Publications

jeudi 28 octobre 2021

Le Donbass et la diplomatie de la mandarine


L'armée ukrainienne continue à attaquer le Donbass et à affermir ses positions dans les zones, où elle reprend le contrôle, mettant les autorités locales et la Russie dans une situation délicate : ne rien faire est politiquement impossible, agir conduit à être accusées par la communauté internationale de relancer le conflit. Or, l'attentisme que l'on observe aujourd'hui conduit à donner carte blanche à l'Ukraine, qui continue son attaque.

Comme nous l'avons écrit hier, l'armée ukrainienne a relancé le conflit dans le Donbass, en utilisant l'artillerie lourde contre les villages et les civils et les drones militaires turcs contre l'infrastructure civile et militaire du Donbass (voir notre texte ici).

Mais la situation ne s'est pas arrêtée là, l'armée ukrainienne s'installe dans les zones qu'elle occupe physiquement et ne laisse pas d'accès libre aux missions de l'OSCE, envoyées sur place pour prendre acte de la situation, missions qui n'arrivent pas à obtenir de garanties quant à leur sécurité selon le député de DNR. Par ailleurs, ce matin encore, l'armée ukrainienne a attaqué le village de Iacinovata dans DNR ou hier soir encore le village de Smeloe dans LNR.

Dans ce contexte, beaucoup attendent une réaction de la Russie. Le premier pas significatif en ce sens est la déclaration par Rospotrebnadzor de l'interdiction à compter du 29 octobre de l'importation des mandarines en provenance de Turquie, qui tout à coup, ont beaucoup trop de pesticides. L'on se souviendra des interdictions de Borjomi à l'époque des tensions avec la Géorgie. Pour le reste, et de manière plus sérieuse en ce qui concerne la protection de la vie des habitants du Donbass, la Russie est en attente. Lavrov déclare que la Russie va vérifier les affirmations parfois contradictoires de Kiev, qu'il faut comprendre concrètement ce qui se passe, que dans tous les cas cela doit conduire ceux qui fournissent ce régime en arme à réfléchir aux conséquences de leurs actes. Autrement dit, la Russie ne veut pas actuellement intervenir autrement que par des déclarations politiques et la diplomatie de la mandarine.

Or, cela soulève beaucoup de question et localement dans le Donbass, et en Russie, car il est attendu d'elle, puisqu'elle en a les moyens techniques, d'avoir le courage politique de protéger le ciel du Donbass de ces drones.

Par exemple, Dmitri Astrakhan, correspondant militaire de déclarer que la Russie est l'un des garants du respect de la fermeture du ciel au-dessus de DNR selon les accords de Minsk et elle a un système de défense anti-aérien qui peut parfaitement protéger cet espace. Cette position est également celle de Alexandre Kourienkov, membre du Conseil de sécurité et de défense de DNR, qui estime que des attaques de drones, notamment celles qui ont eu lieu contre les forces de police locales, ne sont possibles dans les pays qui n'ont pas de système de défense anti-aérien efficace. La Russie, selon lui, doit absolument réagir.

En Russie aussi, l'analyse portée sur l'attitude contemplative des autorités russes est très critique. Ainsi, Mikhael Alexandrov, docteur en sciences politiques attaché au centre de recherche sur les politiques militaires de MGIMO (l'université affiliée au ministère des Affaires étrangères russe) estime aussi que la Russie peut techniquement sans difficulté protéger le ciel du Donbass avec son système anti-aérien, mais elle ne le fait pas de peur d'être accusée d'intervenir dans le conflit et que l'Ukraine abatte encore un avion civil pour que la Russie soit ciblée par la communauté internationale :

"Mais nos dirigeants ont manifestement très peur qu'on les accuse encore une fois d'avoir abattu un avion civil. En fait, les Ukrainiens ont spécialement fait tomber le Boeing malaisien pour provoquer cet effet psychologique. Finalement, pendant que le Kremlin reprend la ligne de la fin de l'Union soviétique "pourvu qu'il n'y ait pas de guerre", les gens dans le Donbass continuent à souffrir."

Selon Gryzlov, qui représente la Russie dans le groupe de contact, l'Ukraine tente de provoquer une reprise des combats dans le Donbass et a conduit dans l'impasse les contacts diplomatiques devant réguler la crise. Pour être exacte, disons que Kiev a repris les combats dans le Donbass et avance ses positions, ce qui est facilité par l'absence de réponse forte. Donc, il n'y a pas de "provocation à reprendre" les combats, ils ont lieu, ils ont été repris, qu'ils soient ou non unilatéraux n'y change rien. Quant à l'impasse, elle a toujours été là : puisque le conflit n'est épuisé ni politiquement, ni militairement, il ne peut se régler par la diplomatie seule. La diplomatie est une arme qui doit accompagner une position militaire et politique forte, c'est-à-dire lorsque l'adversaire est persuadé que non seulement vous avez un potentiel militaire important, mais que vous allez l'utiliser en cas d'attaque. La réponse obtenue lors de ce test de l'armée ukrainienne n'oblige en rien Kiev à négocier quoi que ce soit.

La ligne de la fin de l'époque soviétique se voit à différents niveaux de la gouvernance russe aujourd'hui, au-delà des voiles de fausse modernité technologisée et réellement globalisée, ce qui n'est pas un signal rassurant pour la stabilité du pays. 


14 commentaires:

  1. Il est un fait que la position de la Russie en
    - Syrie où elle laisse faire Israël, la Turquie, les USA
    - Libye où elle laisse faire la Turquie
    - Iran où elle "autorise" Israël à commettre des attentats
    - Arménie où où elle laisse faire la Turquie
    démontre que l'on peut l'affronter sans pratiquement aucun risque.
    Cette faiblesse affichée est plus dangereuse pour la paix qu'une affirmation brève et nette de sa force.
    Son implication en 2015 en Syrie a été perçue comme une force. Il est temps, si la Russie veut éviter d'être entrainée une réaction qui déclenchera une guerre en Europe ( souhaitée par les USA ), de mettre un holà très ferme, au moins dans un des pays cités plus haut, le plus rapidement possible.

    RépondreSupprimer
  2. Il n’est pas correct de parler d’ « attaque » ukrainienne au Donbass, pas plus que (jadis) d’attaques russes en Tchétchénie. Chaque Etat défend l’intégrité de son territoire, et ne peut que s’opposer à des velléités indépendantistes manifestées par la violence en dehors d’un cadre légal. Aucun pays étranger n’est allé soutenir militairement les indépendantistes Tchétchènes dans leur lutte contre le pouvoir central. De même, la Russie n’a pas à s’ingérer dans les conflits internes de l’Ukraine et à soutenir les indépendantistes du Donbass ou à exiger que leurs gouvernements autoproclamés soient reconnus. La non-ingérence si chère aux souverainistes ne peut (et ne doit) pas être un principe à sens unique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y a toutefois une différence fondamentale entre les deux situations : la Maîdan présenté comme une révolution avec refus de prendre juridiquement en charge les obligations sontactées antérieurement par l'Ukraine, quand la Russie a assumé les obligations soviétiques - donc, il y a rupture de l'Etat dans le cas ukrainien, ce qui justifie la possibilité pour les territoires de rester ou sortir du nouvel Etat. Ce qui n'était pas le cas pour la Russie.

      Supprimer
    2. @anonyme "Il n’est pas correct de parler d’ « attaque » ukrainienne au Donbass", Diana ne partage pas votre point de vue, pas plus que les victimes de ce bombardement:
      CNN Diana Magnay on Luhansk air attack Jun 02, 2014
      https://www.youtube.com/watch?v=A1de2LrHSpQ&t=34s

      Supprimer
    3. Ce commentaire me semble relever soit de la totale ignorance de la situation réelle, soit de l'hypocrisie et de la mauvaise foi.

      Supprimer
    4. Je n’ai pas la prétention, contrairement à d’autres, de connaître parfaitement la situation.
      Mais le fait que le Donbass appartient à l’Ukraine n’est pas contesté internationalement, pas même par ma Russie qui n’a pas reconnu les républiques de Donetsk et de Loughansk. L’kraine a donc parfaitement le droit de défendre son intégrité territoriale. L’étrange argument de K. Bechet-Golovko selon lequel il y aurait « rupture de l’Etat » ukrainien après Maidan sous prétexte de refus d’obligations est une affirmation péremptoire contestable. L’Ukraine comme Etat continue d’exister dans les instances internationales et n’est pas devenu subitement dislocable à souhait, sous prétexte de changement de régime, pas plus que le Royaume-Uni après le Brexit, quand bien même le gouvernement de Boris Johnson ne respecterait pas ses obligations contractuelles.

      Supprimer
    5. cet "étrange argument" s'appelle la théorie de la continuité de l'Etat en droit constitutionnel. Certainement étrange pour les non-juristes. Mais si l'on parle professionnellement, c'est une base. Ensuite, qui s'intéresse au droit quand la politique est plus pratique ...

      Supprimer

    6. L’Ukraine est indépendante depuis 1991. Même si un changement de régime est intervenu en 2014, il n’y a donc pas de raison de penser que l’État ukrainien a été « rompu » ou discontinué alors. Maidan est une affaire intérieure ukrainienne. L’existence de différends, courante entre états indépendants, comme entre la France et le Royaume-Uni, et quand bien même des accords bilatéraux ne seraient pas respectés, n’entraîne en rien une rupture automatique de ces Etats (sinon ils seraient tous bien éphémères...). La notion de (dis)continuité de l’État en droit international s’applique aux cas de dislocation d’État ou de création de nouveaux états, comme lors de la dissolution de L’URSS en 1991.

      Supprimer
    7. @anonyme, et ensuite?
      Pendant que vous parlez de droit, d'histoire etc... les nervis de Kiev continuent de bombarder le Donbass et de faire des victimes civiles...
      Au fait en parlant de droit, pourquoi restez vous muet sur le non respect des accords de Minsk par Kiev?
      Quoique vu le contenu de vos réponses, je fais une erreur il est sans doute préférable que vous restiez muet...

      Supprimer
    8. L'anonyme de la ferme de troll d'anonyme fait semblant de pas comprendre que le droit et les lois on en a rien à faire quand un coup d'état se produit.

      Vous pouvez couiner autant de blabla que vous voulez mais à partir du moment où un coup d'état passe un point de non retour alors libre aux gens disposant d'une id du territoire qui subit le coup d'état de faire sécession.

      C'est comme ça alors couinez bien dans vos jupes de l'ue et de l'otan sous occupation du régime de washington ça changera pas la volonté des gens à faire sécession.

      C'est comme cet abruti de marionnette de macron qui fait une loi contre le sécessionnisme. Bah je le laisse passer devant si les corses ou les basques etc. font un référendum d'indépendance et le gagne :) allez macronette passe devant avec tes larbins d'anonymes leur dire que ce serait illégal.

      Supprimer
    9. Devant tant d'aggressivité et de vulgarité il vaut mieux effectivement ne pas répondre.

      Supprimer
  3. Très inquiétant, et cela va de pair avec l'attitude vis à vis de la covid. On dirait que des parasites paralysent la Russie de l'intérieur.

    RépondreSupprimer
  4. @ anonyme
    Il me semble qu'actuellement une partie de la France qui souhaite s'émanciper d'un Etat continu obtient des référendums successifs pour y parvenir Donc si vous parler de droit à faire respecter son intégrité territoriale contre les habitants , nous devrions ravager la Nouvelle Calédonie avec de l'artillerie lourde et des drones de combat. ? Non? Je vous rapelle que tant l'Australie et la Nouvelle Zélande et aujourd'hui la Chine incite et favorise la volonté des indépendentistes. Devons nous les attaquer.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les referendums organisés en Nouvelle-Calédonie sont le résultat d’accords. Les parties ont convenu d’un processus respectant le choix de la majorité. Il ne se déroule pas de guerre actuellement dans ce territoire d’outre-mer, ancienne colonie, où la situation n’est pas comparable. Et l’information n’a pas encore circulé que la Chine et l’Australie y armaient les indépendantistes ou y distribuaient des passeports...

      Supprimer

L'article vous intéresse, vous avez des remarques, exprimez-vous! dans le respect de la liberté de chacun bien sûr.