La Grèce, un pont entre la Russie et l'Europe

Ministre grec des finances

A beaucoup de points de vue, la Grèce est historiquement un pont entre l'Europe et la Russie. Sur les plans culturels, religieux notamment. Il semblerait, qu'au-delà de la crise économique dans laquelle la Grèce s'est enfoncée, elle peut à nouveau jouer ce rôle fondamental de construction d'une Europe européenne sur le continent européen. Et la rencontre qui va avoir lieu aujourd'hui à Moscou en est un signe. Peut-être deviendra-t-il un exemple pour le réveil des pays européens.

Aujourd'hui, le Premier ministre grec doit rencontrer le Président russe V. Poutine et le Premier ministre D. Medvedev pour discuter de la coopération entre la Grèce et la Russie dans cette période, pour le moins difficile, d'hystérie idéologique et de régression politique, j'entend de russophobie primaire et de prise de pouvoir de fonctionnaires politiquement irresponsables à la place de politiques. 

La dette de la Grèce dépasse les 320 milliards d'euro, ce qui correspond à 174% de son PIB. Au-delà des différents prêts accordés sous haute surveillance et conditions drastiques, notamment de réformes idéologiquement alignées du pays, la Grèce a besoin de développer son économie et pas seulement de la soumettre à un régime néolibéral drastique. Elle rembourse par tranche son prêt de 1,5 milliard d'euro au FMI, mais cela ne résous pas ses difficultés.

En ce sens, la négociation d'accords de partenariat en matière économique et énergétique avec la Russie serait une manne pour le budget grec. Si la Grèce peut obtenir de Moscou la levée de l'embargo qui touche tous les pays d'UE en raison des sanctions de l'UE contre la Russie, ce pays, largement agricole et tourné vers le tourisme, pourrait voir une embellie dans son activité. De la même manière, la Grèce peut avoir un rôle intéressant à jouer dans la construction des gazoducs qui alimenteraient l'Europe. 

Et même si les dirigeants européens, notamment allemands et français, ne se disent pas inquiets de la visite du Premier ministre grec à Moscou, ils espèrent que cela se fasse dans la ligne politique qui est la leur. Or, peut-on sincèrement penser que la ligne politique tenue par l'UE soit dans l'intérêt de la Grèce? Quelles sont les effets bénéfiques des politiques néolibérales menées dans le pays? La population vit-elle mieux? L'économie a-t-elle repris? La dette a-t-elle baissé? Et sur le plan international, la Grèce a-t-elle intérêt à soutenir des sanctions contre un pays où elle peut exporter sa production locale, sans avoir trouvé de pays de remplacement en contre partie de sa loyauté?

En ce sens, le ministre de la réforme et de l'énergie grec a d'ailleurs déclaré que les relations entre la Grèce et la Russie ont toujours été très bonnes et qu'il n'y a aucun raison pour ne pas renforcer la coopération entre les deux pays. Ce qui, par ailleurs, est dans l'intérêt de l'Europe. Ici la Grèce peut devenir un exemple, ce qui aidera toute la région et l'Europe. La Grèce estime que le renforcement de cette coopération va dans le sens d'une plus grande stabilité et sécurité en Europe. 

En Europe, oui, mais il est possible d'avoir des doutes en ce qui concerne l'Union Européenne qui, elle, est dans une ligne idéologique totalement différente. Et le renforcement de la coopération de la Grèce, qui de surcroît risque de donner l'exemple, avec la Russie va directement à l'encontre de sa ligne atlantiste.

La Grèce pourrait-elle amener les pays européens à réfléchir sur l'intérêt comparé pour eux de mener une politique atlantiste dépendante ou européenne indépendante? Mais nos dirigeants sont-ils encore aptes à l'indépendance, c'est-à-dire à diriger?