Publications

mercredi 14 avril 2021

Etats-Unis / Russie : Quand Biden veut faire de Poutine un Gorbi 2.0


Alors que les Etats-Unis et l'OTAN renforcent activement leur présence militaire aux frontières de la Russie, que le renseignement américain rend un rapport reconnaissant que la Russie ne veut pas d'un conflit militaire direct et est prête pour des relations pragmatiques avec les Etats-Unis, Biden propose à Poutine, lors d'un entretien téléphonique, d'organiser une rencontre sur un terrain neutre. Il est bien connu qu'un bon général est celui qui remporte la bataille avant de l'engager et ici Biden se sent pousser des ailes à la Reagan ... Mais Poutine ne doit pas forcément avoir envie de jouer le rôle de Gorbatchev. L'histoire ne se répète pas toujours, surtout quand l'effet de surprise ne peut plus jouer.

Le contexte de l'intensification des pressions, diplomatiques et militaires, contre la Russie s'accompagne d'une proposition de Biden de rencontre avec Poutine - pour réguler les relations américano-russes et traiter des nombreuses questions sur lesquelles les positions stratégiques des deux pays sont non seulement divergentes, mais souvent incompatibles.

Comme le rappelle le ministre russe de la Défense, l'OTAN et les Etats-Unis renforcent leur présence militaire aux frontières du pays :

"L'OTAN serait sur le point d'acheminer des troupes à proximité de la frontière russe, a annoncé le ministre russe de la défense Sergueï Choïgou en conférence de presse le 13 avril, affirmant que 40 000 soldats et 15 000 unités et équipements militaires, y compris des avions stratégiques, étaient concernés, principalement dans la région de la mer Noire et de la Baltique."

Il est vrai que déjà deux bâtiments américains, le Roosevelt et le Donald Cook se dirigent vers la mer Noire.

Par ailleurs, la rhétorique des Etats-Unis et de l'OTAN continue à faire de la Russie l'ennemi. Un ennemi aux portes de l'Europe, qui doit ainsi accepter - et remercier - la présence de ces troupes étrangères sur son territoire, qui sinon pourraient être appelées "d'occupation". Au coeur de cette construction d'une menace russe, toujours l'Ukraine, à laquelle le secrétaire général de l'OTAN exprime le soutien de tous les pays membres de cette organisation militaire et rappelle que ce soutien n'est pas que théorique, l'Alliance tient un rôle central dans la formation et l'entrainement de l'armée ukrainienne.

De son côté, la Russie souligne avec justesse que cette politique menée par l'OTAN et les Etats-Unis, conduisant à la militarisation de l'Ukraine, avec ses centaines de conseillers et d'instructeurs, avec la construction de différents polygones militaires, en fait "un baril de poudre".

Et tous en coeur de demander à la Russie de retirer ses troupes de la frontière russe. Car leur présence, présenterait en soi un risque d'escalade. Quand les troupes russes sont sur le territoire de la Russie. Alors que les troupes des pays de l'OTAN se trouvent en Europe et en Ukraine, à la frontière russe. Elles, manifestement, ne sont là que pour une promenade de santé et ne présentent donc, hors de leur territoire, aucun risque d'escalade. Soit.

Dans ce contexte pour le moins tendu, lors d'un entretien téléphonique entre Biden et Poutine, le Président américain, rappelant qu'il défendra toujours les intérêts de son pays et l'intégrité territoriale ukrainienne (ce qui fait manifestement partie des intérêts nationaux américains, tout comme l'Europe en général) propose une rencontre dans un pays tiers :

Selon la Maison Blanche, ce sommet a pour objectif de «bâtir une relation stable et prévisible avec la Russie» et de permettre aux deux pays de «discuter de toute une série de sujets».

Pour finir de poser le décor de cette proposition, il faut également rappeler que le renseignement américain a sorti un rapport sur les grandes tendances d'ici 2040, selon lequel la Russie ne voudrait pas d'un conflit direct avec les forces armées américaines et serait prête à des relations pragmatiques avec les Etats-Unis. Il souligne également sa capacité d'influence pour les 20 prochaines années, voire plus loin, même si ses capacités matérielles peuvent être réduites. Autrement dit, ce rapport reconnaît que la Russie est un acteur sur la scène mondiale :

" Il est probable que la Russie demeurera une puissance perturbatrice pendant une bonne partie ou la totalité des deux prochaines décennies, même si ses capacités matérielles diminuent par rapport à d’autres grands acteurs », peut-on lire dans le rapport. « Les avantages de la Russie comportent une force militaire conventionnelle importante, des armes de destruction massive, des ressources énergétiques et minérales, une géographie étendue, des données démographiques et une volonté d’utiliser la force à l’étranger, qui lui permettront de continuer à jouer un rôle influent même après dans l’espace post-soviétique, et parfois plus loin. "

Il semblerait que Biden se sente des airs de Reagan, qui tout en détestant l'Union soviétique et le communisme, et justement en raison de cela, a réussi à prendre dans sa toile Gorbatchev, lui donnant les clés pour détruire le pays de ses propres mains. Pourtant, l'on peut douter que Poutine se sente pousser des envies de Gorbi, sans oublier que le peuple russe, aujourd'hui, n'a plus aucune illusion sur le "miracle occidental" ... 


13 commentaires:

  1. Biden, le pauvre vieux, n'est pas Reagan et, heureusement pour la Russie, Poutine n'est pas Gorbatchev. Ceci dit, je ne sais que penser de cette invitation.

    RépondreSupprimer
  2. Ma perception des choses est que les Russes ont activé leur bouclier de brouillage électronique, privant les protagonistes otaniens et ukrainiens de tout moyen de communication et de repérage GPS.Bref, tout ce beau monde est passé d'un coup du stade de prédateur sans merci à celui de lapin sans défense.
    Zelenski s'est tout-à-coup dépêché d'appeler le Kremlin pour montrer patte blanche via sa porte-parole et Biden -qui la veille trait Poutine de tueur à qui il réservait un sort peu enviable- se met soudainement à proposer des discussions à la convenance du Kremlin. Poutine ne s'est pas exprimé, il a laissé Lavrov expliquer que les ukronazis de Kiev étaient responsables du massacre de 15,000 ukrainiens, Choïgou de dire qu'il ne faisait que mettre des troupes en face des 40,000 soldats de l'OTAN qui se sont postés face à sa frontière et Peskov dire qu'il n'avait reçu aucune communication de l'Ukraine et que les intentions de la Russie sont les plus pures du monde.
    A mon humble avis, tous ces belliqueux de bas étage commencent à avoir des sueurs froides et viennent de réaliser qu'ils peuvent être rayés de la carte avec les nouvelles technologies russes en quelques heures.
    Moscou les avait pourtant prévenu...en 2018 si ma mémoire est bonne....au cours d'un show mémorable au cours duquel Poutine a révélé l'ampleur des progrès de la technologie militaire russe devant un parterre de personnalités acquis à la cause du pays. Il vient d'en rajouter une couche en révélant que les militaires russes testent des torpilles autoguidées capables de provoquer des tsunamis radioactifs dévastateurs sur les côtes américaines (New-York et Los-Angeles seraient des cibles potentielles).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mise-à-jour au 15 avril 2021 : il semblerait- la nouvelle vient juste de tomber- que Washington a pris la décision d'arrêter le déploiement de ses troupes dans la Mer Noire. A suivre...
      https://www.youtube.com/watch?v=eUgF6_fihZ8

      Supprimer
  3. Ils ont peur.
    https://nicolasbonnal.wordpress.com/2021/04/13/pourquoi-les-allies-se-prendront-une-raclee-contre-la-russie-par-le-colonel-americain-douglas-macgregor-ex-conseiller-du-donald-on-commet-la-meme-erreur-que-chamberlain-avec-la-pologne-en-193/

    RépondreSupprimer
  4. Ce serait bien une véritable rencontre au sommet, à la condition que Biden en soit capable.

    Ce que Poutine a proposé à Biden à l'origine était un face-à-face en direct, à la télé et devant leur public respectif, pour se faire servir un faux-fuyant du genre " On n'a pas le temps ". Or voilà que Biden revient sur l'offre, peut-être pour avoir un peu perdu la face devant son opinion publique qui se moque de sa pusillanimité, mais à la condition qu'elle se fasse en terrain neutre. Pourquoi cette exigence de terrain neutre, la télé n'en est-elle pas un si les deux interlocuteurs conservent leur totale liberté de parole sans autre forme de médiation que celle du genre Club Valdaï ? Poser une telle condition laisse présager l'arnaque et le formatage hollywoodien pour contrôler le message. Joe Biden aurait-il besoin d'assistance pour affronter Vladimir Poutine dans un simple dialogue ?

    Poutine peut difficilement refuser puisque c'est lui-même qui a lancé la proposition, mais il lui faut maintenir le format face-à-face afin d'éviter toute interférence et bien choisir les sujets chauds à l'ordre du jour, lesquels ne manquent pas.

    Je doute que Poutine ait envie de jouer le rôle de Gorbatchev ou qu'il se fasse prendre au même jeu de dupe. D'autant plus qu'il en a sûrement tiré les leçons et qu'il n'est pas aussi démuni que l'était Gorbatchev devant l'obligation qu'il avait d'arriver à une entente acceptable avec Reagan et Bush père. Il serait même en position d'avantage puisque c'est Biden qui aurait l'odieux de justifier ses accusations, la politique de confrontation qu'il mène depuis sa nomination et, pourquoi pas, l'ensemble de la politique belliqueuse états-unienne depuis la fin de l'URSS.

    Mais ce serait une occasion unique pour Poutine de livrer, en direct et sans aucun filtre médiatique contrefacteur, la véritable position de la Fédération de Russie. Ce serait surtout un excellent début si, au terme d'un tel débat, Biden et les États-uniens réalisaient seulement que les Russes, eh bien, ils sont russes, tout comme les Chinois sont chinois et les Iraniens iraniens.

    _________________
    Bellefontaine

    RépondreSupprimer
  5. Les Russes ont été bien inspirés de mener à bien une modernisation et un renforcement de leur armée depuis une dizaine d'années, ne serait-ce que dans une optique purement défensive.

    RépondreSupprimer
  6. "Il est probable que la Russie demeurera une puissance PERTURBATRICE...", est-il écrit dans un rapport du renseignement américain; bien réfléchir à ce terme (perturbatrice) qui ne paraît pas du tout avoir été employé de manière anodine.

    RépondreSupprimer
  7. @Bellefontaine "Mais ce serait une occasion unique pour Poutine de livrer, en direct et sans aucun filtre médiatique contrefacteur, la véritable position de la Fédération de Russie"
    Munich 2007:
    https://www.youtube.com/watch?v=ushWX7_tuDU

    KG.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous avez bien raison KG, mais les choses ont beaucoup évolué depuis ce temps et montré la clairvoyance de V. Poutine à Munich. Surtout, ce qui est remarquable depuis ce jour, le monde a pu voir la cohérence entre ses paroles et ses actes dans la gouvernance et le développement de l'État russe. Quelle démocratie occidentale peut afficher une telle évolution ?

      Devant Biden, Poutine aurait l'occasion d'étaler son propre bilan depuis Munich 2007 de même que ses véritables intentions et, étant assuré de ses moyens, il n'aurait pas à verser dans la politique spectacle si chère à Joe Biden. Cette fois, ce serait aussi au peuple états-unien qu'il s'adresserait, lequel est comme toujours tenu dans l'ignorance des vraies affaires et découvrirait peut-être enfin que le vrai Poutine n'a rien de menaçant.

      En 2007, la Russie n'était pas en situation d'assurer pleinement la protection de son territoire, ce qui est le cas aujourd'hui grâce à la supériorité de ses nouvelles armes et à l'entraînement "in vivo" de ses troupes en Syrie qui les professionnellement aguerries. Je doute même que les troupes de l'OTAN, si on devait en venir là, aient le temps d'atteindre un même niveau d'excellence et d'efficience.

      Souhaitons que la raison prévaudra devant l'obsession militariste du camp d'en face.

      _________________
      Bellefontaine

      Supprimer
    2. @Bellefontaine, "En 2007, la Russie n'était pas en situation d'assurer pleinement la protection de son territoire"
      Oui, le conflit déclenché par la Géorgie (cf: le rapport de la commission Européenne dirigée par Heidi Tagliavini) signe le début des réformes. A l'époque une lettre d'anciens généraux fut publiée, elle dénotait le piètre niveau et toutes les "erreurs" commises lors de la contre-attaque par la Russie.

      ps: Au jour d'aujourd'hui en dépit des conclusions très claires du rapport de l'EU, les médias continuent leur narrative: la Russie a attaqué la Géorgie...
      Les conclusions de ce rapport furent acceptées (avec commentaires) par la Russie et refusée par la Géorgie.

      KG.

      Supprimer
  8. Peu avant les 100 premiers jours de sa présidence, l’appel de Biden à Poutine indiquerait que US seraient prêts à normaliser les relations bilatérales. Washington finit par reconnaître que la Russie ne plie pas et se prépare même à riposter. Pour les analystes, le risque d'une confrontation directe entre l'OTAN et la Russie ne peut être négligé y compris jusqu'au niveau des frappes nucléaires...
    L'appel de Biden reste pour l'instant assez vague. A ce stade, Poutine a-t-il accepté la proposition ? L'ambassadeur russe à Washington n'a toujours pas regagné son poste. Les tensions restent croissantes. En ce moment, on ne peut que supposer qu'à tout hasard, un agenda serait en préparation à Moscou mais sans trop compter sur une rencontre au sommet. Les jours prochains nous indiqueront-ils quelques éléments d'apaisement ?

    RépondreSupprimer
  9. Comprendre que les Russes ou tout autre peuple, ou civilisation, ne souhaitent pas perdre leur identité pour endosser la culture américaine est totalement au-dessus de l'intellect de l'actuel président américain.
    Par ailleurs les Russes ont perdu 27 millions de vies durant la guerre mondiale précédente et ils ne souhaitent certainement pas être cette fois ci rayés de la carte du monde.
    Les enjeux sont lourds et l'issue imprévisible.
    Reste la merveilleuse intelligence de Vladimir Poutine et la confiance inébranlable que lui accorde le peuple russe.
    A la Grâce de Dieu !

    RépondreSupprimer
  10. L'idéal, c'est une vidéo conférence filmée et diffusée en direct comme Poutine l'avait proposé quand ce vieux gâteux l'a insulté, sûrement pas une rencontre. Poutine a mieux à faire que de se déplacer pour pour des propositions ridicules et des tentatives d'intimidation et d'humimiation.

    RépondreSupprimer

L'article vous intéresse, vous avez des remarques, exprimez-vous! dans le respect de la liberté de chacun bien sûr.