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lundi 13 janvier 2020

Iran : transformation radicale de la situation intérieure après la crash du Boeing ukrainien



Après que soudainement, les Gardiens de la Révolution iranienne aient reconnu avoir abattu par erreur le Boeing ukrainien, la situation prend un tournant très intéressant dans le pays. Des slogans favorables aux Etats-Unis sont scandés par les étudiants, le drapeau américain est traité avec attention, l'ambassadeur de Grande-Bretagne participe à la manifestation antigouvernementale. Quel fut le prix de la reconnaissance par l'Iran de cette tragédie ? Nous le saurons bientôt. Quelle que soit l'opinion que l'on ait du pays, ces méthodes n'ont jamais permis d'aboutir à un système démocratique, c'est-à-dire s'appuyant sur la volonté de la majorité d'un peuple, car elles ne sont pas prévues pour cela.. En revanche, 150 milliards de barils de pétrole iranien, justifient bien quelques efforts. 


En annonçant avoir commis une erreur en abattant le Boeing ukrainien, l'Iran est loin d'avoir répondu à toutes les questions. L'avion aurait été pris pour un missile ou un avion militaire étranger, car le pays s'attendait à une attaque massive américaine. Et il aurait été abattu alors qu'il passait à proximité d'un site militaire. Sachant que l'Iran a demandé l'interruption des vols pendant cette période et que cela a été refusé, notamment l'Ukraine a confirmé n'avoir alors vu aucune raison pour le faire. Les militaires parlent également de problèmes de brouillage des communications à ce moment et des difficultés dans la transmission et confirmation de l'ordre de tir. Beaucoup de choses étranges ... Rappelons que le vol a duré environ 2 minutes, l'avion n'a pas traversé tout le territoire pour passer à proximité d'un site militaire. Rappelons que les services de renseignements étrangers ont bien fait cette volte-face dont nous avons parlé (voir notre texte ici). Il est toujours dommage que les responsables soient désignés avant les enquêtes et non à la suite de celles-ci, car cela ne permet pas de restaurer la confiance et ouvre la voie à beaucoup de suppositions. Puisque les raisons ne sont pas connues, ni comprises.

Sans remettre en cause la possibilité de cette version, politiquement elle est surprenante dans le cadre du régime iranien. Les Gardiens de la Révolution sont passés du statut de héros national défendant le pays contre une agression étrangère avec l'assassinat de Souleimani par les Etats-Unis, à celui de danger national avec le crash de l'avion. Le nouveau chef des Gardiens de la Révolution commence son mandat par des excuses (voir une intéressante interview ici à ce sujet sur RT) et ce n'est pas terminé. Le New York Times insiste justement sur l'évolution de la crise internationale vers une crise politique intérieure à l'Iran :
The disaster has turned into a domestic political crisis that has for now overshadowed Iran’s struggle with the United States. In one sign of public anger, a moderate Iranian newspaper declared in a banner headline on Sunday: “Apologize and resign.”
En effet, les manifestations étudiantes d'opposition, qui ont débuté dès la reconnaissance, prennent un tournant particulièrement surprenant pour le pays. Les habituels slogans antiaméricains sont diamétralement renversés et BBC révèle l'ampleur du virage pris par l'exemple de celui-ci:
 "L'on nous ment, les Etats-Unis ne sont pas notre ennemi, notre ennemi est là"
Ou encore à la place de la traditionnelle mise à feu des drapeaux américain et israelien, les étudiants prennent la peine de les contourner pour ne pas marcher sur ceux peint au sol devant l'université, comme le montre ici le correspondant de Independant:


La presse anglo-saxonne le lance presque comme un cri de victoire :

Incredible moment Iranian students refuse to step on US and Israeli flags amid anti-government marches

Que la mort de tous ces innocents, dont la plus grande partie est de nationalité ou d'origine iranienne, ait provoqué une onde de choc dans la population, c'est absolument normal. Mais le virage semble trop grand pour être naturel : Souleimani a bien été assassiné par les Etats-Unis, des sanctions encore plus dures ont été adoptées contre l'Iran par les Etats-Unis, etc. Un peuple peut-il avoir la mémoire aussi courte ? Un peuple est-il à ce point versatile ? C'est possible, mais cela ne se fait pas sans aide.

En effet, les traditionnels soutiens ne se font pas attendre. L'ambassadeur britannique a pris part à la manifestation d'opposition. Mais, selon ses dires, il ne savait pas, le pauvre, que la manifestation était contre le gouvernement iranien. Il est resté alors que les slogans antigouvernementaux étaient scandés - il voulait simplement comprendre ce qui se passait, certainement. Ca arrive, que faire ? Il a été interpellé quelques heures par la police, puis relâché.

Donald Trump soutient lui aussi ce soulèvement antigouvernemental, officiellement depuis Twitter. Comme au bon vieux temps, toutes ces compagnies pétrolières qui pourraient revenir dans le camp du Bien, une chance à ne pas rater. Et la chance, il faut savoir l'aider :


Bref, tout revient dans le cadre d'un schéma bien (trop) connu. Le crash de l'avion et la mort de ces innocents, victimes sacrificielles, vont peut-être permettre de répandre la Pax Americana sur le bon peuple d'Iran ... et sur les 150 milliards de barils de pétrole iranien.


6 commentaires:

  1. Ceci expliquerait comment il n'y a eu aucune victime US lors de l'attaque de missile balistiques portant bien précis, ils ont été prévenus. Le pourquoi se dessine rapidement. Le pouvoir du bazar, l'attrait de l'argent et toujours cette société du spectacle toujours triomphante.

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  2. Je crains le pire. A moins qu'il ne soit déjà arrivé.

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  3. Je crains le pire. A moins qu'il ne soit déjà arrivé. Je n'ai pas mis un👍sous l'article, car il il pourrait y avoir confusion entre mon appréciation, sans réserve, de l'article de Karine, et ma grande inquiétude sur le contenu de l'information qu'il apporte sur le déroulement des événements en Iran, qui me font, effectivement, redouter le pire et une défaite politique totale aux conséquences géopolitiques incalculables.

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  4. Selon Andrew Korybko « ...c'est un missile russe qui a abattu l'avion de ligne qui, si c’est vrai, pourrait être exploité pour imposer des sanctions sur la vente de toutes ces armes à l'Iran sous la menace de " sanctions secondaires " contre tous ceux qui les défient. Etant donné que la Russie se conforme déjà à certaines de celles des Etats-Unis dans le domaine de l'énergie, il n'est pas imprévisible qu'elle fasse de même pour son éventuel homologue militaire après ce qui s'est passé... de sorte que la décision éventuelle de Moscou de respecter tacitement toute sanction américaine à venir sur la vente de tout missile à la République islamique pourrait certainement nuire aux capacités de Téhéran à court et moyen terme... Il faut beaucoup de courage politique pour dire la vérité et reconnaître qu'il a accidentellement abattu un avion de ligne civil, ce que l'Ukraine n'a pas fait pendant plus de cinq ans et demi depuis qu'elle a abattu le MH-17... » sur https://www.sott.net/article/427238-Why-Iran-Came-Clean-And-Stopped-Covering-up-Its-Role-in-The-UIA-752-Tragedy

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  5. Selon Tyler Durden "Vous avez tué nos génies"sur "You Killed Our Geniuses" - Regime Crackdown Intensifies As Iranians Flood Streets In Third Day Of Protest | Zero Hedge https://www.zerohedge.com/geopolitical/you-killed-our-geniuses-regime-crackdown-intensifies-iranians-flood-streets-third-day…Et selon Badia Benjelloun :" Le Boeing 737 ukrainien abattu par erreur à l’aéroport de Téhéran avait comme passagers essentiellement des Iraniens et des Irano-canadiens travaillant ou étudiant dans des  domaines techniques de pointe fait circuler l’hypothèse (invérifiable) d’un avertissement lancé  à la CIA." sur https://www.dedefensa.org/article/crime-absurde

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  6. Simple anecdote

    Selon Joby Warrick (Prix Pulitzer 2016 pour son enquête sur Daesch), l'ambassadeur US Robert S. Ford s'est lui aussi précipité aux manifestations de Hama, au tout début des troubles de Syrie en 2011, sans en avertir les autorités syriennes.

    Son témoignage, perçu comme un rapport officiel de ce qui n'était encore qu'une manifestation populaire, a nourri la presse en donnant la version US des événements. L'opinion publique a bien sûr suivi le narratif de ce "simple témoin" qui lancé a la réputation du "Boucher de Damas".

    Est-il vraiment dans les attributions des ambassadeurs occidentaux de couvrir eux-mêmes les manifestations dans les pays adverses ?

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