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mercredi 3 décembre 2014

Le nouveau Gouvernement ukrainien: entre compromis et allégeance



Après de nombreuses discussions, et avec l'aide du vice-président américain J. Biden, l'Ukraine a enfin pu constituer son nouveau Gouvernement. Seuls 5 ministres ont gardé leur poste, le Bloc Poroshenko a obtenu la majorité et 3 ministres étrangers ont été nommé aux postes clés des finances, de l'économie et de la santé publique.


La composition du Gouvernement
Ainsi, Yatséniuk n'a pu obtenir ce qu'il voulait et le Bloc Poroshenko renforce sa position dans ce nouveau Gouvernement, ce qui ne va pas manquer de provoquer des conflits internes et des rivalités. En ce qui concerne la répartition des postes par partis politiques (présentation rapide en français ici), à l'exception du ministre des affaires étrangères et de la défense nommés par le Président et confirmés par la Rada, se présente de cette manière.

Bloc Poroshenko:
  1. N. Iaresco, ministre des finances (USA)
  2. A. Kvitachvili, ministre de la santé(Géorgie) 
  3. A. Abromavicius, ministre du développement économique et du commerce (Lithuanie)
  4. G. Zubko, vice-directeur de l'Administration présidentielle devient vice- premier ministre et ministre de la construction régionale et du logement
  5.  V. Demtchichine, ministre de l'énergie
  6. A. Pivovarski, ministre de l'infrastructure
  7. S. Kvit, ministre de l'enseignement
  8. P. Pozenko, ministre de la politique sociale
  9. Y. Stec, ministre de la politique de l'information
Poroshenko a réussi a nommer un grand nombre de ministres, en ajoutant encore les affaires étrangères et la défense. Ces deux ministres gardent par ailleurs leur poste. rappelons qu'il s'agit de P. Klimkin aux affaires étrangères et de S. Poltorak (commandant de la garde nationale ukrainienne et des Internal Troops of Ukraine) à la défense. Ainsi, Poroshenko reprend la main sur le Gouvernement, que Yatséniuk n'a pu totalement s'approprier, malgré sa tentative de révolution de palais après les élections parlementaires, lorsqu'il s'était auto-proclamé vainqueur. L'autre aspect intéressant est l'apparition d'un ministère de l'information, immédiatement rebaptisé par les journalistes, notamment ukrainiens, ministère de la propagande. 

Front populaire (Yatséniuk):
  1. V. Kirilienko, vice-premier ministre et ministre de la culture
  2. A. Avakov, ministre de l'intérieur
  3. P. Petrenko, ministre de la justice
  4. A. Onichenko, ministre du Cabinet des ministres 
Yatséniuk a réussi un coup de force en gardant A. Avakov, mais pour cela il a du mettre tout son poids dans la balance et menacer de partir. Ce type de chantage politique ne marche qu'une fois et n'est pas une preuve de grand poids intérieur pour les deux protagonistes. Rappelons que Liachko avait proposé sa candidature pour ce poste.

Autres fractions politiques:
  1. Batkivchina (Y. Timoshenko): I. Chevchenko à la culture et I. Jdanov au sport et à la jeunesse;
  2. Samopomoch (financé par Kolomoïsky): A. Pavlenko à l'agriculture;
  3. Parti radical  (Liachko): V. Vochtchevski est vice-premier ministre.
La première surprise est l'apparition de 2 ministres au nom de Timoshenko, qui n'en espérait pas autant. Cela montre que le poids politique de l'ancienne premier ministre n'est pas totalement perdu et peut même remonter,  vu le vide de réels politiciens en Ukraine aujourd'hui. En ce qui concerne le candidat de Samopomoch, également appelé le parti des bataillons, ils ont eu l'intelligence de présenter une candidature neutre, qui n' a pas fait de politique professionnelle mais a une expérience du business. Encore un mot concernant la candidature proposée par le Parti radical,  V. Vochtchevski. C'est une figure traditionnelle du paysage politique ukrainien, puisqu'il travaillait déjà pour le Président Kutchma et, en 2003-2005, s'est occupé des questions de l'intégration européenne de l'Ukraine.

La présence de trois ministres étrangers
La présence au sein du Gouvernement de trois ministres étrangers a fait couler beaucoup d'encre, et pour cause, cela est choquant. Pour autant, ces trois personnes ne sont pas totalement sans liens avec l'Ukraine. Mais formellement, il a fallu un tour de passe passe pour les faire entrer au Gouvernement. Avant midi, hier, ils demandaient la nationalité ukrainienne et en début de séance à la Rada, Poroshenko annonçait qu'il avait pris un décret le leur accordant. Ils sont donc "naturalisés" ukrainien. N'oublions pas que cela aurait pu être pire. Kiev avait proposé à M. Saakachvilli, l'ancien président géorgien faisant l'objet d'une enquête pénale dans son pays, d'être vice-premier ministre. Heureusement, celui-ci a eu la bonne idée - pour l'Ukraine - de refuser. En effet, il espère toujours, avec l'appui de J. Biden, de revenir à la tête de la Géorgie et d'y régler ses comptes.

Donc finalement, l'Ukraine a eu de la chance de ne récupérer que l'ancien ministre géorgien de la santé qui est très connu dans le pays pour l'ouverture d'un nombre impressionnant d'hôpitaux ... virtuels. Car le matériel médical manquant, il était transporté d'une structure à l'autre, le jour de l'ouverture solennelle, par camion. A. Kvitachvili est principalement accusé dans son pays d'avoir destructuré le système de soin. Le choix de Kiev soulève donc des questions. D'autant plus que cet individu travaille déjà depuis 3 mois sur les réformes en Ukraine, et les résultats laissent à désirer, les médicaments pour les maladies graves (cancer, diabète, etc.) n'ont pas été achetés par l'Etat et les gens n'ont pas les moyens de se les payer. Les hôpitaux se trouvent également à cours de produit pour les dialyses, par exemple.

Le nouveau ministre de l'économie est pour sa part beaucoup plus connu, surtout pour ses activités d'investissement en Europe de l'Est. A. Abromavicius a terminé l'Université internationale Concordia de Tallinn, qui est une institution privée. En tant que partenaire à East Capital, il a largement fait investir dans les entreprises ukrainiennes, plus de 200 millions de dollars. Il entretient également des liens familiaux avec l'Ukraine, sa femme est ukrainienne.

Quant à la nouvelle ministre des finances, N. Iaresco, née aux Etats Unis d'une famille d'immigrants ukrainiens, elle est revenue en Ukraine il y a 20 ans. Et malgré son amour annoncé pour sa "patrie d'origine", étrangement, elle a attendu ce jour pour demander la nationalité ukrainienne et donc renoncer à la nationalité américaine.

Le fait que ces personnes aient un lien avec l'Ukraine peut être un facteur rassurant pour le pays. Toutefois, la nationalité n'est pas une formalité dont on se débarrasse au déjeuné, comme cela a été fait. Beaucoup de questions se posent à leur sujet: n'était-il pas possible de trouver des personnes compétentes ayant la nationalité ukrainienne? Pourquoi le fait d'être étranger donne-t-il une garantie d'indépendance? Et si l'on parle d'indépendance, il faut encore déterminer par rapport à qui et à quoi? Il semblerait surtout que ces gens soient indépendants du peuple ukrainien. Ce qui n'est pas une garantie pour le pays. 

D'un autre côté, c'est logique, puisque Yatséniuk a annoncé que ces 5 prochaines années, la priorité du Gouvernement est la collaboration avec les organismes internationaux, comme le FMI ou la Banque Mondiale, car de toute manière personne n'investira en Ukraine. Yatséniuk n'envisage donc aucune réforme dans l'intérêt national, qui officiellement n'est plus une priorité de l'Etat ukrainien. 

Le vote à la Rada
Après avoir plusieurs fois reporté la séance, finalement la Rada a voté la composition du Gouvernement. 288 ont voté pour: 136 voies du Bloc Poroshenko, 80 du Front populaire, 25 de Samopomoch, 21 du Parti radical, 16 de Batkivchina. Les 9 députés hors fraction ont également apporté leur voie au Gouvernement, ainsi qu'un député du groupe "Développement économique".

Un député a voté contre.

Le Bloc d'opposition n'a pas voulu prendre part au vote. Et certains députés se sont également abstenus en raison de la création d'un ministère de l'information, qui n'a pas été particulièrement discuté et est ressenti comme une instance de contrôle de bonne conduite citoyenne. 



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