Les mesures prises à l'encontre de la Russie par les Etats Unis, en poussant les pions européens, visent avant tout à pousser le pays dans ses retranchements et à mettre la population dans la rue pour faire tomber le régime, au profit d'un autre, plus docile. Bref, il s'agit d'implanter le modèle européen en Russie. Ce modèle de subordination et non de gouvernance, la Russie n'en veut pas et ce n'est pas par la force qu'il pourra être mis en place. Après avoir pris le temps de la réflexion, la Russie lance sa contre attaque économique sur différents fronts en même temps, comme nous avons pu le voir avec la visite de V. Poutine en Turquie. Et immédiatement les Etats Unis menacent de nouvelles sanctions.
La Turquie a l'avantage de ne pas être membre de l'Union Européenne, ce qui lui permet de défendre ses intérêts nationaux et la protège d'un diktat américain de plus en plus pressant. Ainsi, la réponse a été trouvée au blocage imposé pour la construction de South Stream. Puisque la Bulgarie applique les consignes outre-atlantiques à la lettre et bloque le processus de construction de South Stream, alors le projet est interrompu. Le transit passera beaucoup plus au sud, par la Turquie. Et arrivera aux portes de la Grèce et donc de l'Union Européenne. Vous voulez vous connectez? Mais avec plaisir. Première réponse réaliste et de poids, qui rend totalement inutiles tous les efforts américains pour isoler énergétiquement l'Europe, bloquer le marché russe, pour reprendre l'avantage après l'échec des années 1980.
Pour rappel, voici l'extrait de l'excellent article de A. Dotézac, dans la revue Market N° 118:
"Dès 1980, la France et la RFA ouvrent des négociations visant à doublerla fourniture de gaz soviétique à l’Europe, depuis le gisement d’Ourengoïen Sibérie. Informés, les États-Unis expriment leur réticence, refusant unedépendance énergétique trop forte de l’Europe vis-à-vis de Moscou, trop detransferts technologiques et par-dessus tout l’enrichissement de l’URSS.Le secrétaire d’État Alexander Haig résuma ainsi l’équation: «pas questionque l’Europe subventionne l’économie de l’URSS alors que les États-Unisdépensent des milliards de dollars en armement pour se protéger de lamenace soviétique1 ». Les premiers contrats sont néanmoins signés enoctobre 1981, incluant la participation de l’Europe à la construction dugazoduc. Une vingtaine de sociétés européennes, dont 13 filiales de socié-tés américaines, participent à ce consortium. À la suite de l’instauration dela loi martiale en Pologne, Ronald Reagan décrète des sanctions économiquescontre l’URSS le 13 décembre 1981, qui interdisent notamment auxsociétés américaines de réexporter vers l’URSS la technologie américaineliée au secteur énergétique, lorsqu’elle était destiné à un pays tiers. C’estl’asphyxie graduelle des relations énergétiques euro-soviétiques qui esten réalité planifiée, comme le révéla Roger Robinson, un jeune banquierde la Chase Manhattan, déjà actif en URSS, et travaillant pour la CIA2. Onse croirait en 2014, sauf que là, la CEE s’opposa vertement aux sanctionsaméricaines! En janvier 1982, Français et Allemands signent avec Soyouzgaz, malgré les très fortes pressions US. Le 18 mars, un émissaire américainexige de la France «la suppression de toute subvention de crédits àl’exportation à destination de l’URSS et la suspension de toute garantiepublique aux crédits accordés à ce pays».Le 14 mai, François Mitterrand déclare à Hambourg devant un parterred’industriels: «Nous ne sommes pas en guerre [contre l’URSS]; le blocuséconomique est un acte de guerre [souligné par nous] qui, d’ailleurs, neréussit jamais, sauf s’il représente la première phase d’une guerre gagnée;isolé, il n’a pas de sens3 ». Le 18 juin 1982, après un G7 houleux à Versailles,Reagan décrète cette fois l’embargo total contre l’URSS sur le secteurgaz-pétrole, y compris pour les sociétés étrangères travaillant sous licenceUS. Les sanctions sont qualifiées de «vexatoires, injustes et dangereuses»et attentatoires au principe de «souveraineté», par François Mitterrand. Le29 juin 1982, le Conseil européen déclare que: «le maintien d’un systèmeouvert de commerce mondial serait gravement compromis par des décisionsunilatérales, avec effet rétroactif [et] par des tentatives d’exercer unecompétence juridique extraterritoriale (…)».Non seulement les Dix refusent d’appliquer les sanctions, au nom de leursouveraineté, mais ils adoptent des contre-mesures draconiennes, allantde la réquisition pure et simple du matériel destiné à l’URSS, jusqu’à despoursuites pénales contre ceux qui appliqueraient les sanctions amé-ricaines. Les États-Unis réagissent à leur tour en révoquant toutes leslicences d’exportation, notamment de Dresser-France, de Creusot-Loire etde leurs filiales. Finalement, des inconvénients économiques se font sentiraux États-Unis mêmes, où les initiatives de Reagan apparaissent pluscomme des sanctions contre l’Europe que contre l’URSS. Prenant prétextede la libération de Lech Walesa en Pologne, Reagan lève les sanctions le 13novembre 1982 et rétablit les licences. "
Pour ceux qui sont russophones, voici la conférence de presse de V. Poutine (malheureusement je ne peux pas tout traduire):
Et comme il ne sert à rien de s'arrêter en si bon chemin, deuxième acte avec l'Iran. Après la Chine et la Turquie, voici que les échanges avec l'Iran ne se feront plus en dollars, mais dans les monnaies nationales. Immédiatement réaction des Etats Unis en la personne de J. Psaki: les Etats Unis peuvent prendre des sanctions contre la Russie si Washington estime que les accords commerciaux conclus contreviennent aux sanctions américaines prises contre l'Iran.
Deux remarques:
1) Tous les moyens sont bons pour prendre des sanctions contre la Russie, que ce soit l'Ukraine, l'Iran etc. En réalité, dès que la Russie ne suit pas la politique américaine, elle risque des sanctions. Et la question réelle des droits de l'homme en Ukraine n'intéresse absolument personne.
2) L'élargissement sans fin de la politique américaine de sanctions montre l'affaiblissement du régime. Ces sanctions contre l'Iran, par exemple, ne fonctionnent que dans la mesure où les autres pays s'alignent sur la politique américaine et la suivent. Dans le cas contraire, la politique de sanctions s'effondre. Et c'est ce dont les Etats Unis ont peur, puisqu'elle est à la base de leurs relations internationales: la carotte et le bâton.
A travers ces deux décisions, la Russie vient de redistribuer les cartes. L'on peut donc s'attendre à ce que le prix du baril de pétrole tombe encore plus bas. C'est l'arme la plus efficace, et la seule, qui reste entre les mains des américains.
Ce qui est vraiment regrettable, c'est de voir une union européenne aveuglée par le jeu des américains. Et cette chute du rouble qu'est ce que cela va entraîner?... Je parie mon hamster du Mexique (et j'y tiens) qu'avant la fin de l'année ça va grandement bouger.
RépondreSupprimermais que deviendront le gaz et pétroles de schistes et sables bitumineux qui coûtent très chers à exploiter?
RépondreSupprimerGaz et pétrole de schistes vont être laminés par... la disposition tactique des USA de baisser le cours du pétrole pour ruiner la Russie !
RépondreSupprimerLe consommateur américain ira nécessairement au moins cher (en application de la règle capitaliste de rentabilité).
Quant au mirage du remplacement du gaz Russe par du gaz Américain en Europe, la cause est d'ores et déjà entendue puisqu'il n'y a pas l'ombre d'une amorce d'espoir d'avoir la disponibilité de marchandise nécessaire.