Moldavie: de la corruption à l'Europe?

Malgré le coup de force des dernières élections permettant aux forces pro-européennes en Moldavie de constituer une majorité que les urnes ne leur avaient pas réellement conférée, le pouvoir en place ne semble satisfaire personne, ni à l"Est ni à l'Ouest, car trop corrompu, oligarchique et donc menant une politique pro-européenne "de seconde fraîcheur". Ce qui ne correspond pas au calendrier des rapports de forces dans la région. Revenons donc sur ces manifestations.

Les manifestations de la capitale de Moldovie, Chisinau, qui ont débutées dimanche et ont mobilisés une centaine de millier de personnes n'étaient une surprise pour personne. Environ deux semaines avant le début de l'évènement, tout le monde était au courant, la place a été préparée pour accueillir les manifestants, la scène etc. En ce sens, cela n'a rien à voir avec les manifestations du Maïdan à Kiev qui ont provoqué la chute du régime ukrainien.

Pour autant, beaucoup de points comparables: une foule au départ plutôt calme composée de la classe moyenne fatiguée par la corruption du régime avec quelques éléments de jeunesse radicale; une place et un "petit village de tentes" pour la "dignité et la justice" mis en place par un groupe politique pro-européen; une foule avec des drapeaux nationaux et européens qui demandent le départ du Président, du Gouvernement et de toutes les autorités (justice, finances, ...), ce qui implique une future "lustration", autrement dit un changement radical démocratique des personnes en place.

Donc un certain air de famille, mais un contexte différent, car les forces pro-européennes sont déjà au pouvoir, mais elles ne sont pas jugées suffisamment efficaces.

Au départ, il y avait deux manifestations, une composée par le "Bloc rouge" et l'autre par les pro-européens. Vu le peu de personnes, quelques centaines chez les uns, contre plusieurs milliers chez les pro-européens, les leaders du parti non parlementaire Notre maison Moldavie (dit Bloc rouge) ont décidé de joindre le mouvement pro-européen. Ainsi, une seule place, une seule foule et des orateurs qui se succèdent. 

Un consensus existe dans la population sur le fait que le pouvoir en place n'a pas respecté ses engagements politiques, n'a pas mis en oeuvre les réformes promises et la corruption n'a cessée de se renforcer. A tel point que le pouvoir réel n'est plus entre les mains des structures étatiques, mais entre les mains d'un oligarque, Vladimir Plakhotniouk qui contrôle le Président et le Gouvernement, une grande partie de la justice et des forces de l'ordre. Bref, ce système totalement corrompu arrive à son terme.

Même si la police a fait partir les manifestants, même si les manifestants ont promis de rester jusqu'au bout, il y a peu de chances pour que l'Europe et les Etats Unis permettent à la situation de déraper avec autant de violence qu'à Kiev. Ce ne sera certainement pas nécessaire. Car il ne s'agit pas de mettre en place des forces pro-européenne, mais de changer un groupe pro-européen trop corrompu par un autre plus radical. C'est une guerre interne, les forces pro-russes, qui existent aussi, sont pour l'instant en retrait.

Et le changement de régime qui est attendu ne le sera pas dans l'intérêt d'un rapprochement avec la Russie ni d'une politique de bon voisinage entre l'UE et la Russie. Il s'agit plutôt de radicaliser le cours pro-européen et notamment d'exécuter les demandes répétées faites à la Moldavie de raffermir son soutien à l'Ukraine, de bloquer hermétiquement la frontière avec la Transnistrie (sur la situation en transnistrie, voir notre publication ici), ce qui permettrait de provoquer une réaction russe, réaction qui se fait trop attendre avec le Donbass. 

Car malgré les allégations répétées de troupes russes se balladant sur le territoire ukrainien, la Russie ne veut pas du Donbass et ne risquera pas la stabilité de la région pour ce territoire.