Kiev: une gigantesque Procession pour la Paix qui peut faire chavirer le régime

Une procession pour la Paix en Ukraine

Il y a deux semaines de cela, le 9 juillet, deux colonnes de croyants orthodoxes sont parties, l'une de l'Est de l'Ukraine, l'autre de l'Ouest pour se retrouver à Kiev, célébrer ensemble la traditionnelle fête du baptême de la Russie (l'Ukraine ayant toujours fait partie de la Russie - kiévienne, de Moscou, de Saint Pétersbourg ou soviétique). Ce long pèlerinage tout en prière est une marche pour la paix et pour l'unité du pays. Alors que les autorités ne cessent de décrier les volontés séparatistes, elles auraient dues applaudir cette initiative. Mais non, elle leur fait peur et pour cause.

Hier à Kiev, entre 30 000 et 80 000 personnes, selon les sources, se sont retrouvées pour prier ensemble. Une foule pacifique, lumineuse, joyeuse, très loin des marches aux flabeaux organisées par les nationalistes, loin des cris de guerre et de l'agressivité d'un pouvoir chancelant. La symbolique est très forte: une partie du peuple est ouvertement entrée en dissidence, appelle à la paix et montre que c'est possible.

Voici la cérémonie à Kiev:

Pourtant, dès le départ, leur pèleringe a été marqué par des provocations de la part des nationalistes, avec une surveillance bienveillante de la police. Celle-ci évite juste que ça n'aille trop loin, comme lorsque des explosifs ont été posés sur la route près de Kiev pour accueillir les pèlerins.

Jefs d'oeufs et de bouteilles en plastique, insultes lancées par les groupuscules extrémistes, furent le lot commun de ces humbles personnes, toutes de nationnalité ukrainienne puisque leurs papiers furent contrôlés. Un exemple ici, lorsque la police les a fait changer d'itinéraire, car la menace était quand même trop forte:

Ils furent régulièrement arrêtés par les nationalistes qui ne voulaient à aucun prix laisser passer cette colonne de pèlerins désarmés. Ils représentent un danger, non pas pour le pays, mais pour le régime. A Odessa, le groupe paramilitaire issu de l'Euromaïdan, appelé AvtoMaïdan, totalement illégale, s'est substitué aux autorités locales et a réussi à les empêcher de quitter la ville. 

A Odessa, les pèlerins rejoignaient leur diocèse et se préparaient à rejoindre la colonne:

Et lorsqu'ils se sont rapporchés des trois bus que le diocèse avait demandé pour partir prier à Kiev avec la procession pour la paix, le groupe Avto Maïdan, sans aucune autorité pour le faire, décide de les empêcher de partir, sous le regard protecteur de la police qui n'intervient pas pour défendre leurs droits constitutionnels.

Les chauffeurs, intimidés par des hommes en camouflages qui menacent de tous les brûler vivant et de tuer les chauffeurs s'ils continuent leur route, repartent avec les bus vides et E. Rezvuchkine, à la tête de ce mouvement, déclare aux croyants qu'il prend sur lui la responsabilité de ne pas les laisser partir car ils ont l'information que des provocations sont prévues et que le bus n'arrivera pas à Kiev. Et s'ils veulent prier pour la paix, ils n'ont qu'à le faire à Odessa.

En décryptant, cela ressemble beaucoup à une menace: si vous partez, le bus explose.

Pourquoi une telle réaction? Surprenant, ils ne marchent pas pour découper l'Ukraine, mais pour sauver ce qui reste. Le pouvoir et tous les hystériques qui y participent directement ou indirectement devraient être heureux de voir des gens qui ne sont pas des séparatistes. Des gens qui veulent la paix.

Le problème est que la procession est organisée par le Patriarchat de Moscou, dont l'Eglise orthodoxe ukrainienne dépend historiquement, il s'agit de celle qui ne bénit pas l'image de Bandera. L'Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarchat de Kiev, qui n'est pas reconnue comme Eglise officielle dans la Chrétienté, a été créée en 1992 par le métropolite renégat Filaret pour soutenir les nationalistes. Et la tradition perdure. Or, le pouvoir veut transférer les lieux historiquement sacrés, dits Lavra, sous le pouvoir de cette Eglise nationaliste, ce qui provoque de très fortes tensions. C'est pourquoi aussi la procession ne devait pas arriver. Il ne pouvait pas y avoir des dizaines de milliers de personnes qui fassent publiquement acte de dissidence dans la paix et la sérénité contre le grand nationalisme ukrainien, qui a systématiquement conduit l'Ukraine sur la voie du sang. 

Cette procession est donc bien un message politique: le nationalisme non seulement n'a pas gagné, mais il ne tient qu'avec la terreur, la violence et l'aide des structures étatiques. Or, la population vient de fissurer ce bloc, vient d'ouvrir une voie dans l'impasse éthique, humaine, sociale dans laquelle le pouvoir maintient à tour de bras le peuple ukrainien.

Il existe une autre voie, la voie de la paix, mais avec un autre pouvoir, un pouvoir ukrainien. Et ce message fait très peur.