Le 8e convoi humanitaire
Les dernières décisions de Poroshenko peuvent sembler, à première vue, surprenantes. Pourquoi couper totalement le Donbass, si l'Ukraine ne veut pas y renoncer? L'absence de reconnaissance plus ouverte de la part de Moscou surprend tout autant. Certains analystes politiques russes y ont apporté une explication intéressante. La non reconnaissance des Républiques de Donetsk et Lugansk est une garantie contre une intervention militaire directe de l'Ukraine en Crimée.
Le jeu diplomatique qui se joue entre l'Ukraine et la Russie a souvent de quoi surprendre. Dernièrement, afin de parfaire le blocus initié par le blocage des comptes en banque des habitants de la zone hors contrôle de Kiev, le Président ukrainien annonce la fermeture de tous les services publics ukrainiens (écoles, hôpitaux, services administratifs, etc.) et de toutes les entreprises publiques et de leurs filiales dans les territoires contrôlés par les combattants.
Cela peut surprendre, car c'est une sorte de renoncement. L'Ukraine abandonne donc ouvertement la zone aux combattants. Elle leur abandonne également les services publics, les entreprises et les habitants. C'est donc une zone morte pour l'Ukraine.
Et c'est justement ce qui est en jeu: la mise à mort du Donbass, avec l'aide de l'hiver. Car le but de tout cela est la Crimée, et à travers la Crimée, la Russie. Et afin de mieux conduire toute cette opération, Poroshenko propose de recourir à des spécialistes étrangers. Cette fois-ci, il ne s'agit pas de s'entourer de consultants, ils sont déjà sur place. Non, il s'agit de leur laisser les rênes de l'Etat.
Ainsi, le Gouvernement va voir arriver des ministres et des vices-ministres étrangers. Cela permet à Poroshenko de résoudre deux problèmes. Le premier, intérieur, dans son conflit avec Yatséniuk. Il ne peut imposer au Premier ministre ses candidatures. Il contourne ainsi le problème en proposant des étrangers, ce que Yatséniuk ne peut refuser, permettant ainsi à Poroshenko de ne pas perdre la main sur l'exécutif. Le second aspect, sur le plan international, cela permet de laisser plus de marge de manœuvre aux dirigeants du pays. Evidemment, il n'y aura pas d'américains (ce serait trop évident), mais des géorgiens (l'ancien ministre de la justice, Z. Adeichvilli, qui est actuellement accusé dans son pays d'excès de pouvoir, de maltraitance envers les détenus et de fabrication d'affaires pénales), des spécialistes polonais et baltes. Et ce dans des domaines clés comme l'agence de lutte contre la corruption, le ministère de l'intérieur, les finances, les infrastructures et l'énergie. Ce qui est largement critiqué par les députés du Bloc d'opposition.
Ainsi l'Ukraine affiche ouvertement son instrumentalisation. Cela complète le tableau. Comme nous l'avons publié, l'aide militaire apportée à l'Ukraine concerne également la marine. Ce qui surprend après le départ de la Crimée. Sauf à retenir l'idée selon laquelle, il faut faire rentrer la Crimée. Et ici, certains analystes avancent une interprétation intéressante.
L'Ukraine veut reprendre la Crimée et forcer ainsi la Russie à réagir. L'Ukraine le veut, ou on le veut pour elle, maintenant ça ne change plus rien à la donne. Si les forces armées dites ukrainiennes attaquent la Crimée, la communauté internationale ne bougera pas, car tous reconnaissent ce territoire comme appartenant à l'Ukraine, qui va donc simplement chercher à le récupérer. Si la Russie intervient en réponse, elle envahit l'Ukraine et sera condamnée par la communauté internationale, encore plus violemment que maintenant. Et les conséquences économiques, politiques et sociales peuvent être considérables à l'intérieur. Car il ne s'agit pas de la menace d'une attaque militaire directe. C'est une autre guerre qui a lieu ici.
Dans ce schéma, les Républiques de Donetsk et de Lugansk, dont l'indépendance n'est pas reconnue, sont fondamentales dans le jeu russe. Car si l'Ukraine attaque la Crimée, la réponse peut venir des combattants du Donbass, qui eux, ukrainiens, peuvent répondre, voire en allant vers Kiev, leur capitale. Donc, tant que la Russie ne reconnait pas le Donbass, Kiev ne peut pas bouger. Car, il y a trop de risques, vue la faiblesse de l'armée ukrainienne aujourd'hui.
D'où l'intérêt de lancer cette opération de prise en otage des populations civiles, ou du blocus lancé par Poroshenko. Il ne veut pas faire craquer les populations locales pour les faire rentrer dans le giron ukrainien, il sait très bien que c'est beaucoup trop tard pour cela. Il pousse la Russie à la faute. Comment laisser les gens mourir de faim? Comment ne pas intervenir? Les convois humanitaires (le 8e vient d'arriver) ne permettent que la survie d'une partie de la population locale. Avec l'hiver, la situation va rapidement être dramatique. Et si la Russie reconnait le Donbass, le conflit alors ne serait plus intérieur à l'Ukraine.
Donc, soit la Russie intègre le Donbass pour le sauver en mettant en péril son équilibre interne, car l'attaque de la Crimée et la nécessaire riposte sont difficilement évitables, soit la Russie ne réagit pas, mais les convois humanitaires n'étant pas suffisant, elle se rend complice d'un génocide, ce qui va mettre en péril son équilibre politico-social intérieur.
Maintenant, les cartes sont entre les mains de la Russie, qui nous a habitué à plus d'un retournement de situation. Voyons. Mais espérons que la réponse ne tardera pas trop, les habitants du Donbass, sinon, ne seront plus là pour le voir.
voila tous les ingrédients pour déclencher une guerre ;espérons l'apaisement ....
RépondreSupprimerLa guerre n'aura pas lieu à tout le moins sous sa forme classique d'un affrontement d'armées ennemies. La raison en est la dissuasion, notamment nucléaire. Du coup cela empêche le règlement même provisoire du conflit condamné au pourrissement. C'est là l' une des caractéristique de la plupart des conflits engagés par la Puissance hégémonique du système mondial (symbolisé en Ukraine par le recrutement d'experts étrangers, sinon apatrides) contre les résistances irréductibles qu'elle génère.
RépondreSupprimerIl est une autre caractéristique, non des moindres, la "guerre" physique chaude étant inhibée, ou contenue, empêchée elle se déroule, faute de mieux dans le virtuel, le spéculatif, sur nos écrans. Cet article et ce commentaire en témoignent.
Renversement de la logique aristotélicienne (celle du passage à l'acte, de l'enchaînement du virtuel à l'actuel, de l'histoire comme actualisation) en une logique de dissuasion du réel par le virtuel.
Une caractéristique générale que l'on peut observer à tous les niveaux comme celui du politique à la dimension d'un État comme celui de la France qui en fait un spectacle vaudevillesque lamentable.
C'est horrible de constater le peu de valeur qu'ont les populations dans ces jeux politiques... Le peuple du Donbass que j'estime mérite de vivre en paix, selon ses aspirations propres (Novorossiya ou autre...et tant pis pour les frontières !), que les nationalistes ukrainiens paieront pour le bain de sang d'Odessa et que l'Occident et la Russie parviennent à se comprendre et s'accepter.
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