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dimanche 19 août 2018

Rencontre Poutine / Merkel: deux visions du monde



Sur le fond, nous ne savons quasiment rien de la rencontre de travail de trois heures qui s'est déroulée hier 18 août entre V. Poutine et A. Merkel, au château de Meseberg en Allemagne. Pourtant et le fait même de cette rencontre et la déclaration préalable faite à la presse nous confirment toute la distance existant entre la virtualité du monde postmoderne, dont les intérêts étaient représentés ici par Merkel, et la force du monde réel qui continue à avancer, ce qui fut confirmé par Poutine.


Merkel et Poutine, deux visions du monde, ici présentées dans mon interview pour RT France:


Ces derniers temps, les deux dirigeants russe et allemand se rencontrent essentiellement lors des plateformes internationales, le fait même de la venue de Poutine en Allemagne est un signe: les discours sur la politique d'isolement de la Russie ne sont que des discours qui n'ont pu créer une nouvelle réalité. La Russie est une pièce majeure de l'échiquier international, penser la contourner est naïf.

Pour autant, si les discussions entre l'Allemagne et la Russie ne se sont pas interrompues, chaque fois les parties insistent sur le fait que l'important est la discussion plus que le résultat. La dernière fois à Sotchi en mai, rien de particulier n'en a sorti.Cette fois-ci également, A. Merkel déclare:
 qu’« aucun résultat particulier » n’était à attendre de cette entrevue. « Mais le nombre de problèmes qui nous préoccupent, de l’Ukraine à la Syrie en passant par la question de la coopération économique, est si important que cela justifie un dialogue permanent », a-t-elle ajouté.
De son côté, le Kremlin par la voix de son porte-parole tient le même discours:
Il (Peskov) a noté que les parties n'avaient pas engagé de discussions ayant pour but de parvenir à des accords. 
Il est vrai que l'approche entre les deux chefs d'Etat est à tel point différente que si les sujets de discussion sont nombreux, il va être difficile de surmonter les barrières. A. Merkel a tenu un discours reprenant tout à fait les dogmes du clan globaliste, faisant passer certains intérêts politiques précis au-dessus de l'intérêt des Etats. C'est ainsi qu'elle insiste sur le rôle de l'Ukraine dans le transit du gaz, malgré les problèmes récurrents que celle-ci a posé depuis les années 2000. Elle parle des problèmes humanitaires en Syrie, sans s'inquiéter de la reconstruction du pays. Elle parle des accords de Minsk comme si la Russie devait les appliquer et non les garantir. Enfin, en glissant, elle se rappelle des rapports bilatéraux, mais entre les sociétés civiles. L'Etat et l'intérêt national sont bannis du discours.

De son côté, Poutine ramène immédiatement le discours dans le réel. Il commence par les statistiques des échanges commerciaux entre les pays, par la quantité de gaz russe qui est vendue en Allemagne, par ces rapports réels entre deux Etats qui existent, qui font le monde réel. Il n'entre pas dans le monde postmoderne fantasmé défendu par Merkel. Ce sont les entreprises qui font la richesse des échanges entre les pays, pas cette mythique "société civile". Ainsi, Nord-Stream prend toute sa logique, avec une concession pour l'Ukraine, si elle cesse de faire du transit de gaz un instrument de chantage politique. Très concret aussi sur la Syrie: il faut s'engager, reconstruire, sinon ce sont des millions d'immigrés qui vont finir par débarquer en Europe. En Ukraine, évidemment les accords de Minsk, qui doivent être appliqués - par l'Ukraine et pas de mission de paix, avec un déploiement de soldats dans l'Est de l'Ukraine, mais possibilité d'une mission de monitoring, à l'instar de l'OSCE. Il n'y aura pas de nouvelle armée d'occupation dans le Donbass.

L'intérêt des pays européens est bien de construire Nord-Stream pour garantir sa sécurité énergétique, est bien de reconstruire la Syrie pour réduire la vague de réfugiés et stabiliser la région, l'intérêt des pays européens est bien de faire pression sur l'Ukraine pour qu'elle applique les accords de Minsk afin de ne pas prendre le risque d'un conflit aux portes de l'UE, mais ont-ils seulement la force politique d'intérêts qu'ils n'ont plus le droit de revendiquer? 

C'est la raison pour laquelle personne n'attend de résultats concrets fulgurants de ces rencontres. Il y a des problèmes, il faut bien en discuter faute de pouvoir totalement les résoudre. Mais au moins certains problèmes techniques peuvent être résolus. Le fossé idéologique qui sépare ces deux dirigeants est tel que cela ne pourra aller plus loin.

6 commentaires:

  1. Très intéressant. Supériorité des arguments de Poutine....

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  2. Il faudrait pour réveiller ces élites trouillardes, minables, une veste monumentale aux prochaines élections européennes. Un succès massif des populistes leur ferait le plus grand bien.

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  3. Oh oui! J'espère qu'un massif vote en faveur des populistes viendra balayer cette chienlit qui nous gouverne: les USA ne sont forts que de laur lâcheté, leur faiblesse et leur incompétence. vivement qu'on se débarrasse de ces inutiles.

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  4. J'aurais aimé poster ce commentaire dès le 20.08.2018, mais le travail ne m'en a pas laissé le temps. Les développements des derniers jours m'encouragent à le faire.
    Résidant et travaillant en Allemagne depuis plusieurs années, je souhaite vous faire partager mon interprétation et mon vécu "d'outre-Rhin" . La réception de V. Poutine par Merkel est un jalon (Meilenstein). Dans le déchainement de la Presse, dès le lendemain A. Merkel était accusée de faiblesse. Mais un petit sondage sur Die Welt m'a mis en alerte. L'article était aussi lourd qu'habituel pour nous rabâcher qu'Assad était un boucher et que Poutine n'arriverait pas à le sauver, pour ricaner que Poutine nous demande de l'aider financièrement car il n'y arriverait pas sans nous, et bien sûr se draper dans les droits de l'homme pour refuser l'aide humanitaire et que les réfugiés rentrent chez eux tant qu'Assad serait là.
    La question caricaturale posée, avec une petite flèche pour indiquer son pourcentage d'accord allait de "Assad est un boucher, il ne faut pas aider Poutine " à "tout à fait d'accord avec lui, Assad est la seule solution". On imagine d'avance le résultat, alors on clique pour voir ce qu'on répondu les lecteurs de "Die Welt" journal sérieux et lu par des gens fréquentable. Et là, surprise, plus de 50% sont "tout à fait d'accord avec lui, Assad est la seule solution". Car en Allemagne, la grande masse veut que les réfugiés (Fluchtlinge) rentrent chez eux! Et qu'il est visible que seule la Russie travaille en ce sens en Europe.
    Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c'est le vent.
    Il y a quelques mois à peine, A.Merkel était convaincue que la réponse européenne commune aux actions de la Russie était la bonne. Rappel d'ambassadeur, sanctions, isolement ....Une coupe du Monde de football plus tard...et la Russie parait tout à coup bien fréquentable.
    V. Poutine a été reçu le 18.08 au Meseberg Schloss, château dédié aux visites d'État. Que savons nous de ces trois heures de "conversations" entre deux importants dirigeants européens qui parlent chacun parfaitement la langue de l'autre et peuvent donc se comprendre y compris à demi-mots? Rien ou presque, le choix ayant été d'annoncer dès le départ qu'il n'y aurait pas de compte-rendu, ni de décisions. On ne me fera pas croire que V. Poutine a fait le déplacement pour prendre un verre avec Mutti Merkel. C'est donc autre chose qu'il nous faut décrypter. Je propose de le faire à travers les trois questions classique à se poser lors de négociations managériales ou commerciales.

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  5. J'aurais aimé poster ce commentaire dès le 20.08.2018, mais le travail ne m'en a pas laissé le temps. Les développements des derniers jours m'encouragent à le faire.
    Résidant et travaillant en Allemagne depuis plusieurs années, je souhaite vous faire partager mon interprétation et mon vécu "d'outre-Rhin" . La réception de V. Poutine par Merkel est un jalon (Meilenstein). Dans le déchainement de la Presse, dès le lendemain A. Merkel était accusée de faiblesse. Mais un petit sondage sur Die Welt m'a mis en alerte. L'article était aussi lourd qu'habituel pour nous rabâcher qu'Assad était un boucher et que Poutine n'arriverait pas à le sauver, pour ricaner que Poutine nous demande de l'aider financièrement car il n'y arriverait pas sans nous, et bien sûr se draper dans les droits de l'homme pour refuser l'aide humanitaire et que les réfugiés rentrent chez eux tant qu'Assad serait là.
    La question caricaturale posée, avec une petite flèche pour indiquer son pourcentage d'accord allait de "Assad est un boucher, il ne faut pas aider Poutine " à "tout à fait d'accord avec lui, Assad est la seule solution". On imagine d'avance le résultat, alors on clique pour voir ce qu'on répondu les lecteurs de "Die Welt" journal sérieux et lu par des gens fréquentable. Et là, surprise, plus de 50% sont "tout à fait d'accord avec lui, Assad est la seule solution". Car en Allemagne, la grande masse veut que les réfugiés (Fluchtlinge) rentrent chez eux! Et qu'il est visible que seule la Russie travaille en ce sens en Europe.
    Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c'est le vent.
    Il y a quelques mois à peine, A.Merkel était convaincue que la réponse européenne commune aux actions de la Russie était la bonne. Rappel d'ambassadeur, sanctions, isolement ....Une coupe du Monde de football plus tard...et la Russie parait tout à coup bien fréquentable.
    V. Poutine a été reçu le 18.08 au Meseberg Schloss, château dédié aux visites d'État. Que savons nous de ces trois heures de "conversations" entre deux importants dirigeants européens qui parlent chacun parfaitement la langue de l'autre et peuvent donc se comprendre y compris à demi-mots? Rien ou presque, le choix ayant été d'annoncer dès le départ qu'il n'y aurait pas de compte-rendu, ni de décisions. On ne me fera pas croire que V. Poutine a fait le déplacement pour prendre un verre avec Mutti Merkel. C'est donc autre chose qu'il nous faut décrypter. Je propose de le faire à travers les trois questions classique à se poser lors de négociations managériales ou commerciales.

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  6. On ne me fera pas croire que V. Poutine a fait le déplacement pour prendre un verre avec Mutti Merkel. C'est donc autre chose qu'il nous faut décrypter. Je propose de le faire à travers les trois questions classique à se poser lors de négociations managériales ou commerciales.
    Qui utilise qui?
    Poser la questions c'est y répondre. Qu'allait donc faire Merkel dans cette galère où elle n'avais que des coups à prendre? Les Politichiens ont aboyé, la Pologne, la Prestituée et même sa propre Ministre des Armée sont aussitôt grimpé aux rideaux! Cette dernière a été directement remise à sa place par la Russie.
    A l'évidence, V. Poutine qui avait dit il y a quelques mois "écoutez nous maintenant", brise le cercle d'infamie et trouve un moyen efficace de faire porter sa parole auprès des populations et décideurs occidentaux à réussi un très beau coup. N'a t-il pas braqué au préalable tous les projecteurs sur sa prestations en passant par l'Autriche, au mariage très traditionnel de la ministre autrichienne des Affaires étrangères Karin Kneissl? Il serait très intéressant de savoir qui a maitrisé ce timing
    Et comme je pense que A. Merkel est tout sauf naïve, je soupçonne une volonté de sa part de tendre le porte-voix à V. Poutine et d'en partager une bonne part du message. Je ne suis donc pas sur qu'il y ait deux visions du monde, sauf officiellement pour les occidentaux.
    D'où vient l'argent?
    V.Poutine a beaucoup parlé d'argent. Mais "quand le Sage montre la Lune, l'imbécile regarde le doigt". Le lendemain, presque toute la Presse allemande et française titrait "Poutine nous implore de l'aider financièrement à reconstruire la Syrie". Quand on sait que la reconstruction se chiffre en centaines de milliards et que les "Amis de la Syrie" promettent au mieux quelques centaines de millions, on en est à 0,1%!
    Pour moi, V. Poutine est venu dire autre chose que seul "Handelsblatt" (équivalent de Les Echos) a immédiatement décodé, mais c'est le journal des milieux économiques! V. Poutine a parlé de Nord Stream2, la solution pour tripler la livraison d'énergie bon marché à l'industrie allemande. Et il a dit de quoi la Syrie a besoin, rebâtir l'infrastructure. Les industriels allemands qui fabriquent tous les équipements nécessaires ont bien compris que la Russie leur propose de gagner beaucoup d'argent, pas l'inverse. Et comme V. Poutine n'est pas en reste, il a bien insisté sur les besoins de la Russie en investissements étrangers. Les fonds de pensions allemands débordant de liquidités n'attendent que la levée des sanctions.
    Fait il parti du problème, ou bien apporte t-il la solution?
    La réponse au sondage express est une indication de ressenti populaire. Si quelqu'un peut juguler la crise migratoire en Europe, qu'importe le reste. De toute façon, ici la moitié de la population est Européenne de l'Est, ex DDR, Hongrie, Pologne ou Yougoslavie. Et les 30% d'immigrés sont venu pour travailler. ce qui est bon pour l'économie et les salaires plait aux résidents et aux Allemands.
    Le retour de la RealPolitik n'est finalement que la reprise ne main du manège par l'intérêt économique. L'Amérique se ferme, d'autres marché s'ouvrent, prometteur et qui ne payeront bientôt plus en dollar et autre monnaie de singe.
    Accessoirement, on a parlé encore des accords de Minsk, mais presque plus de la Crimée. Et A. Merkel en Géorgie a mis le pied sur le frein de l'intégration EU et Otan.
    En écrivant tardivement ce commentaire, il semble que même Macron soit désormais convaincu que V. Poutine fait partie de la solution. Girouette, tu indique fort bien d'où vient le vent.
    Il n'est pourtant pas écrit que les va-t-en-guerre se laissent faire


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