L'exercice du pouvoir, surtout en période de crise (et je ne parle pas de la crise sanitaire du coronavirus, qui n'est finalement qu'une excuse) exige un surplus de culture et de sagesse de la part de ceux qui en ont la charge - et la responsabilité. Afin de trouver eux-mêmes les limites à leurs ambitions, un équilibre entre le désir de renforcer leur pouvoir sans perdre le soutien de la population et des élites. Manifestement, Sobianine est allé trop loin dans sa folle course en avant dite "sécuritaire", qui avec la mise en place à Moscou d'un contrôle numérique total sur les déplacements de la population et des véhicules, civiles et militaires, a non seulement, selon le député Russie Unie Lyssakov, violé les droits constitutionnels des citoyens et mis en danger la sécurité nationale, mais se lance dans une course au pouvoir qui porte atteinte potentiellement à l'intégrité territoriale, en violant le principe de supériorité de la législation fédérale. Après plusieurs recours, notamment avec l'appui de l'Association des juristes de Russie, le FSB va enfin pouvoir contrôler ce système. Par ailleurs, les fuites massives de données personnelles sur le net des personnes ayant violé le régime "sanitaire" d'assignation à domicile conduisent la Procuratura à jeter un oeil plus attentif sur ces systèmes, dont la Mairie n'a pu expliquer s'ils étaient aux normes de sécurité ... Le retour de l'Etat donne un espoir pour le rétablissement des libertés constitutionnelles, qui ne peuvent, expérience faite, être garanties par des potentats locaux.
Nous avions déjà à quelques reprises soulevé la question et de la légalité des mesures de contrôle numérique mises en place à Moscou, hors cadre législatif fédéral (sur la légalité, voir notre texte ici), et celle de l'atteinte à la sécurité nationale, puisque tous les véhicules des personnes travaillant dans les ministères, organes de sécurité, de renseignement, armée, doivent entrer leurs données personnelles et les connecter à la plaque d'immatriculation de leur véhicule, qui sera alors suivi par les caméras vidéo dont la ville est couverte (sur la sécurité nationale et le nihilisme juridique, voir notre texte ici).
A plusieurs reprises, le député de la majorité Russie Unie Lyssakov avait dénoncé cette infraction, à la fois aux libertés constitutionnelles des citoyens, à la législation fédérale et au bon sens, qui devrait empêcher des structures publiques, comme la Mairie de Moscou en l'espèce, de prendre le risque d'une fuite de données personnelles ou de donner accès à des puissances étrangères à des informations ressortant de la sécurité nationale.
Ses adresses n'ayant provoqué aucune réaction de Moscou, le 13 mai il s'est publiquement adressé au président du Conseil de sécurité, qui est le Président Poutine, pour qu'il donne une appréciation du système de QR Code fonctionnant à Moscou pour les personnes se déplaçant en transport public ou en voiture au regard de la sécurité des informations, car il s'agit, selon les paroles mêmes du député Lyssakov, de système de contrôle n'ayant pas le statut étatique, sans contrôle de la protection des données, violant et les droits constitutionnels des citoyens et la législation fédérale. Ce d'autant plus que le gouvernement de Moscou a obligé les fonctionnaires civils et militaires à enregistrer dans une base de données leurs informations personnelles, pour ne pas recevoir d'amende, alors que leurs déplacements ne peuvent légalement être limités. Les caméras de surveillance Street Falcon placées dans les rues de Moscou ne correspondent pas aux standards de fixation des infractions de la route et sont utilisées pour délivrer automatiquement les amendes, comme le confirme le Département des transports de Moscou, qui reconnaît également l'absence de système de protection des données. Sans oublier que le chef du Département général de Moscou a répondu à la Cour suprême que le ministère de l'Intérieur et le pouvoir à Moscou ont conclu un accord spécial qui permet à Moscou de ne pas appliquer la législation fédérale, mais locale. La conclusion de Lyssakov est sans appel :
"Cette gifle adressée au système judiciaire de Russie démontre une montée des tentations séparatistes dans les rangs des fonctionnaires moscovites. Ce n'est pas juste une provocation adressée à l'ensemble du pouvoir fédéral. C'est un plan volontaire pour mettre en place un statut différent à Moscou du système étatique."
A la même époque, quelques jours plus tôt, l'Association des juristes de Russie s'est adressée à la Mairie de Moscou, au ministère russe des Communications et au FSB, afin de vérifier la sécurité du système de contrôle des citoyens mis en place à Moscou, la non-préservation des données, l'impossibilité d'un accès extérieur, etc. A la demande du niveau de protection des données, la Mairie n'a pas pu répondre. En revanche, le FSB est d'accord pour vérifier la sécurité du système mis en place. Au Tatarstan, par exemple, les autorités ont annoncé avoir commencé à effacer les données. A Moscou, un régime spécial expérimental est en place pour le développement de l'incontournable intelligence artificielle. Mais il serait bon que l'intelligence humaine reprenne la main, car aucun système, aussi expérimental soit-il, ne justifie de mettre en cause de manière massive les libertés constitutionnelles et la sécurité nationale.
Surtout que l'on vient d'apprendre l'apparition sur le net de données personnelles d'individus ayant payé une amende pour violation du régime des QR Codes. Il paraît que manuellement, c'est quasiment impossible à faire, en revanche comme il n'y a pas de limite au nombre de tentatives de demande, un programme peut parfaitement entrer dans le système et récupérer les données personnelles. Sobianine estime que les gens sont eux-mêmes fautifs, ils ne doivent pas disperser leurs données personnelles, mais la Procuratura va quand même regarder ce qu'il se passe ...
Les rêves de grandeur ramenés aux exigences du réel. Et ses ailes de géant, fantasmées dans le monde virtuel, l'empêchent de marcher... dans le monde réel.
Mieux vaut tard que jamais.
RépondreSupprimerLa relation entre les institutions d'état et le droit semble différente en Russie (par rapport à la France). Ici, l'arbitraire c'est principalement l'état.
Il faudrait que tout le monde se ressaisissent et vite avant qu'il n'y ai des morts dû à une psychose, je pense qu'il doit déjà y en avoir.... Un fait divers: hier j'apprends qu'un membre de ma belle famille entre à l'hôpital en catastrophe pour des reins bloqués (5 calculs), les médecins ne veulent pas lui donner des anti inflammatoires car il y a un "risque potentiel" avec le virus covid. Donc du coup le chirurgien qui veux opérer en urgence car cela urge ne peux pas opérer et on fait quoi, on laisse mourrir (en quelques jours ?), c'est mieux que le covid ? (le chirurgien a rouspété pour lui en procurer...).
Un pays ou l'on a décidé (en haut lieu) de supprimer (sauf pour les pistonnés...) un médicament connu depuis +40 ans pour autoriser du rivotril en masse dans les Ehpads, n'est pas un pays digne. C'est triste mais c'est ainsi.
Un politicien allemand avait dit que ce n'était pas une guerre mais un test d'humanité. La France a donc failli à ce test, lamentablement.