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vendredi 15 août 2014

Le départ de Igor Strelkov: les explications possibles

Игорь Стрелков (в центре)

La révolution de Donetsk et Lugansk a pris fin. Définitivement fin. La dernière grande figure charismatique, le Gourou du mouvement de libération de Novorossia, a quitté ses fonctions. La formule surprend pour un combattant. L'annonce de son départ vers de nouvelles fonctions surprend plus encore. Les remaniements dans les structures des nouvelles républiques populaires font appel maintenant au professionalisme. Plus précisément aux professionnels locaux. C'est la fin des révolutions, débute la tentative d'institutionnalisation. Mais est-ce dans l'intérêt de la Russie ou du capital russe? Ou bien tout simplement s'agit-il d'une trahison?



L'annonce hier du départ de Igor Strelkov de ses fonctions de ministre de la défense de la République populaire de Donetsk a surpris, choqué, désarçonné. Lui, l'homme providentiel des premiers jours du combat, lui qui a organisé les troupes, galvanisé les combattants, pour devenir un symbole équivalent au Che. Lui, l'image même de la probité et du Stratège. Comment démissioner un symbole?

Il est parti. A sa place, est nommé Vladimir Kononov, né dans la région de Lugansk, qui a terminé l'Institut d'aviation civile puis l'Institut pédagogique à Slaviansk, a eu une formation de commandement. Il a rejoint les combattants le 13 avril 2014 et son surnom est "Tsar". La fonction de Chef de l'état major a été crée et elle est occupée par l'homonyme de Strelkov, Nikolaï et non Igor, ce qui amené une grande confusion médiatique les premières heures. Nikolaï Strelkov, né à Krasnyi Lutch (région de Lugansk) dans une famille de mineurs, il a eu un enseignement supérieur dans l'armée russe, où il a fait ses preuves au combat. Militaire d'expérience à la retraite, il a été nommé à Donetsk au poste de Chef d'état major.

Les trois manières d'envisager la situation.

La tentative d'institutionnalisation

Ce sont des professionnels, à la tête froide qui sont arrivés à la tête de ces républiques. D'un point de vue plus général, voici quelques remaques:
  • Strelkov a apporté tout ce qu'il pouvait apporter, maintenant il faut passer la main. Et le fait qu'il en sorte vivant est déjà en soi un point plutôt positif, beaucoup le préfèreraient mort en héros. Les héros morts ne parlent pas, avec les vivants il y a toujours des risques.
  • La contre-attaque se précise, et elle est fondamentale pour faire reculer l'armée ukrainienne qui joue son va-tout dans cette bataille. La professionnalisation des cadres est posée, ce qui concerne également le "remplacement" de Bolotov, le chef de la République populaire de Lugansk, par Plotnitsky, qui était en charge de la défense de la jeune république.
Donc nous sortons du romantisme des premières heures pour entrer dans la routine de la construction d'une structure presqu'étatique viable. Mais pour autant, la manière dont les choses ont été faites manquent sérieusement de "finesse", pour ne pas dire de réflexion. On ne met pas un symbole à la retraite, certains le disent à Sébastopole. Pas de cette manière, d'autant plus que le combat est très loin d'être fini et que même sous forme de "symbole-non-combattant" il aurait pu être très utile dans la région.

La victoire du Capital et les négociations avec Akhmetov

Selon certains analystes, la Russie aurait négocié un accord. L'oligarque Akhmetov aurait un "contrôle politique" de la situation, en contre-partie de quoi il soutient l'établissement d'une "Transnistrie ukrainienne". Mais plusieurs questions se posent. Tout d'abord, pourra-t-il négocier avec Kiev ? Kiev aura-t-il le feu vert des Etats Unis? Cela dépend du but réel de la guerre menée par les Etats Unis dans la région. 

Politiquement, cette version est également plausible. La Russie est un pays libéral, gouverné sinon par le capital, du moins avec lui. Strelkov et les idéalistes de la première heure voulaient installer un Etat juste, pour les hommes, donc contre le capital. Strelkov dérangeait ainsi beaucoup de personnes, en Russie aussi. Certains estiment que son départ a été négocié en contre-partie du renforcement de l'aide russe. Si cela est vrai, est-ce dans l'intérêt de la Russie ou du capital russe? 

Imaginons un instant la réalisation de ce scénario. La Russie négocie une "sortie honorable" avec les hommes d'Akhmetov. Celui-ci accepte, d'une manière ou d'une autre ils obtiennent également l'accord de Strelkov. Strelkov part, car il ne peut de toute manière entrer en conflit avec son pays. Une contre offensive est lancée, l'armée ukrainienne recule et les frontières se fixent autour des régions de Donetsk et Lugansk.

Avantage pour Kiev: la conception de Novorossia est remise à plus tard, le territoire est largement réduit, ne touche ni Kharkov, ni Odessa, comme cela était envisagé. De même, pas de mouvement de libération national, le régime de Kiev est tranquille, il peut continuer. Chacun son territoire, vous ne nous touchez pas et l'on ne vous touche pas. Les oligarques restent, tout va bien. Les gens sont donc morts d'un côté pour la bande de Poroshenko et du capital américain et de l'autre pour la bande d'Akhmetov et du capital russe. En tant qu'idée nationale, ça ne passe pas, mais l'on parlera plutôt de plan de paix et tout le monde sera content. Et la Russie n'aura un pas modèle économique "populaire" à ses portes, elle la capitaliste ne peut soutenir l'établissement d'une république populaire.

Le capital américain prendra possession de tout le reste de l'Ukraine, les Etats Unis pourront même y installer des bases de l'OTAN - officiellement - et s'occuperont de l'exploitation des richesses énergétiques, donc contrôleront aussi une partie de l'approvisionnement en gaz de l'UE. Le capital russe s'occupera du rétablissement des relations commerciales avec l'Ukraine et avec l'UE, et partout les entrepreneurs seront heureux de voir s'affaiblir les sanctions économiques. L'UE sautera de joie à l'idée de relancer ses exportations et de toute manière fera ce qu'on lui dira de faire.

Et la Russie, pas le capital russe mais la Russie, aura gagné la Crimée, installé une zone tampon fragile et honéreuse avec les régions de Donetsk et Lugansk et perdu l'Ukraine, où le sentiment anti-russe sera profondément ancré dans la population. L'exemple d'une politique menée en fin de compte avec tant de cynisme, l'impossibilité de prendre une réelle décision rapidement, la faiblesse du politique face au capital, donnera une très mauvaise image de la Russie chez "les peupes" frêres pendant encore longtemps, si un très gros effort de communication n'est pas fait très rapidement.

Et c'est le scénario optimiste, c'est-à-dire celui par lequel les combattants reprennent suffisamment de territoire pour être en position de force pour négocier. Celui où Kiev est d'accord et où la frange modérée aux Etats Unis fait entendre sa voix. Dans ce cas-là, les gens ne meurent plus. Et si Kiev avec les Etats Unis ne sont pas d'accord? Strelkov est parti, la Russie a déjà rempli sa part du marché. La guerre continue alors jusqu'au bout. Le problème étant que personne ne connait réellement quel est le but de cet étrange conflit.

La trahison
Le départ de Strelkov serait le résultat d'une trahison, les républiques ne vivent alors que leurs dernières heures, Kiev va reprendre le contrôle. Ce scénario est très peu plausible en regardant la situation militaire.

Les bombardements de l'armée ukrainienne sur Donetsk se sont intensifiés, jours et nuits, mais les combattants reprennent du terrain. Aujoud'hui. Donc il y a peu de chances que les armes soient déposées.

La véritable alternative d'interprétation semble s'articuler entre la première et la deuxième explication. 



3 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec cet article.D'après ce que j'ai pu comprendre ceux que vous appelez les "idéalistes", Strelkov en tête, veulent établir une sorte de République Socialiste Orthodoxe (socialiste au bon sens du terme).Est-ce ce projet qui prend fin ? Strelkov est le seul homme de cette guerre à inspirer confiance en dehors des frontières du Donbass.Sa mise à l'écart est une énorme erreur dans la guerre médiatique.Si la RPD avait des conseillers en communication au niveau requis,ceci n'aurait jamais été fait.Sauf si cette guerre s'achève en un sordide marchandage entre oligarques évidemment.

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  2. Aux dernieres nouvelles, Strelkov a la charge de mettre sur pieds une armée professionnelle pour la Nouvelle Russie. Pourquoi parler de trahison !

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  3. Merci pour cet article qui donne une vision réaliste de la situation, et qui met en valeur la bêtise des medias occidentaux

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