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mardi 27 août 2024

Koursk et les "frappes de vengeance" : et si l'on appelait les choses par leur nom ?


Alors que le front s'est dangereusement stabilisé à l'intérieur de la région de Koursk, le discours médiatique russe s'enfonce dans l'absurde habituel, à chaque fois qu'une situation est difficilement surmontable sur le terrain. Ainsi hier soir sur une chaîne fédérale, le JT s'est ouvert sur des fameuses "frappes de vengeance" effectuées par l'armée russe sur toute une série de cibles sur le territoire ukrainien. Vengeance ? Les centaines de milliers de personnes déplacées, les milliers de personnes vivant sous l'occupation se sentent ainsi ... vengées ? Vraiment ? Il serait peut-être plus efficace de libérer le territoire occupé, ce que le Président avait d'ailleurs exigé.

Le discours médiatique russe voit régulièrement revenir cette piteuse expression des "frappes de vengeance". Cette mauvaise habitude a été prise dès les premières reculades. Elle est censée rassurer la population : de  vous inquiétez pas, nous agissons. Hier, cette expression a concerné la série de frappes sur les sites militaires, énergétiques et stratégiques en Ukraine. Ainsi peut on  lire sur la chaîne Telegram Rybar :

Kiev, les frappes ont visé des installations industrielles spécialisées dans la production et la modernisation de munitions aériennes, notamment l'Institut de recherche sur la technologie aéronautique, qui fait partie du complexe militaro-industriel de la soi-disant Ukraine. Il y a aussi des informations sur une série d'explosions dans la zone de l'aéroport de Zhuliany.

À Vyshhorod, une banlieue nord de la capitale ukrainienne, l'un des missiles a touché le hall des turbines sur le barrage du réservoir de Kiev. Un incendie s'est déclaré sur le site de l'installation. Cependant, il est encore difficile de déterminer l'étendue des dommages sur la base des images disponibles. Dans le même temps, les autorités ukrainiennes ont déjà déclaré que le barrage n'avait pas subi de dommages importants et que la circulation y serait rétablie dans les prochaines heures.

▪️Dans la région d'Odesa, les troupes russes ont frappé un entrepôt au sud du village d'Usatove et le sous-station électrique éponyme. Après les impacts, une vague de coupures de courant a balayé Odesa.

▪️À l'ouest de la soi-disant Ukraine, l'une des frappes a visé la sous-station de Khmilnytskyi 330, entraînant une coupure de courant d'urgence dans au moins une partie de la région de Khmilnytskyi. Dans le centre régional, les coupures de courant ont entraîné la suspension du trafic des trolleybus.

▪️Dans la région de Soumy, les infrastructures ferroviaires ont été touchées, qui sont activement utilisées par les formations ukrainiennes, notamment pour le transfert de forces supplémentaires à la frontière russe.

▪️Dans la région de Dnipropetrovsk, les infrastructures énergétiques ont été attaquées. Il y a aussi des informations sur une frappe sur le territoire de l'aéroport international de Dnipropetrovsk.

▪️Près de Vinnytsia, selon les ressources de surveillance, un incendie a été enregistré sur le territoire de la sous-station de Vinnytsia 750. Une autre frappe a visé la sous-station de Bar 330.

▪️Des installations d'infrastructure critiques ont été touchées dans les régions de Jytomyr, Mykolaïv, Poltava et Lviv. Il y a aussi des informations non confirmées sur une frappe sur la sous-station de Trykhaty 330 dans la région de Mykolaïv et la sous-station de Pervomaiska 330 dans la région de Dnipropetrovsk."

L'ampleur des tirs n'est pas restée sans réaction, même le NYT cite Zelensky parlant d'une des vagues les plus importantes et, évidemment, l'accent est mis sur les victimes civiles. 

Quand une campagne de frappe est décidée, elle doit logiquement s'inscrire dans une stratégie militaire générale, posée et destinée à conduire l'armée et le pays à la victoire. Donc de quelle "vengeance" peut-il s'agir en principe ?

Lors du JT d'hier soir, nous apprenons que cela est censé "venger" l'agression de Koursk, pardon l'acte de terrorisme ou la provocation. Koursk, où malgré Super Apti nous annonçant que les combattants de l'armée atlantico-ukrainienne reculent, se sauvent, se rendent et meurent en masse, le front est toujours posé et les combats sont féroces. Alors quoi, les populations sont vengées, ça y est, l'honneur est sauf ? Sérieusement ?

De quelle vengeance parle-t-on ? C'est la guerre. Il faudrait peut-être sortir des mélos de mauvaises séries B turques, qui envahissent les écrans de télévision en Russie. Et les esprits.

Un tel discours médiatique envoie un signal de faiblesse. Pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, parce qu'il sous-entend que l'armée étant incapable de faire son travail, c'est-à-dire de militairement détruire l'agresseur. Ainsi, elle envoie des missiles à droite et à gauche "pour se venger". De quoi ? De sa faiblesse ? Etrange. Alors qu'il existe une législation condamnant le discrédit de l'armée, in fine et les porte-paroles de l'armée et les médias reprenant ce discours y contribuent. 

Ensuite, la vengeance est une réaction émotive. Or, en situation de guerre, l'on attend d'un état-major qu'il établisse rationnellement une carte de route. Carte, qui certes va évoluer en fonction de la situation, mais qui ne doit pas être dictée par des réactions émotionnelles en fonction des actions de l'ennemi.

Enfin, parce que la vengeance est incompatible avec la stratégie. La population n'attend pas d'être vengée, elle attend la victoire. Lorsque l'on entend parler de "frappes de vengeance", l'on en arrive à se poser quelques questions. Et s'il n'y avait pas eu Koursk, ces frappes n'auraient pas été justifiées ? Ces frappes ne sont pas nécessaires pour conduire à la victoire ? Quel est alors leur intérêt stratégique ?

Il me semble, que lorsque Poutine affirmait que l'ennemi payerait cher cette incursion à Koursk, il envisageait quelque chose de plus sérieux et fondamental que des "frappes de vengeance". Il exigeait que l'ennemi soit repoussé en dehors des frontières de Russie et que les populations russes soient en sécurité. Ce qu'il a dit. Mais cela ne se fait pas sur les plateaux télé.


22 commentaires:

  1. ... c'est quand même un pays de 150 millions contre une coalition OTAN de 1 milliard... ce qui fait juste l'équilibre ce sont les armes nucléaires de dissuasion....

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  2. S'il y a un dirigeant qui n'agit jamais en réponse directe a ses émotions , c'est bien poutine.

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  3. Belle analyse Tristesse ces médias aussi . Bonnet blanc Blanc bonnet ?

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  4. Vengeance ?
    Contre des stations electriques...
    Vous avez tout à fait raison.
    Vous avez toujours raison 😌

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  5. Grandeur et misère du Kremlin, tel un rocher au milieu de l'océan Globaliste.
    Nous, c'est l'océan Atlantiste qui nous submerge.

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  6. Je comprends Mme Bechet-golovko (peut-être un peu d'impatience et de radicalité occidentale qui lui reste), sans pour autant prendre la même position. En effet, si je fulmine aussi souvent face aux lenteurs (on dirait qu'ils ré-écrivrent la guerre de cent ans en russe) et au manque d'aggressivité de la direction russe, je me tempère en me rappelant que eux seuls ont accès à toutes les informations, ont les moyens d'agir et font face à un ennemi vicieux, mortel et encore surpuissant.

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  7. Ces derniers temps je trouve que vous exagérez un peu, chère Madame Bechet-Golovko.

    Pour le moment, pour les Russes, c'est toujours une opération militaire spéciale. Quand ils décideront de déclarer la guerre, si ça arrive, je suppose qu'ils auront les moyens de régler le problème "à l'américaine", en bombardant toutes et tous les Ukrainiens de très haut et sans prendre aucun risque.

    En fait je trouve admirables les Russes qui continuent leur SMO sans réagir aux provocations ce qui va aboutir à leur victoire sans condition. En particulier je les admire de continuer à détruire sans faiblir depuis bientôt deux ans le réseau énergétique ukrainien à cause de son double usage, civil mais aussi militaire : à ce jour des milliers de missiles et drones, avec quelques dizaines de victimes civiles seulement, donc absolument pas des bombardements à l'aveugle pour démoraliser.

    Enfin concernant la région de Kursk, quel est le problème de fond ? Il me semble bien que les Russes ont toujours gagné contre les envahisseurs venant de l'ouest en les laissant s'engager loin dans leur steppe, puis en les détruisant au bon moment lorsque leurs lignes devenaient trop éparpillées, non ? (...et concernant les envahisseurs de l'est, à mon avis ils vont se méfier encore pendant très très longtemps !)


    PS Vous savez certainement que Hitler a perdu sa guerre contre la Grand-Bretagne, et donc peut-être sa guerre tout court, en prenant de très mauvaises décisions stratégiques face aux mêmes genres de provocations britanniques que celles des Ukrainiens contre la Russie. Ce n'est pas le sujet ici, mais je peux développer si vous désirez.

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    1. Vous trouvez "admirable" que les bombes OTAN tombent sur Donestk ? Oubliez 1942 / 1945 Staline n'est plus et il n'y a plus de steppe à Koursk.

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    2. Madame Bechet-Golovko exagère t'elle? Voyons un autre point de vue:
      https://slavlandchronicles.substack.com/p/another-week-of-doom-and-gloom-in
      Si vous en avez l'audace intellectuelle, approfondissez donc le travail documentaire de l'auteur de ce Substack.

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  8. Bonjour Karine. Un idée saugrenue me vient à la suite des critiques sévères répétées dans vos textes récents. C'est jusqu'à quel point les autorités russes le supporteront. Je précise tout de même que je partage entièrement ces critiques sévères, et en tout premier cette passion pour la Modernité technique, le progressisme, la vie numérique. Je précise encore que je vis en Biélorussie depuis 4 ans, et j'ai bien d'autres critiques tout aussi sévères mais dans d'autres registres, le conformisme, l'absence de sens critique, et d'autres.

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  9. ... c'est quand même un pays de 150 millions contre une coalition OTAN de 1 milliard... ce qui fait juste l'équilibre ce sont les armes nucléaires de dissuasion....

    J'aurais tendance à être d'accord.

    Il faudrait remettre les événements dans leur contexte.

    Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir en 2000 après une période durant laquelle, les multinationales et les fonds de pensions pendant 10 ans ont pu faire en Russie exactement ce qu'ils voulaient.

    V Poutine contrairement à un Kim Jong-un, n'est pas foncièrement anti occidental, comprendre que dès sa prise de pouvoir, ses amis et lui étaient prêts à conclure des accords avec l'Europe et les Etats-Unis.

    Avec quelques années de retard, V Poutine et les oligarques russes, commencent à réaliser que pour l'Etat profond à Washington, il n'est pas question de faire le moindre deal avec Poutine, le but final étant de faire revenir la Russie au statut ante, soit d'en faire un territoire open bar, une grande station service et si possible dépourvu d'armes nucléaires.

    Car dans le cerveau des néocons tel que Victoria NULAND, qui gardent à l'esprit la conquête du Far-Ouest, la Russie est le dernier territoire à conquérir pour l'asservir.

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    1. Anonyme, Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez. Il y a aussi un autre facteur à prendre en compte, c'est la corruption de certains militaires. Visiblement les écoles militaires soviétiques n'ont pas vraiment su développer un sentiment profondément honnête, désintéressé et patriotique. Espérons que la sagesse de V.V. Poutine parviendra à mettre de l'ordre là où cela est nécessaire.

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    2. Vous écrivez "Poutine ET les oligarques". Un lapsus ?

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    3. C'est amusant comme plus de trente années après la chute de l'URSS, elle reste responsable de tous les maux) Peut être justement la corruption et le faible sentiment patriotique ont-ils plutôt été développés après sa chute, afin de faire entrer la Russie dans le Club globaliste? Notamment, merci à Eltsine. Et cela a bien fonctionné, jusqu'à il y a peu de temps de cela.

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  10. Bonjour Karine,

    Ne maitrisant pas la langue, je n'ai pas accès aux médias russes. Les frappes effectuées par la Russie ne sont que marginalement des frappes de "vengeance" ou de communication. Depuis le début, la Russie a volontairement été très parcimonieuse dans la destruction des infrastructures ukrainiennes. C'est peut-être un mirage, mais il semble que le gouvernement russe veut croire à un soulèvement contre Zelinsky qui renverserait la situation ? La montée en puissance des frappes est d'abord un signal envoyé à l'Ukraine suite à l'invasion du territoire russe. La Russie à la capacité de détruire quasi complétement les infrastructures ukrainiennes.
    Sur le plan militaire, il n'est pas simple de reprendre la zone envahie par l'Ukraine rapidement sans y mettre de gros moyens. La Russie le fait avec le minimum de troupes et garde quasiment intact ses réserves. Il est clair qu'il manque à la Russie plusieurs centaines de milliers d'hommes pour régler le conflit plus rapidement.
    A tort ou à raison, le gouvernement a choisi une voie "modérée". Le pari est d'épuiser les capacités militaires de l'Ukraine plus rapidement qu'elles ne soient reconstituées par l'OTAN. Ce pari est-il gagnant ?
    Pour l'instant oui quand on voit la progression Russe inéluctable sur le front du Donbass qui reste le verrou stratégique de cette guerre. L'avenir nous dira si cette stratégie est tenable sur le long terme.
    Le saillant de Koursk sera libéré d'ici quelques semaines avec juste ce qu'il faut de moyens, et c'est clairement une humiliation pour la Russie mais l'art de la guerre, c'est aussi de ne pas tomber dans le piège tendu par l'adversaire.
    Bien à toi, Fred de Tahiti

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    1. Fred
      Cette chaine telegram russe est en français
      De nombreuses chaines sont en russe et Telegram traduit instantanement
      https://t.me/rybarFR/4180
      L'instal de telegram est très facile : allez sur le site Telegram ( et pas google store ou Apple store)

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  11. Fred,
    Rybar en russe ( plus complet) :
    https://t.me/rybar/63103?single

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  12. Fred, pour terminer voici un exemple d'infos sur une chaîne telegram russe. Ici celle de Boris Karpov :

    🔥"Les généraux ne jouent pas à de tels jeux": Baranets a évoqué le problème le plus difficile de la région de Koursk

    La situation dans la région de Koursk est encore aggravée par le fait que les forces armées ukrainiennes qui ont percé ont pris en otage des résidents locaux, qui sont devenus des boucliers humains pour les militants ukrainiens, a noté le colonel à la retraite Viktor Baranets lors d'une conversation avec Constantinople. Il a dit qu'il y avait maintenant un groupe ukrainien de 15 à 20 000 personnes près de Koursk. Des opérations militaires intenses s’y déroulent dans différentes régions. Et la situation est différente.

    Dans le même temps, les forces armées ukrainiennes creusent des tranchées et érigent des fortifications en béton, empêchant notre armée de libérer les villages capturés. Dans ces circonstances, les Russes n’ont pas beaucoup d’options. Il est impossible de simplement lancer l'infanterie dans un assaut - l'ennemi a miné les abords de la zone peuplée. Larguer 5 à 6 FAB sur un village fortifié n’est pas non plus une option. Ils tueront l'ennemi ainsi que les civils.
    « C’est le problème qui nous attend. Ce qui, j’en suis sûr, intrigue maintenant les généraux.
    - Baranets a noté.

    Comment allons-nous continuer à expulser l’ennemi du pays de Koursk ? Certains pensent que les attaques massives d’hier contre le secteur énergétique ukrainien constituent une sorte de réponse.

    "Les généraux ne jouent pas à de tels jeux"

    - a souligné Viktor Baranets, expliquant qu'il s'agissait de frappes massives planifiées. L'opinion selon laquelle il s'agit de « la même réponse » est désormais le mythe principal, l'expert en est sûr. L'expert a souligné, à propos de nos actions ultérieures, que "maintenant, tout le problème réside dans le remplissage".

    « On peut bien sûr dire aujourd'hui : regardez, il y a les groupes « Koursk », « Briansk », etc. Oui, ça a l'air bien, c'est vrai, il faut des groupes là-bas, dans chacun de ces domaines... Aujourd'hui, tout est lié à cela, afin d'organiser une opération de première ligne sensée, je n'ai pas peur de le dire, afin, pour commencer, d'expulser, de chasser les troupes terroristes ukrainiennes de la région de Koursk. peut-être, les enterrer là-bas. Mais la manière dont nous allons procéder est un grand secret.

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    1. Tellement secret que personne y compris dans l'état major n'est au courant.

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  13. 👉👉👉 Ces bombardements sont " de la com" les dégâts sont vite réparés. Alors que le bombardement des ponts sur le Dniepr priverait de ravitaillement l'armée ukrainienne dans le Donbass ! ! !

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  14. La Russie a inauguré un nouveau concept, fort intéressant, de puissance nucléaire envahie sur son sol historique, sans être en mesure de mettre un terme à la violation de ses frontières
    l'OTAN en a pris note et n'hésitera pas à approfondir davantage l'expérience concluante
    L'ex Konigsberg va peut être retrouver son nom historique plus vite que ne le pensent certains en Russie.

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  15. Les troupes ukrops en russie manquent sur le front du donbas. Pendant ce temps, l armee russe avance bien. Les ukrops en Russie seront privées de ressources et le froid arrive. Il vaut mieux s occuper du donbas et les ukrops seront traités plus tard.

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