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mercredi 18 novembre 2020

Gestion publique numérique imposée par le Covid : la Russie revient-elle vers le bon sens ?



Un sursaut de survie semble apparaître en Russie face à la dérive du tout-numérique, aggravée sous l'impulsion de la sainte lutte contre le coronavirus, qui dégrade le fonctionnement des institutions publiques. Pour illustrer ce que l'on peut espérer être une tendance qui se constitue, deux exemples significatifs : un recours collectif en justice des étudiants de l'Université d'Etat de Moscou (Lomonossov), qui demandent le remboursement du paiement leurs études en raison de la faible qualité de l'enseignement dispensé désormais à distance ; le président de la Douma, V. Volodine, vient de rappeler qu'il y a violation du Réglement lorsque les projets de loi ne sont pas discutés en présentiel en comité, mais à distance par une simple consultation. Si l'utilisation des moyens technologiques au quotidien peut, sans aucun doute, être utile, ces technologies ne peuvent qu'être supplétives, elles ne peuvent en aucun cas remplacer le contact physique, ni l'humain. Sauf à dégrader la qualité du travail effectué, en l'occurrence la dégradation de la qualité de l'enseignement et du travail parlementaire et ainsi remettre en cause à terme la légitimité de l'Etat.


Cette révolution idéologique sous couvert de coronavirus s'appuie notamment sur la faiblesse des gens, sur leurs défauts, pour leur montrer que dans ce "nouveau monde", ils auront une place de choix. La démarche est très simple, voire primaire, mais fonctionne assez bien. Pourquoi faire l'effort d'aller au travail, vous pouvez vaquer tranquillement à vos occupations, boire votre café dans votre fauteuil préféré, et travailler à distance. Pourquoi faire des efforts pour apprendre, de toute manière les examens seront également distanciés, personne ne voit ce que vous avez devant les yeux et si c'est par écrit, personne ne sait qui est derrière l'oridinateur. Pourquoi faire des efforts ? Parce que la qualité de ce que l'on fait en dépend, parce que nous sommes aussi ce que nous faisons. Mais l'être humain est ainsi fait, qu'il cherche en général la facilité. Et lorsqu'en plus on lui explique que ça peut devenir la nouvelle norme, il veut y croire. Peu importe le bon sens, il veut y croire, il y croit et il impose aux autres d'y croire.

Heureusement, il reste encore des pôles de résistance, de bon sens. Deux exemples.

Pour entrer à l'Université d'Etat de Moscou (MGU), qui est considérée comme la meilleure université de Russie, il ne suffit pas d'avoir un certain nombre de points à l'équivalent du BAC, de réussir des universiades, il faut encore passer un examen supplémentaire d'entrée. Ceux qui obtiennent les meilleurs résultats peuvent étudier gratuitement, ce sont les étudiants budgétaires, les autres (jusqu'à une certaine limite de points) peuvent étudier en payant, ce sont les étudiants commerciaux. Or, ces étudiants commerciaux se préparent à déposer en justice un recours collectif demandant le remboursement de ce qu'ils ont payé à MGU en raison du passage obligé à l'enseignement à distance qui, comme indiqué dans le texte du recours, ne leur permet pas d'avoir l'enseignement de la qualité pour lequel ils ont payé. 

Autrement dit, et à juste titre, ils estiment que l'Université n'a pas rempli ses obligations en les passant à distance, car ils ne se sont pas inscrits pour avoir un enseignement au rabais, "facile", mais pour obtenir une formation de qualité, ce que l'enseignement à distance, qui dure, qui dure, qui dure, ne leur permet pas d'obtenir. Incidemment, une partie du salaire des enseignants dépend de cette source de financement. Or, déjà, les salaires ont sérieusement baissé. A ce rythme-là, on va revenir aux années 90, quand les idéalistes restaient dans la science. 

L'enjeu ici est n'est pas à court terme, mais stratégique. Le développement de tout pays dépend de sa capacité à former des esprits, qui vont pouvoir entraîner le pays. Si ces cerveaux partent ou ne peuvent être formés, c'est l'avenir du pays qui est en jeu.

Un autre exemple, significatif, de l'impossible recours au tout-numérique concernant la procédure législative. La Russie discute d'un projet de loi très délicat concernant la réglementation du retrait des enfants à leur famille. Ce texte prévoit de renforcer les garanties judiciaires, en ce sens que les organes de protection de l'enfance ne pourront plus désormais de leur seule volonté retirer un enfant à sa famille, mais devront impérativement s'adresser à la justice, lorsque la vie ou la santé de l'enfant est en danger. La justice devra alors, dans le cadre d'un référé, se prononcer en urgence. Au-delà des questions idéologiques, qui ne sont pas négligeables ici, beaucoup de questions techniques juridiques se posent quant à la procédure et au délai de réponse judiciaire, afin que le recours en justice ne devienne pas une simple légitimation de la décision administrative de retrait de l'enfant. Le projet avait été déposé le 10 juillet à la Douma par un sénateur et un député, et le comité spécialisé vient de donner son accord pour qu'il soit débattu en séance, malgré des conclusions réservées du Gouvernement et une inquiétude de l'Eglise orthodoxe, justement quant à l'instrumentalisation du judiciaire. 

La réaction du président de la Douma, V. Volodine, est intéressante. Le texte a été retiré de l'ordre du jour en raison de la violation de la procédure d'examen en comité. Que s'est-il passé ? Il n'y a eu qu'une vague consultation à distance, sans véritables débats, avec une présence physique. Je cite Volodine :

"La décision du comité a été adoptée suite à une simple consultation. Tout le monde est choqué et nous estimons que cela est inadmissible (...). Quelles que soient les questions qui seront examinées à l'avenir, que ce soit uniquement avec la participation physique des députés (...)"

De la qualité de la législation, de sa capacité à répondre aux attentes de la population, va dépendre la légitimité de l'Etat. Si le fond est important, la forme ne l'est pas moins, car elle participe du cérémonial donnant à la loi son autorité. Comment croire en un Etat qui permettrait d'adopter des lois par sms, envoyés sur le coin d'une table, en buvant son café et en vaquant à des occupations plus importantes ? Plus la procédure est banalisée, moins la confiance populaire sera forte, car ce ne sont plus alors les représentants du peuple qui participent à son édiction, avec la diversité de vision sociale qu'ils doivent défendre, mais la porte est grande ouverte aux lobbyismes. 

Le culte numérique auquel nous assistons, c'est-à-dire quand la technologie est une fin et non un moyen, est une illusion de simplification et d'efficacité. Il n'entraîne dans les faits qu'une baisse de la qualité. Cela ressemble beaucoup plus à un instrument de destruction, qui sera abandonné immédiatement si le pouvoir est conquis par la nouvelle idéologie, car même un nouveau monde doit être construit et cela demande d'autres instruments que ceux qui sont à l'oeuvre aujourd'hui.

8 commentaires:

  1. Vous êtes comme les gens que vous critiquez à savoir imposer aux autres votre façon de faire et à aucuns moments que cela soit vous et les gens que vous critiquez aucuns des camps ne proposent la liberté.

    Dans cet article c'est la liberté d'un individu en son âme et conscience de pouvoir étudier à distance ou en classe.

    Par exemple moi qui suit un échec de l'éducation nationale française j'ai jamais autant appris et aime apprendre depuis que j'ai internet et que je peux choisir mes profs et mes matières.

    C'est juste génial de pouvoir changer le prof la méthode etc. pour enfin aimer une matière que d'autres profs et méthodes vous on fait détester.

    Alors je vous soutiendrais tant que vous défendez la liberté des gens à pouvoir étudier à votre façon sans être obligés d'être persécutés à étudier d'une autre MAIS je défendrais aussi les gens qui veulent étudier autrement que comme vous car LIBRE à ces gens comme libre à vous d'étudier comme cela vous plais.

    Et c'est pareil pour vos article sur d'autres sujets comme votre grand combat sur le monde globale contre l'autre monde etc. à aucuns moments vous et vos adversaires ne pensent liberté de pouvoir faire l'un ou l'autre.

    C'est très religieux et ou totalitaire d'imposer aux autres et de pas laisser le choix.

    C'est comme d’interdire de manger des carottes à tout le monde si l'on aime pas soit même des carottes.

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    1. Bonjour, il n'y a justement aucune liberté de l'individu quand l'enseignement à distance est ogligatoire. C'est ici le totalitarisme. Si vous n'aimez pas l'école, car il faut y travailler de manière systémique, qu'il faut y faire des efforts et que de méchants enseignants osent en plus avoir des exigences, vous pouvez librement devenir un génie sur internet, personne ne vous en empêche. Or, actuellement, il est interdit aux gens d'apprendre normalement et d'enseigner normalement. Et les étudiants qui le comprennent ont fait un recours en justice. C'est leur droit et leur liberté. Au fait, à Tomsk aussi, ils se sont adressés à la Procuratura contre l'enseignement à distance. Notamment, parce qu'en médecine, il n'y a plus aucune pratique avec tout ça. Or, ils veulent devenir médecins et pas des génies d'internet.

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    2. Comme j'ai exprimé dans le message alors je défend aussi ces recours en justice de ces étudiants et l'envie qu'ils ont de pouvoir étudier ainsi d'autant plus pour les cas où la pratique est nécessaire.

      Mais libre aussi à d'autres étudiants de faire autrement.

      C'est le non choix individuel que je combat dans ce que j'ai exprime et pas la possible coexistence d'autres choix.

      Quand à moi internet ou pas là n'est pas le fond de ce que j'ai exprimé. Le fond c'est même sans internet il y a des profs avec qui ça passe mieux que d'autres alors je veut le choix du prof quitte à changer de pays s'il le faut ou de planète et avec ces profs je veux bien me déplacer en cours et en être disciple alors qu'avec d'autres profs et bien niet zéro crédit ne mes crédits à moi n'ira les payer alors qu'ils sont censés enseigner la même chose.

      Cela peut s'appliquer à plein d'autres domaines ce choix comme la culture l'alimentation la médecine etc. c'est un choix individuel qui ne plais pas aux collectivistes ou autres noms certes mais en quoi un ministère de la culture par exemple va financer à ma place des artistes que je n'irait jamais financer moi même et en quoi ça dérange mon voisin si je préfère essayer la klorokine pour du covid.

      Depuis des années je cherche une terre promise dans laquelle le ministère de la culture n’existe pas autrement qu'en laissant libre les artistes de s'exprimer et d'être rémunérer ou pas par d'autres mais pas trouvé encore cette terre promise qui me volera pas mes crédits.

      D'autant que dans cette terre promise s'il y avait que le ministère de la culture à faire sauter des fond publique.. mais il y a plein d'autres domaines à faire sauter donc ça restera encore pour longtemps qu'un fantasme de terre promise.

      Bref les libertés et les choix de l'individu se heurtent souvent aux autres individus qui veulent gérer pour eux même vos libertés et vos choix.

      Et qu'on me parle pas de démocratie qui trancherait car il y a plein de cas où la démocratie n'as pas à trancher comme d'autoriser ou non la consommation de carotte à un individu qui aimerait les carottes.

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    3. Vos remarques sont justes... d'autant plus juste qu'en France les profs ne le sont pas souvent par vocation et sont donc par construction plutôt médiocres. La liberté de choix du prof et des méthodes éducatives devrait pouvoir, d'une façon ou d'une autre, être mise en oeuvre afin d'éviter de fabriquer industriellement des déçus et des dégoûtés de l'école, qui par ailleurs contiennent un bon nombre d'enfants ou de jeunes à haut (voire très haut) potentiel... ce qui est une perte irréparable pour la Société et la justice...

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  2. à propos des dégâts des écrans sur les enfants : https://www.radiocourtoisie.fr/2020/11/16/libre-journal-de-la-transmission-du-16-novembre-2020-pour-eduquer-et-instruire-a-lere-du-numerique-sortir-de-la-pensee-magique/

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  3. Témoignage :

    Bousillé entre autre par l'école (années 60-70), éjecté en troisième (1973), c'est une rencontre (1983)avec un grand maïeuticien, le Professeur Henri Desroche (CNRS - EHESS), que j'entamais un cursus dans cette institution, directement en maîtrise (2ans), suivi d'un DEA (1an) inscrit en thèse d'état (86), comme quoi... Il n'y avait pas l'internet à l'époque mais je lisais beaucoup,depuis ma prime jeunesse, recherchant partout des personnes en capacité de m'apprendre des tas de choses, jusqu'à cette rencontre avec ce Professeur, ancien dominicain, qui m'avait pris à la bonne, repérant tout le potentiel dont m'avais doté la nature.

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    1. L'on apprend dix fois plus dans une bibliothèque que dans une école, quand on a la capacité et la volonté d'apprendre. Ce qui concerne une minorité de personnes. Et ce n'est pas comparable avec ce qui traine sur le net.

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    2. Étant quand même précisé que les livres propagandistes ne manquent pas et que l'on ne peut pas résumer une instruction à la fréquentation d'une bibliothèque, ce qui reviendrait, peu ou prou, à résumer l'instruction à l'apprentissage derrière un écran. Le contact humain est indispensable à l'instruction, la notion de "maître" est incontournable, ce qu'exprime justement le témoignage ci-dessus.

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L'article vous intéresse, vous avez des remarques, exprimez-vous! dans le respect de la liberté de chacun bien sûr.