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lundi 27 mai 2024

Guerre en Ukraine : "Frapper le territoire russe", la nouvelle escalade voulue par l'OTAN


Ces derniers jours, une nouvelle litanie est apparue dans le discours politico-médiatique occidental : frapper le territoire russe. Le recul de l'armée atlantico-ukrainienne sur le front ukrainien oblige les Atlantistes à aller toujours de plus en plus loin, d'autant plus qu'ils sont persuadés que la Russie ne répondra pas autrement que par une escalade verbale, comme ce fut le cas jusqu'à présent. 

Le Président ukrainien Zelensky en parle depuis longtemps : il faut frapper la Russie. Les Chancelleries occidentales font semblant de l'interdire ou d'affirmer que l'Ukraine choisit ses cibles "pour se défendre". Que de toute manière, le "territoire russe" n'est pas touché. Belgorod, par exemple, n'est donc pas la Russie et la démultiplication des cibles civiles doit cacher, mais vraiment bien cacher, les cibles militaires ...

Le premier problème, qui se pose dans ce conflit, est le flou politique de la frontière. L'Occident ne reconnaît aucun changement de frontière après 1992, mais cela ne compte que pour l'Ukraine ... Donc, en tirant sur le Donbass, sur la Crimée, sur les régions de Kherson ou de Zaporojie, ils considèrent hypocritement ne pas tirer sur la Russie. Et comme la Russie ne veut pas - encore - d'une confrontation directe et formelle avec l'OTAN, ce qui devrait logiquement suivre la reconnaissance des frappes systématiques par les pays de l'OTAN du territoire russe, les autorités russes s'accommodent assez bien en réalité de cette hypocrisie.

Les réponses sont finalement principalement médiatiques, mais assez faibles. Certains "tirs de vengeance", comme si sans cela, l'armée russe n'aurait, ni cibles militaires légitimes, ni stratégie ... L'on organise des exercices, pour faire une démonstration blanche de force, jouant selon les règles de la comm occidentale. Quant à la comm directe, elle ne peut toucher que l'espace maîtrisé, ce qui exclut en grande partie la zone occidentale et l'opinion publique de ces pays. Quant à l'opinion publique russe, elle attend autre chose que des paroles.

Lors de sa visite en Ukraine il y a une semaine, Blinken a déjà ouvert la voie à l'escalade :

"Nous n'avons pas encouragé ni permis des frappes en dehors de l'Ukraine, mais en fin de compte, l'Ukraine doit prendre elle-même les décisions sur la manière dont elle va mener cette guerre", a déclaré Blinken, ouvrant la possibilité que du matériel militaire occidental soit utilisé contre des unités russes situées au-delà des frontières territoire ukrainiennes.

Puis, il y a trois jours, les médias anglo-saxons lancent l'offensive - en faveur de frappes en profondeur sur le territoire russe. Stoltenberg, le Secrétaire général de l'OTAN, en fait le plaidoyer dans une interview à The Economist. Je cite :

« Le moment est venu pour les alliés de réfléchir à la question de savoir s’ils doivent lever certaines des restrictions qu’ils ont imposées sur l’utilisation des armes qu’ils ont données à l’Ukraine », a déclaré M. Stoltenberg. « Surtout maintenant, alors que de nombreux combats se déroulent à Kharkov, près de la frontière, le fait de refuser à l’Ukraine la possibilité d’utiliser ces armes contre des cibles militaires légitimes sur le territoire russe rend très difficile pour elle de se défendre. »

Parallèlement, le NYT est largement repris par les médias occidentaux, quand il publie un article insistant sur le changement en cours de la position de l'Administration Biden sur le sujet et une interview de Zelensky appelant les Atlantistes à faire le grand saut. Et l'on voit le très géopolitique 20 minutes, nous gratifier d'une véritable oeuvre de propagande pseudo-analytique, qui fait froid dans le dos.

La position défendue est assez simple : si les pays de l'OTAN ne tirent pas trop fort et pas trop loin en Russie, celle-ci ne bougera pas. Puisqu'elle n'a pas réellement bougé pour Belgorod, pourquoi devrait-elle réagir, surtout si l'on reste près de la frontière (reconnue en Occident) et que l'on vise aussi des cibles militaires ?

Jusqu’ici, « l’utilisation d’armes d’origine occidentale contre des cibles en territoire russe était considérée comme sortant du cadre de la légitime défense de l’Ukraine » mais « rien, en droit international, n’interdit de frapper des cibles militaires sur le territoire de l’envahisseur qui vous place en état de légitime défense », note Cyrille Bret, chercheur à l’Institut Jacques-Delors.

Ces déclarations sont en fait une tentative de légitimer ce qui se passe déjà. Car l'armée atlantico-ukrainienne vise déjà le sol russe. C'est l'avancée de l'armée russe sur l'ensemble du front, et surtout dans la zone de Kharkov, qui inquiète. Il leur est nécessaire de faire quelque chose. Dans l'arsenal des possibilités, avant de s'engager personnellement et physiquement sur le terrain contre la Russie, il y a encore la possibilité d'une frappe, avec leurs armes, du territoire russe non-contesté. En comptant sur le fait, que la Russie continuera à ne pas répondre.

S’il est « difficile de savoir comment la Russie réagira », la réponse de Moscou « dépendra beaucoup des cibles que les Ukrainiens viseront avec ces armes-là. S’ils continuent à frapper les régions frontalières comme Belgorod, ça n’aura peut-être pas de répercussion dramatique », souligne Carole Grimaud. 

L'échelle du possible dépend beaucoup de la capacité de l'autre de vous faire croire à une véritable réponse. Ici, la Russie a objectivement échoué. L'Occident est plutôt persuadé d'une absence de réponse réelle, car les autorités russes semblent avoir surestimé le plan de la communication, au détriment du réel. Une réponse purement communicationnelle peut faire peur - une fois. Ensuite, le destinataire comprend, que la réaction s'arrête à cela. 

Comme le laisse entendre Carole Grimaud, il y aura certainement une réponse, mais ce ne sera pas la déclaration de guerre contre les pays de l'OTAN. Donc, rien de dramatique. De toute manière ce n'est l'Ukraine qui paie la facture ...

Et la machine est en train de s'enclencher. Le Premier ministre suédois a déjà déclaré son soutien et ce ne sera pas le dernier :

Le ministre suédois de la Défense, Pal Jonson, estime que le droit à l'autodéfense de l'Ukraine implique le droit de frapper le territoire de la Russie.

Si la Russie ne veut pas entrer en confrontation directe avec les pays de l'OTAN, ce qui semble réellement être sa position actuellement (ce qui, par ailleurs ne signifie pas que cette position soit éternelle), elle doit impérativement trouver dans ce cas un moyen de contraindre les Atlantistes à réfléchir, avant qu'ils ne s'engagent plus avant dans le conflit. Et le seul moyen de les faire réfléchir est de les mettre réellement en danger - politiquement, militairement. Qu'ils sentent un danger existentiel, pour leur pouvoir. Quelques publications sur Telegram ne peuvent remplacer une stratégie politique et une véritable réponse étatique.


 


16 commentaires:

  1. Madame, Zelensky n'est plus le président légitime pour le citer ainsi, dites plutôt le "Spoliateur" otano-kiévien !!

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    1. Si vous reprenez le discours politico-médiatique russe, totalement stupide sur cet aspect, vous soutenez donc qu'il fut légitime. Le formalisme juridique primaire en Russie n'est pas forcément à reprendre aveuglément...

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    2. je trouve votre jugement bien sévère
      comme déjà - dans les premiers mois du conflit
      les 'hésitations' que vous prêtiez aux mouvements militaires de la Russie

      vous êtes assurément plus au fait de son discours politico-médiatique que je ne le suis
      mais dans mon flux d'actus, la remise en cause de la légitimité actuelle de Zelensky est surtout le fait de sources anglo-saxonnes (divergentes de la doxa - bien sûr)

      quand bien-même
      quel intérêt de s'attarder, insister sur celle de son accession au pouvoir
      quand tout "l'occident collectif" ne cesse de faire la sourde oreille sur le changement de régime opéré par les US, les évènements de l'Euromaïdan, la réalité de la collusion d'un gouvernement fantoche avec des groupuscules néonazis, la mascarade des accords de Minsk ?...

      puisqu'il n'y a de pire sourd que qui ne veut entendre
      la Russie n'a d'autre choix - hélas, que d'en rester à commenter l'actualité
      mettre en lumière l'impopularité croissante de qui fut présenté sur les écrans comme le "Serviteur du peuple"...

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  2. Vous dites que la Russie "doit impérativement trouver dans ce cas un moyen de contraindre les Atlantistes à réfléchir." Soit, mais dans cette guerre mondiale l'empire américain a-t-il placé des pions à la tête de ses succursales atlantistes pour réfléchir ? Certainement pas, ils sont là pour combattre comme des mercenaires.

    Seule la tête réfléchit, elle est aux Etats-Unis et elle veut anéantir la Russie. C'est un grand malheur que les dirigeants russes ne comprennent toujours pas cette réalité, ou qu'ils fassent semblant de ne pas comprendre.

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  3. Sur Donetsk, Sébastopol, Krasnodar, Belgorod, etc. les Atlantistes procèdent à des bombardements de harcèlement.
    Juste de quoi terroriser les populations russes et fixer la défense aérienne de l'armée russe.
    Mais ils sont en train de constituer des points d'attaques tout autour de la Russie.
    Là est le véritable danger.
    Il s'agit de la stratégie classique des forces armées américaines avant d'imposer sa "paix" et ou de passer à l'attaque.
    Cela prendra... un certain temps, mais l'Empire a tout le temps. Sauf si l'armée russie passe à l'offensive.
    La balle est donc dans le camp de la Russie.

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  4. Ce qui est extraordinaire tout de même, c’est l’acharnement de Kiev à bombarder les nouveaux territoires russes, qu’elle considère comme siens. Comment Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporojié peuvent elles avoir envie de rester sous la férule d’un pouvoir qui les bombarde. Personne dans nos médias ne se pose la question.
    C'est vrai que mater les rebelles est une pratique très répandue

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    1. Ne se posent pas cette évidente question ceux qui, ayant entériné le viol des accords de Minsk, prétendent que la démocratie est du côté des otano-ukronazes.
      Quant aux bombes livrées, pointées et lancées par des occidentaux, elles sont depuis deux ans un dépassement des pseudo 'lignes rouges'. En Crimée, à Belgorod comme dans les nouveaux territoires. Et sur d'autres sites, pétroliers ou militaires. Les russes feignent de croire qu'il n'y a pas de bottes OTAN... mais c'est le cas !

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    2. Les habitants de Donestk et Lougansk réussirent à se libérer des néo nazis de Kiev en 2014. Nos médias nous l'ont toujours caché.

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  5. Les USA ont plus d'avions que tous les autres pays du monde. C'est avec des avions qu'ils ont anéanti le Japon, la Serbie, l'Irak, Gaza.

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    1. Les USA ont plus d'avions que tous les autres pays du monde. C'est avec des avions qu'ils ont anéanti le Japon, la Serbie, l'Irak, Gaza.

      Aucun des pays ci-dessus mentionnés ne possèdent l'arme nucléaire.

      Un Etat peut toujours disposer de la plus grosse armée de l'air, si tout ses aérodromes & aéroports sont rasés et tous ses portes avions coulés, faire encore voler un très grand nombre d'avions ne servira plus à grand chose si ce n'est à compter les derniers champignons.

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    2. Dozier est un crétin

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    3. Monsieur le crétin.

      Soyez au moins poli.

      Anéantir le Japon, la Serbie, l'Irak, soit.
      Mais anéantir Gaza par proxy interposé, quel exploit.

      Avoir plus de navions que tous les autres pays du monde, si c'est pour toujours aller casser du Japonais, du Serbe ou de l'Arabe, on voit bien où se situe le niveau de bravoure.

      Le crétin vous salut bien.

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    4. 16 : 48 disait seulement que la puissance de feu aérienne classique des USA domine le monde. Il a raison. Comment envisager une seconde de détruire les aéroports et les porte avions US ? Qu'apportent vos critiques ?

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  6. Pour moi c'est une partie de poker menteur, les USA savent bien qu'au minimum 10 sous-marins nucléaires russes patrouillent au large des USA (missiles boulava) sans parler des Sarmat et surtout des Avangard (boule de feu). Et je ne parle pas des kinjal et zircon avec tête nucléaire sans parler des nouveautés qui vont bientôt sortir. Poker menteur et la Russie n'est pas dupe. Paroles, paroles paroles ....

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  7. L'illusion de la communication serait-elle la meilleure stratégie à opposer à la Russie? La Russie n'est toujours pas intimidée par la puissance de l'OTAN ni par les sanctions de l'UE. A en juger l'évolution de la situation sur le champ de bataille, la probabilité que la Russie batte en retraite reste nulle. Il s'agit bien d'une guerre existentielle qu'elle ne peut pas perdre. Avec l'attaque contre le radar de surveillance stratégique à Armavir, nous nous acheminons à présent au seuil des interrogations très sérieuses.
    La nouvelle escalade voulue par l'OTAN est une décision imprudente qui force la Russie à agir vers une nouvelle étape de la guerre. Lors d'une de ses interventions en 2023, Poutine avait prévenu - Les choses sérieuses n'ont pas encore commencé...

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  8. Cela semble exact que les occidentaux font mine de droire que la Fédération de Russie ne répondra pas. Les satellites amécains sans lesquels le guidage des missiles à longue portée serait impossible peuvent être détruits ou aveuglés et je doute qu'une guerre nucléaire soit déclanchée pour ce motif.

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