Evo Morales, président bolivien réélu, fut poussé à quitter le pouvoir sous la pression de l'opposition, de la police et de l'armée. En Bolivie, comme dans de nombreux pays, au nom du culte de la technologie, qui est censée garantir la démocratie - a priori, le processus électoral est électronique. C'est-à-dire virtuel. Même si vous êtes certains d'avoir obtenu plus de voix, aucun nouveau décompte n'est possible. De la virtualité des élections à la virtualité du pouvoir, la Bolivie ouvre la voie. Et espérons, les yeux. Le Brésil, inquiet, réfléchit à revenir aux bulletins papiers.
En Bolivie, le processus électoral est électronique. La raison invoquée est simple : il serait plus compliquer de truquer ainsi les résultats, les machines étant, à la différence des hommes, infaillibles (ça ne se discute pas).
Donc adieu bulletins de vote que l'on met dans l'urne, vive les technologies qui vont sauver nos démocraties du désastre opéré par la régression vertigineuse de la culture politique dans nos sociétés. Nous leur remettons les clés du bonheur. Rappelez-vous la nécessité de créer un Ministère du bonheur pour garantir la démocratie populaire, idée soutenue par certains politiques, même en Russie et réalisée dans les Emirats arabes. La technologie, le bonheur et la démocratie vont main dans la main et nous ne pouvons qu'applaudir, avec les mains qu'il nous reste. Peu importe, nous sommes heureux, donc nous n'avons plus besoin de réfléchir, d'autres sont là pour ça.
Les Boliviens, eux, ne furent pas heureux de la réélection de Morales pour son quatrième mandat, ce 20 octobre. Enfin, certains Boliviens. L'opposition, en tout cas - ce qui finalement est normal, sinon ce ne serait pas de l'opposition. Il faut dire que lors du décompte des votes électroniques, le processus a été interrompu un moment après l'annonce des premiers résultats, pour ensuite donner les résultats finaux à 100% du décompte selon lesquels Morales sort gagnant avec 47,08% des voix, contre Carlos Mesa (36,51%). Ce qui ne changeait pas fondamentalement les résultats d'avant l'interruption. La victoire de Morales a donc été annoncée par le Tribunal supérieur électoral.
Immédiatement, l'opposition soutenue par l'Argentine, le Brésil, les Etats-Unis et l'organisation des Etats américains, ont crié à la fraude. - N'oubliez pas que la démocratie post-moderne implique la victoire de la minorité néolibérale, ce qui pose encore quelques difficultés avec les processus électoraux, mais ne vous inquiétez pas, l'on y travaille.
C'est donc ici que l'impasse commence. Morales ne peut demander un nouveau décompte des voix, car les bulletins n'existent pas. Donc, même s'il est persuadé d'avoir réellement gagné, il ne peut pas le prouver devant la population. Et l'opposition a un boulevard ouvert devant elle, puisqu'elle n'a pas besoin de jouer sur le terrain du rationnel et de l'analyse, bien au contraire, le domaine de l'affectif et des slogans est beaucoup plus efficace pour manipuler les gens.
Et ça marche. Finalement, Morales annonce son départ, son domicile est envahi par des groupes violents, les arrestations peuvent commencer:
Le chef de la police, Vladimir Yuri Calderon, qui avait appelé à la démission d'Evo Morales, a annoncé l'arrestation de la présidente du Tribunal électoral, Maria Eugenia Choque, et de son vice-président Antonio Costas. Ceux-ci ont été emmenés par des soldats cagoulés en vue d'être entendus sur de présumées irrégularités commises durant le scrutin d'octobre.
Le Mexique a offert l'asile politique à une vingtaine de personnes et le propose aussi à Morales. Son départ est suivi par ceux d'une grande partie des dirigeants et le pays, en attendant des élections plus conformes aux attentes internationales, est entre les mains de l'opposition qui n'a pas gagné dans les urnes, mais grâce à la terreur de la rue. Cette opposition qui, justement, soutient bec et ongles le vote électronique. Le plan de nationalisation des hydrocarbures pourra certainement être ainsi remis en cause, ce qui, sans aucun doute, garantira la "démocratie" en Bolivie.
Face à ce massacre du processus électoral et la mise en danger réel de la gouvernance étatique, le Brésil, s'est mis à réfléchir très rapidement. Le président a déclaré qu'il serait bien de revenir aux bulletins papiers. Pas de panne de courant, pas de défaut du système électronique et surtout, en cas de problème, on peut les ressortir et les recompter.
Si les manuscrits ne brûlent pas, des données électroniques il ne reste pas même la trace d'une poussière. Comme du pouvoir des majorités politiques.
Au Venezuela le vote électronique s'accompagne de l'émission de bulletin imprimé glissé dans une urne. Ces bulletins sont conservés pour un recompte en cas de contestation. Et le cours normal du processus électoral prévoit même pour chaque scrutin des vérifications aléatoires portant sur un certain nombre de bureaux de vote considéré comme statistiquement valide. Comme quoi on peut concilier efficacité (presumee) du vote électronique et sûreté du vote papier. A titre personnel je suis hostile au vote électronique. A-fortiori 100 % électronique.
RépondreSupprimerJ'ai lu qu'il y avait eu plusieurs centaines de blesses en Bolivie. Mr Morales n'a pas les mêmes conseillés que Mr Macron visiblement. Il aurait dû suivre l'exemple français et utiliser les mêmes techniques de maintient de l'ordre. Personne dans les médias ne s'est offusqué des milliers de blessés, des mains arrachés, des yeux crevés ni même des deux morts, au contraire, les GJ se sont fait fustigés comme jamais.
RépondreSupprimerIl en ressort que le pouvoir revient à celui qui le veux le plus, quel qu'en soit les moyens, le plus violent souvent. Cela pose le problème de la représentation démocratique, la vraie, pas celle des plateaux télés, incapable de se maintenir face à une dictature utilisant la force et la violence à outrance. Donc toujours cette question: comment régner sans devenir comme ses ennemies ?