Publications

vendredi 5 avril 2013

Le penseur d'opposition Piontkovsky sort du Conseil de coordination de l'opposition pour des raisons d'incompatibilité morale

Voir: http://izvestia.ru/news/548034
http://vz.ru/news/2013/4/4/627427.html
https://www.facebook.com/andrei.piontkovsky/posts/3123266975903

André Piontkovsky est un écrivain politique, un penseur d'opposition, particulièrement critique envers le régime, sa corruption généralisée et son absence d'idée d'Etat. Qu'il soit formellement entré dans l'opposition, et dans le Conseil de coordination de l'opposition, c'est une chose tout à fait naturelle. Qu'il en sorte, est plus surprenant et porte un coup très dur à ce Conseil, qui ressemble de plus en plus à un club privé d'affaires. Revenons sur les raisons de la sortie de Piontkovsky.
 
Sur sa page Facebook, il écrit être trop occupé pour devoir expliquer des choses évidentes à des personnes adultes. Deux questions l'ont particulièrement choqué. La première concerne les violations de la procédure d'élection du secrétaire du Conseil, puisque les différents candidats auraient du avoir les mêmes possibilités pour exprimer leurs positions, ce qui ne fut pas le cas. La seconde est l'appel à contribution pour financer une émission d'un de leur membre, le journaliste Ilya Ponomarev, ce qui n'entre pas dans les priorités de Conseil de coordination de l'opposition. Selon les propos d'André Piontkovsky, si ses collègues ne comprennent pas les problèmes moraux que cela pose, aucune discussion n'est alors possible. Il a donc annoncé sa sortie de l'institution.
 
En effet, en mars, les Gudkov, Ilya Ponomarev et Dmitri Nekrassov (l'ancien secrétaire du Conseil) ont mis en place un Fond de soutien aux médias indépendants. Dans ce cadre, Ponomarev a passé un accord avec la chaîne de télévision Dojd, pour lancer une nouvelle émission, qui doit être financée pour moitié par le Fond et pour moitié par la chaîne. Piontkovsky estime à juste titre que l'opposition doit avoir d'autres priorités que de financer les projets de Ponomarev.
 
Ces derniers temps, de grandes figures de l'opposition sont sorties de ce Conseil et la question non seulement de sa légitimité mais également de son avenir commence à se poser sérieusement.
 
 

jeudi 4 avril 2013

Astakhov / Parkhomenko: au-delà du plagiat, des méthodes de combat

Voir: http://kommersant.ru/doc/2162181?fp=11
http://dissernet.org/index.php/DISSERNET.ORG:Ast2006

Le journaliste d'opposition Parkhomenko accuse l'Ombudsman fédéral pour les enfants, Pavel Astakhov, de plagiat pour sa deuxième thèse de doctorat, équivalent de l'ancien doctorat d'Etat. L'Ombusdman se défend d'une telle accusation. Selon lui, sa deuxième thèse a été conçue comme la continuation de la première, d'où la reprise de certains éléments. L'argumentation est faible, rien à dire.
 
Mais, la question n'est pas là. La valeur scientifique de la thèse de P. Astakhov n'intéresse personne, pour la simple et bonne raison qu'il n'exerce pas d'activité scientifique. La question est politique.
 
Car c'est seulement mantenant que l'Ombudsman se prononce contre l'adoption internationale, contre notamment l'adoption par des ressortissants américains, qu'il critique le manque de transparance et de coopération avec la Russie en cas de problème, que l'opposition s'intéresse à sa thèse.
 
Et son texte est passé à travers les griffes d'un programme anti-plagiat (voir le lien sur dissernet) permettant de faire ressortir les sources en ligne. Pourtant, tous ces programmes anti-plagiat ne peuvent être utilisés de manière brut. Il faut voir et analyser sur chaque page de texte où sont les citations dans le texte, quelles sont les notes de bas de page etc. Sans cela, les résultats fournis n'ont aucune valeur. Mais ce travail n'a pas été fait et seuls les résultats bruts ont été annoncés avec pompe.
 
Ce qui attire l'attention, c'est la manière dont l'opposition utilise les méthodes qu'elle reproche au pouvoir, à savoir d'attaquer de manière sélective, en se fondant sur les slogans de grande moralité, mais avec des desseins politiques précis. C'est exactement ce que fait l'opposition ici.
 
Personne ne s'intéresse à la thèse de l'Ombudsman. Mais tout à coup, elle est ressortie.Il faut lutter contre les falsifications, pour l'amélioration de la science? Là n'est pas le but. Il faut utiliser toutes les armes disponibles pour discréditer, sans s'arrêter sur les détails. Comme l'écrivait Jean-Paul Sartre dans Les Mouches, Pas de détails! Surtout pas de détails. Une victoire racontée en détails, on ne sait plus ce qui la différencie d'une défaite!
 
Il ne s'agit donc pas d'analyser les détails de la thèse, mais de faire passer le message que les personnes en place ne sont pas fiables, en gros et en général. Bref, Dieu reconnaîtra les siens.

mercredi 3 avril 2013

Le hijab et l'enseignement en Russie: la résolution d'un conflit en douceur

Voir: http://kommersant.ru/news/2161476

Dans un pays multi-confessionnel comme la Russie, la question du vivre ensemble est un compromis délicat qu'il faut entretenir au quotidien. Si la France a pu adopter la loi contre le port du voile islamique, la Russie doit louvoyer pour atteindre le même résultat, tout en préservant une certaine paix sociale, notamment dans les régions où l'islam est religion dominante.
 
En octobre de l'année dernière, un premier conflit est médiatisé concernant l'interdiction du hijab dans un établissement scolaire d'un village du Kraï de Stravropol. V. Poutine, voulant éviter la stigmatisation du conflit, se déclare contre l'autorisation de porter de hijab à l'école, mais pour éviter les tensions, favorable au retour de l'uniforme scolaire.
 
En mars de cette année, un conflit semblable émerge au sein de l'université médicale d'Etat de Krasnoïarsk. Le réglement intérieur de l'Université prévoit en effet l'interdiction du port de tout vêtement à connotation religieuse. Un jeune étudiante venant du Daghestan et portant le hijab en cours s'est donc faite renvoyée. La procuratura s'est penchée sur l'affaire et considère que, effectivement, le règlement intérieur doit être modifié, car il contrevient à la loi fédérale sur l'enseignement. De son côté, la famille (la diaspora daghestanaise comme l'appelle l'article) discute avec la direction de l'Université et parvient à un compromis: la jeune fille réintègrera l'Université en septembre, pour reprendre les cours là où elles les a interrompus, mais elle ne portera plus le hijab.
 
Donc, si la loi n'interdit pas formellement le port de vêtements religieux, celui-ci n'est effectivement pas désirable. Et les familles comprennent également l'importance de l'intégration sociale de leurs enfants lors et après leurs études.
 
 
 
 

mardi 2 avril 2013

Dmitri Gudkov rattrapé par Kundera: les danseurs en politique

Voir: http://izvestia.ru/news/547804

Le député Dmitri Gudkov, bien connu pour son combat pour la transparence financière de ses collègues, vient de se faire rappeler à l'ordre. Il détient en effet 25% des parts d'une entreprise en Bulgarie, entreprise familiale du clan Gudkov.
 
Il ne l'a tout d'abord pas déclaré, n'exerçant aucun bisness, puis l'a reconnu mais esimait qu'il n'était pas obligé, ensuite il a déclaré avoir transmis ses parts à son frère. Ca sonne mal après tout le bruit qu'il fait autour de son combat moral pour l'éthique en politique.
 
Et il est vrai que ces derniers temps, beaucoup de ses confrères requièrent toute l'attention des médias et du pouvoir. Comme le rappelait Jirinovsky, en cherchant on trouve.
 
Cela me fait penser à ce magnifique livre de Kundera, La Lenteur. Il explique ce qu'est un "danseur". "Tous les hommes politiques d'aujourd'hui, selon Pontevin, sont un peu danseurs, et tous les danseurs se mêlent de politique, ce qui, toutefois, ne devrait pas nous amener à les confondre. Le danseur se distingue de l'homme politique ordinaire en ceci qu'il ne désire pas le pouvoir mais la gloire. (...) Pour occuper la scène il faut en repousser les autres. Ce qui suppose une technique de combat spéciale (...) le judo moral; le danseur jette le gant au monde entier. (...)Et il manie toutes les prises qui lui permettent de mettre l'autre dans une situation moralement inférieure". Pour cela, il ne va pas suivre les règles de la politique, qui se fondent sur les négociations cachées, mais il fera de grandes annonces qui vont surprendre son adversaire et le mettre en porte-à-faux.
 
Mais ... et c'est ici que la comparaison s'arrête : "Celui qui éprouve de l'aversion pour les danseurs et veut les dénigrer se heurtera toujours à un obstacle infranchissable: leur honnêteté; car en s'exposant constamment au public, le danseur se condamne à être irréprochable; il n'a pas conclu comme Faust un contrat avec le Diable, il l'aconclu avec l'Ange". Il fait de sa vie une oeuvre d'art, elle est la réalisation de son Idée de soi.
 
Or, la manière dont se comportent certains opposants est plutôt naïve: danseur devant les caméras, à la recherche de la gloire et poussant toujours plus loin, mais en oubliant le prix à payer: être irréprochable.
 
Il faut faire un choix et vient toujours le moment de payer. De part et d'autre. C'est peut être le prix pour un réel renouveau de la politique.

lundi 1 avril 2013

Chypre soulève la question de la participation de l'Etat dans les entreprises

Suite à la crise à Chypre, un certain nombre d'entreprises russes risquent d'avoir des pertes sensibles. Il ne s'agit pas d'argent de la "mafia", il ne s'agit pas d'argent sale qu'il faut cacher. Cela concerne des entreprises russes qui déposent de l'argent dans les banques chypriotes et ensuite rapatrient une partie en Russie, ce qui fait de Chypre un des investisseurs de poids en Russie, même si l'argent est russe.
 
Qu'une enterprise privée saisissent toutes les possibilités légales lui permettant de payer moins d'impôts, d'augmenter ses bénéfices, c'est logique.
 
Mais la question qui se pose ici est de savoir pourquoi des entreprises russes, avec une participation plus que significative de l'Etat utilisent ces mécanismes?
 
La logique de l'intervention de l'Etat dans l'économie sous forme d'une participation au capital en tout ou partie repose sur quelques principes: garantir une activité vitale pour l'Etat, soutenir un secteur socialement sensible qui est en difficulté, permettre au budget national d'obtenir des entrées sous forme d'impôts.
 
Or, ces entreprises, qui devraient tenir compte de cette logique, puisqu'elles appartiennent en partie à l'Etat, se conduisent comme des entreprises purement privées, ne tenant aucun compte de l'intérêt public. Il faut dire que, effectivement, elles sont soumises à un régime de droit commun. Alors pourquoi ne pas chercher le profit à tout prix et à court terme?
 
Et maintenant l'Etat doit voir s'il ne faudra pas les aider. Autrement dit, l'Etat perd une première fois en ce qui concerne le budget, et une deuxième fois s'il faut les refinancer. Le temps ne serait-il pas venu de revoir leur statut? Si des entreprises bénéficient du soutien de l'Etat, il est normal qu'elles soient soumises à des obligations spéciales. Sinon la participation même de l'Etat perd tout son sens, d'un point de vue systémique.