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vendredi 9 septembre 2011

Edinaya Rossiya contre le Front populaire: une guerre médiatique ou politique?

ОНФ, подозревать ли худшее
Андрей Левкин





Mercredi a été annoncé que le Front populaire a rempli sa mission. Mais ceci concernait la campagne pour les élections à la Douma. Surprenant, puisque cette campagne n'a pas encore réellement commencé. Peu de commentaires ont été fait. La situation n'est pas claire.


Tout de suite, un article parait dans Gazeta.ru (ici) selon lequel, des deux bureaux de campagne, il ne reste plus que celui de Edinaya Rossiya. Le Front a donc perdu. Ainsi, il y avait deux bureaux de campagne, celui du Front dirigé par le vice-premier ministre V. Volodine, et celui de Edinaya Rossiya dirigé par V. Surkov. Il a été dit que tout l'été ces deux "bureaux" ont travaillés parallèlement sur la campagne, ce qui a amené à une certaine confusion. Ce qui n'est pas très clair non plus est que le Front a été créé en mai, il a commencé à prendre du poids et il se trouve que tout de suite ces pauvres représentants du peuple incorporés ont été inscrits sur les listes du Parti. Pratique étrange.

Pourtant mercredi, le vice-président de l'organe central exécutif du Parti, V. Galtchenko, déclare les objectifs du Front populaire accomplis. C'est intéressant, d'autant plus que de toute manière l'idée du Front n'avait rien à voir initialement avec la campagne électorale, c'était une démonstration de force, autrement dit du soutien populaire sur lequel le leader national Vladimir Poutine peut compter.

Selon S. Belkovsky, toujours dans l'article de gazeta.ru, ces épisodes s'expliquent par la guerre politique, guerre d'influence, entre deux hommes: Surkov et Volodine. Selon une autre version, celle de G. Pavlovsky (ancien politologue n°1 du Kremlin remercié il y a peu), le Front joué contre le parti du pouvoir, a perturbé les électeurs, c'est pourquoi il faut écarter de la scène électorale ce malheureux projet, qui était une improvisation de Vladimir Poutine. En ce sens, la déclaration de Galtchenko est une minimisation des dégâts que peut causer le Front populaire.


Il est intéressant que sur le site officiel du front populaire, rien n'a été remarqué. On y trouve toujours les déclarations des jours heureux concernant les primaires ou la déclaration de Poutine sur le renforcement du rôle du Front au sein de la Douma (voir notre article ici). Ou encore à quel point les politiciens étrangers ont appréciés la participation des représentants du Front populaire lors des primaires. Il semble un peu précipité de l'enterrer sans autres formalités.

Pourtant la question centrale reste ouverte: qu'en est-il du soutien populaire au leader national? En ce sens, le projet "Front populaire" n'est pas fini, puisqu'il doit jouer non pas pour les élections présidentielles elles-mêmes, mais en amont lors du choix du candidat, ou plutôt du futur Président de la Fédération de Russie, processus hautement confidentiel. Et sur ce point, alors que des déclarations de Medvedev étaient attendues à Yaroslav hier, rien n'est survenu sauf un discours sans dimension politique (voir sur le sujet ici l'article sur polit.ru).


Le combat entre le Front populaire de Poutine et Edinaya Rossiya est en lui-même intéressant. Il pourrait être révélateur d'un combat entre deux hommes ou plutôt deux clans, celui de Poutine et celui de Medvedev, si ces individus avaient réellement une indépendance politique. Mais, justement, cette question reste posée et leur incapacité à se prononcer sur leur éventuelle candidature est significative.

Il pourrait s'agir d'une question technique: l'existence non juridique du Front donne un argument de poids aux adversaires de Edinaya Rossiya dans la campagne qui commence (voir l'article sur specletter.com cité), mais depuis quand le parti du pouvoir s'inquiète-t-il de ce genre de quetions?

Seule certitude, il y a un combat. Mais est-il à ce point politique? Ne revêt-il pas une grande dimension médiatique? Comme les accrocs entre Poutine et Medvedev ont permis - et permettent encore parfois - de faire croire à une réelle concurrence politique, même si elle est interne.

Affaire à suivre...

jeudi 8 septembre 2011

La réforme pénitentiaire: les leçons tirées de la mort de S. Magnitsky

Штрафника спасет диагноз
Министерство юстиции утвердило порядок медосмотра осужденных перед направлением в карцер или одиночку
Владислав Куликов
"Российская газета" - Федеральный выпуск №5574 (198)






Le 7 septembre 2011, Rossiïskaya Gazeta a publié l'arrêté du ministère de la justice du 9 août 2011 qui permet aux détenus de ne pas être soumis à certaines mesures strictes d'incarcération en raison de leur état de santé (voir le texte en russe ici).

A présent, le personnel pénitentiaire sera obligé de faire vérifier l'état de santé du détenu avant, par exemple, de le mettre en cellule d'isolement. Si physiquement, il n'est pas apte à supporter une telle mesure, rien ne justifie de lui faire subir une telle épreuve.

Même les détenus les plus difficiles ont droit à la vie: le système pénitentiaire est prévu pour corriger et non pour déformer. Si la position du législateur peut sembler à certains injuste, il est nécessaire de comprendre que ce système doit être civilisé, et de ce fait porter une attention particulière à la valeur de la vie humaine.


Comme l'a récemment rappelée la Prokuratura générale, dans les lieux de détention 4423 personnes sont mortes l'année dernière. Lors de leurs vérifications, les procureurs ont signalés de massives violations des normes en matière médicale, en partant de l'utilisation de matériaux médicaux qui ont dépassé leur date d'utilisation recommandée et allant à des soins médicaux de médiocres qualités.

Tout le monde reconnait la nécessité de modifier les conditions de vie dans les lieux de détention, y compris le personnel pénitentiaire. Selon les données officielles, plus de 90% des détenus sont malades d'une manière ou d'une autre. Plus de 410 milles d'entre eux ont une maladie particulièrement grave comme le SIDA ou la tuberculose.


A Saint Petersbourg, dans les oblasts de Leningrad et de Tver une expérience a été mise en place visant à la multiplication des lieux spécialisés de prévention auprès des établissements de détention et la possibilité de soigner les détenus dans des établissements médicaux non pénitentiaires.


La prise de consience qu'un détenu est également un être humain est généralement le signe d'une évolution positive de la société et des valeurs qu'elle entend défendre. On ne peut que saluer cette position.


Elle est toutefois incompatible avec certains éléments surprenant du système juridique russe. Ainsi, comme l'a sous-entendu la Cour suprême dans sa décision du 30 août 2011 (voir notre article ici), il est humain de vivre dans 2m2, mais, maintenant si un détenu a le temps d'y tomber malade avant d'en mourir, il pourra être soigné pour ensuite ... y retourner. Il n'est pas certain que la notion de "système civilisé" renvoie réellement à de telles conditions de vie... même en prison.

mercredi 7 septembre 2011

Les conseils de la famille Magnitsky contre la Cour constitutionnelle russe

Suite à la mort en détention préventive le 16 novembre 2009 du juriste du Fond d'investissement Hermitage Capital S. Magnitsky, les poursuites liées à l'affaire dans laquelle il était accusé de fraude à l'impôt ont été officiellement arrêtées. Comme le requiert le principe du contradictoire, puisqu'un mort ne peut se défendre. Mais la loi permet également de pouvoir défendre son nom et son honneur. L'affaire a donc été réouverte.

Comme l'affirment et la famille et leur représentant devant la presse (voir notamment sur le site grani.ru en russe ici), la réouverture de l'affaire est illégale, inconstitutionnelle et immorale. Pour ces raisons, ni la mère de S. Magnitsky, ni sa femme ne se présenteront devant les enquêteurs qui les ont convoqués. Par ailleurs, ils ont déposés lundi un recours sur le fondement de l'article 125 du CPP russe, permettant d'attaquer en justice toute décision des enquêteurs et actes d'instruction en général, recours formé contre cette décision de réouverture, également qualifiée par la famille de blasphématoire (voir l'article ici).


En dehors des sentiments d'horreur et de révolte que provoquent la mort d'un homme, alors qu'il doit être protégé par l'Etat dont il ressort - indépendamment de son innocence ou de sa culpabilité, mais simplement en raison de sa condition humaine. En dehors de l'injustice de cette situation. Il est nécessaire de revenir sur les aspects strictement juridiques de la réouverture de l'enquête. Et pour cela de clarifier deux questions fondamentales:



  1. Pourquoi maintenant?


  2. Pourquoi la convocation par les enquêteurs?

Pour comprendre la raison juridique de la réouverture de l'enquête, il faut se souvenir de la survenance d'un nouvel élément de droit, en la décision prise par la Cour constitutionnelle russe le 14 juillet 2011 N° 16-P (texte de la décision ici). Par cette décision, la Cour reconnaît le droit aux proches de la personne soupçonnée - et décédée - d'obtenir que l'enquête soit réouverte afin de défendre son nom et son honneur. Autrement dit, d'obtenir la fin des poursuites non en raison de la mort et ainsi de laisser subsister un doute sur son innocence, mais d'obtenir soit un non lieu soit et surtout une décision de justice favorable sur le fond (pour plus de détails sur cette décision constitutionnelle, voir notre article sur le sujet ici). Faisant application de cette décision de la Cour constitutionnelle particulièrement - et exceptionnellement - applaudie par la société civile russe, l'enquête sur l'affaire Magnitsky - au fond, c'est-à-dire quant à la culpabilité ou l'innocence du juriste de Hermitage Capital - peut être réouverte. Premier point.


Ensuite, il est aisé de comprendre pourquoi, justement, les proches ont été convoqués par les enquêteurs. Il ne s'agit pas de les soumettre à un interrogatoire, mais simplement de leur demander s'ils veulent ou non poursuivre l'affaire et défendre ainsi devant la justice l'innocence de S. Magnitsky. Convocation à laquelle les membres de la famille ont refusés de se rendre. Deuxième point.


Une fois ces deux questions réglées, reste celle - plus énigmatique - des motivations de la famille Magnitsky. Il est tout à fait compréhensible qu'ils ne croient pas en la justice de leur pays et qu'en désespoir de cause ils ne veulent tout simplement plus avoir à faire avec les personnes responsables de la mort de leur proche. Ce qui est humainement logique.


Pourtant, quelle est la logique de leur représentant, lui juriste et en dehors de tout raisonnement affectif ? Ce recours contre la décision de réouverture est un non-sens, puisqu'il suffit de se présenter à la convocation des enquêteurs et de déclarer ne pas vouloir reprendre les poursuites pour que l'affaire s'arrête là. Quant au fait que la même institution reprenne les poursuites, il est difficile de faire autrement, puisqu'il n'y a pas de juge d'instruction en Russie, cela ressort du pouvoir de la police. C'est donc également un non sens.


Et surtout pourquoi ne pas vouloir défendre l'innocence de S. Magnitsky devant la justice? Surtout lors d'un procès qui ne manquerait pas d'être surmédiatisé? De prouver ainsi soit l'innocence de cet homme, soit de démontrer publiquement la perversité et la politisation du système judiciaire?


Pourquoi?

mardi 6 septembre 2011

Le processus de soviétisation de la Douma en marche

Владимир Путин заранее продлевает линию "Фронта"
Он дал понять, что хочет видеть свой ОНФ влиятельным и после думских выборов

Виктор Хамраев


Hier, Vladimir Poutine a précisé que le Front populaire n'est pas une structure temporaire donnée en vue des élections, mais son activité doit également continuer après les échéances électorales, afin de constituer un espace de regroupement social, dont non seulement la fraction du parti Edinaya Rossiya à la Douma devra tenir compte, mais également les différents comités spécialisés. Les experts ont peur qu'une telle initiative ne transforme définitivement la Douma en un organe représentatif fictif, comme cela était du temps de l'URSS.

Dans la mesure où, selon Poutine, plus de la moitié de la fraction Edinaya Rossiya sera constituée de membres indépendants ne relevant que du Front populaire, le Parti devra discuter avec les membres du Front de toutes les grandes orientations politiques et décisions à prendre.

Plus concrètement, dès à présent, il faut dresser la liste des projets de loi prioritaires qui devront être débattus lors de la session parlementaire d'automne et organiser des discussions communes avec les représentants du comité fédéral de coordination du Front populaire. Il est également nécessaire de prévoir les mécanismes permettant le renforcement de la participation de ces représentants dans les conseils d'experts auprès des comités spécialisés de la Douma, et ce dès à présent, ce qui doit permettre de renforcer leur connaissance des mécanismes parlementaires en vue de leurs futures élections.

Les députés des autres partis sont plus septiques. Selon M. Rokhmistrov (LDPR), dans le principe des consultations avec les représentants de la société, il n'y a aucune innovation, puisque des mécanismes existent déjà. Mais sur le fait que les députés Edinaya Rossiya puissent écouter de nouvelles idées et en tenir compte, le doute est permis, puisqu'ils n'écoutent déjà pas l'opinion des députés qui ne correspondent pas exactement à la leur. Quant au député PC S. Obukhov, il ne comprend pas très bien de quelle liste de projets de loi prioritaires il va falloir discuter avec le Front populaire, puisqu'elle est déjà établie - par l'administration présidentielle et le Gouvernement.

Selon V. Cheïnis (Iabloko), l'idée de débats et de discussions avec la société est en elle-même bonne, mais la résolution des questions sociales en termes législatifs ne ressort que de la compétence du Parlement.

Si la modernisation de la Douma va dans le sens d'une reconnaissance formelle de compétences à des non-parlementaires, la Douma risque vite de se transformer en Conseil des députés travailleurs de l'époque soviétique, comme le rappelle le professeur S. Tcherniakhovsky.

Toutefois, comme le souligne le directeur du Centre des technologies politiques, B. Makarenko, le Front populaire n'a pas eu pour effet de regrouper de manière générale la société civile, puisque n'y sont entrées que les entités qui entretenaient déjà des liens étroits avec Edinaya Rossiya et souvent, dans les listes électorales, les 5 premières places, c'est-à-dire les places permettant d'être réellement élus, sont occupées par des membres de Edinaya Rossiya.

Le projet Front populaire révèle peu à peu son véritable visage politique. Si formellement, pour les élections il ne va pas permettre à des acteurs de la société civile non membres du Parti de devenir députés - les places sont déjà retenues depuis longtemps - il permet de mettre en place une machine "hors système" pour gagner du temps de parole non réglementé, il permet sous couvert "d'universalité sociale" de redonner une légitimité - même fictive - à un parti qui en a besoin et, après les élections, il permet de renforcer la main-mise sur le système représentatif, qui ne représente déjà plus que lui-même. C'est encore un moyen de réduire les possibilités de l'opposition politique, indépendamment du moment des élections, et donc de porter atteinte de manière systémique - s'il est institutionnalisé - à ce qui reste de pluralisme politique.


lundi 5 septembre 2011

Droit d'amendement par internet en Russie ou la démocratie virtuelle

К каждому законопроекту можно будет оставить свой комментарий на сайте Госдумы
Комментирует Александр Михайлов,кандидат политических наук, специалист в области политического PR


Le membre du comité de la Douma pour la politique d'information, Robert Shleguel, a déclaré que, à partir du mois de décembre de cette année, toute personne pourra déposer un commentaire à tout projet de loi sur le site officiel de la Douma.

Cette idée semble à première vue intéressante. Ouvrir le débat, renforcer la transparence, permettre à chaque membre de la société d'exprimer son point de vue, etc.

Pourtant survient déjà un problème technique. La Douma n'est pratiquement pas équipée pour l'accès internet, mais fonctionne sur l'intranet. Seuls quelques députés sur leurs propres ordinateurs pourront donc y avoir accès. L'intérêt est déjà très réduit.

Il semble toutefois que cette initiative, en dehors de son aspect populiste évident, soit largement inspiré par la résonnance sociale qu'ont eu les projets de loi sur la police et sur l'enseignement. Les résultats de ces "consultations populaires" sont eux plus discutables.

Selon Alexandre Mikhailov, politologue, cette démarche initiée par Edinaya Rossiya n'est qu'une opération de communication en période électorale, sans qu'il n'y ait de résultats concrets à en attendre. Pas plus que le Parti n'écoute la position de ses collègues d'opposition, pas plus il ne va écouter "la voix du peuple". Il ne fait pas non plus de doutes que le site sera bien contrôlé pour ne pas laisser passer de propositions qui puissent être en contradiction frontale avec la ligne du Parti. Il faut se souvenir que lors de la discussion autour de la réforme du système de santé, bien que les critiques contre le ministre en charge du dossier, formulées par L. Rochal, personnalité reconnue dans les milieux médicaux, aient porvoqués une vague de réactions dans la société, dans le même temps le site de discussion créé pour en débattre ne permettait que la publication de messages soutenant le ministre. Une démarche analogue est à attendre ici.

On ne peut, pour notre part, que souligner le populisme de cette mesure. Elle fait partie de la liste, déjà longue, des "réformes démocratiques" qui n'engagent à rien et permettent de faire bonne figure.

Les députés sont là pour débattre des lois. S'ils ne peuvent défendre les intérêts de leurs électeurs, leur place est ailleurs.

S'il est nécessaire de renforcer la discussion à la Douma - ce qui est une évidence - il faut alors permettre non seulement l'enregistrement des partis d'opposition, mais encore l'organisation d'élections libres et propres. Ceci permettra de réellement exercer un droit d'amendement constructif et efficace.

Mais qui le veut?