où le vrai problème. Ce qu’il faut essayer de faire comprendre aux Japonais, c’est que les deux grandes îles constituent, avec dans une certaine mesure Moumansk, le seul passage aux mers libres qui appartienne à la Russie, et donc que la cession même de ces deux minuscules îles constituent malgré tout, dans cette région, une concession énorme de la pacifique nation russe. Ce serait peut-être un argument pour la partie de l’opinion japonaise qui supporte très mal l’occupation nord-américaine. En particulier celle d’Okinawa en guerre quasi-ouverte avec les USA.
RépondreSupprimerDire que l'Urss a attendu le bombardement atomique d'Hiroshima pour attaquer le Japon c'est complètement ignorer l'histoire. Les accords de Postdam entre l'Urss les États-unis et la Grande Bretagne avaient prévu que les Soviétiques attaquent les Japonais trois mois après la capitulation allemande. Celle-ci étant intervenue le 8 mai 1945, trois plus tard le 9 août 1945 les Soviétiques ont attaqué l'armée japonaise de Mandchourie. Les Américains ont précipité le lancement de la bombe de Nagasaki le 9 août 1945 pour faire capituler rapidement le Japon et ainsi empêcher toute conquête des Soviétiques sur le territoire japonais. La guerre froide avait déjà commencé.
RépondreSupprimerPar ailleurs parler de lâcheté des Soviétiques est d'un ridicule abyssal car c'est eux qui détruit plus 80% de l'armée allemande forte de 12 millions d'hommes.Aucun pays ne pouvait le faire à l'époque en dehors de l'Urss qui perdu dans la guerre 27 millions d'habitants dont 8,5 millions de soldats.